Activité : un retour à la normale ?
Après les perturbations des dernières années, l'économie française pourrait retrouver sa trajectoire de long cours, selon le cabinet d'étude Astères.
Les faillites qui augmentent, les bons chiffres de l'export de cet été... Il n'y a lieu ni de paniquer, ni de s'enthousiasmer outre-mesure prévient le cabinet d'étude Astères. Sylvain Bersinger, chef économiste, présentait son analyse de la conjoncture le 5 septembre, à Paris. « Nous sommes plutôt en train d'aller vers une normalisation de l'économie, après les crises du Covid et inflationniste », estime l'expert, distinguant phénomènes conjoncturels et tendances de long terme. Pour lui, les principales variables macro-économiques reviennent actuellement à leur tendance de long cours, après les fortes turbulences qui ont commencé lors de la pandémie. Alors, il est vrai que cet été les défaillances d'entreprises ont progressé. Toutefois, Sylvain Bersinger estime qu'« à ce stade, il n'y a pas de grosse inquiétude à avoir ». Le niveau de défaillances est en effet revenu à un niveau comparable à 2019, fermant la parenthèse des années de soutien massif de l’État.
Côté croissance, au deuxième trimestre 2023, le PIB a connu une hausse de 1% en glissement annuel. La récession tant redoutée n'a donc pas eu lieu. En revanche, il ne faut pas se réjouir trop vite à la lecture du bon chiffre, meilleur que prévu, du deuxième trimestre (+ 0,5%), lié à l'export. « Il ne se reproduira vraisemblablement pas », avertit Sylvain Bersinger. Un autre phénomène devrait rester sans lendemain : le rebond d'inflation du mois d'août (+4,8 % après +4,3 % le mois précédent, d'après l'Insee). Pour l'économiste, il s'agit d'un « feu de paille », lié aux hausses de prix dans le domaine de l'énergie.
Car dans les autres secteurs, l'inflation a continué à baisser, y compris pour les produits alimentaires et les services. La tendance de long terme serait donc celle d'un tassement global de l'inflation, après la très forte hausse qui a débuté à la sortie du Covid et s'est poursuivie avec la guerre en Ukraine pour atteindre un pic en février dernier. En effet, en matière d'inflation, « les prix de production donnent la tendance en amont », argumente Sylvain Bersinger. Dans l'industrie, par exemple, les prix de sortie d'usine avaient commencé à flamber avant le démarrage de l'inflation. Et au mois de juillet, ils ont baissé. « Cela signifie que la désinflation est dans les tuyaux », complète Sylvain Bersinger. La dynamique est comparable pour les produits alimentaires et dans les services.
Pas d'envolée du chômage
Au niveau macro-économique, Asterès observe que cette courbe de l'inflation (qui se tasse) est en train de rencontrer une autre courbe (qui monte) : celle des salaires. « L'inflation a augmenté plus vite que les salaires. Ce décalage est assez classique, les salaires réagissant toujours avec retard, en raison du temps nécessaire à la négociation », explique l’expert. Aujourd'hui, du fait du croisement des deux courbes, les salariés qui ont vu leur pouvoir d'achat s'éroder devraient le voir augmenter. Ce phénomène est observé de manière récurrente lors des chocs inflationnistes, d'après une étude du FMI, selon le cabinet Astères.
Le marché de l'emploi, lui, a surpris tout le monde et ses récentes évolutions ont constitué une « leçon de modestie » pour les économistes, pointe Sylvain Bersinger. « Personne n'avait vu la dynamique des embauches en sortie de Covid. La dynamique de l'emploi a été plus forte que prévu », admet-il. Le taux de chômage a donc beaucoup diminué, et sa légère remontée récente ne devrait pas inquiéter. « Je ne crois pas en une envolée du chômage », avance l’expert. Pour lui, il est probable que la situation de l'emploi se stabilise, en cohérence avec une croissance atone. Cette dernière est le lot de l'ensemble des pays européens dont la situation est comparable à celle de la France, à l'exception de l' Allemagne, plus durement touchée.
Pour les deux années à venir, l'économie française ne pourra donc pas vraiment compter sur l'export vers ses voisins. Elle devrait être soutenue par un regain modéré de la consommation des ménages, elle-même dynamisée par des gains de pouvoir d'achat. Le PIB devrait donc connaître un taux de croissance de l'ordre de 1,3% annuel en 2024 et 2025. Et ce, sur fond de décrue de l'inflation, à un rythme difficile à prévoir mais qui devrait se stabiliser à 2,5% en 2025. Au total, une « normalisation » de l'économie. À condition, bien entendu, que d'autres crises ne viennent pas bousculer cette trajectoire...