Agence de l’eau Artois-Picardie, un appel à projets pour passer à l’eau bio
Pour mieux protéger la ressource en eau des pollutions d’origine agricole, l’Agence de l’eau Artois-Picardie lance un appel à projets pour le passage au bio et ouvre le robinet à subventions.
L’eau qui coule de nos robinets est puisée dans le sous-sol par des captages profonds ou pompée dans les cours d’eau. Ces deux ressources sont menacées par quantité de polluants qui nécessitent des traitements sophistiqués et renchérissent le coût de l’eau distribuée. Le vieux précepte “Mieux vaut prévenir que guérir” est plus que jamais de circonstance. Si elle n’est pas la seule source de pollution des captages, l’agriculture joue un rôle important par trois apports : les nitrates et phosphores provenant des engrais, les pesticides et les matières en suspension. Les deux premières sources touchent à la fois les captages profonds par percolation dans le sous-sol et les captages en cours d’eau par le rinçage des terres et le ruissellement. La troisième source ne touche que les cours d’eau. Depuis que l’on a coupé les haies par le remembrement ou déboisé les rives des fossés, becques, rivières et canaux, les terres arables sont entraînées par lessivage et érosion vers les cours d’eau. Ces terres provoquent des turbidités néfastes à la flore et la faune aquatiques et empêchent l’auto-épuration. L’eau meurt par asphyxie et ces matières se retrouvent dans l’eau pompée.
Le mal à la racine La solution est radicale : passer au bio pour supprimer les deux premières causes et replanter les berges avec ce que l’on appelle la ripisylve. L’Agence de l’eau Artois-Picardie a lancé depuis plusieurs années un vaste programme financièrement incitatif et qui passe par un appel à projets auprès des agriculteurs. Olivier Thibaut, directeur de l’Agence de l’eau, commence par un terrible constat : « Le Nord-Pas-deCalais et la Picardie étaient les deux dernières régions pour le bio, donc les Hauts-de-France sont devenus les derniers. Le bio y représente à peine 1% pour 5% au niveau national. » En 2013, le bio ne couvrait que 9 000 hectares, l’objectif est d’arriver au double en 2018 avec 18 000 hectares. En 2015, on n’en était encore qu’à 11 000. C’est dire l’ampleur du défi pour les deux années à venir. Tout le monde est mobilisé : les acteurs des filières, les collectivités et les organismes de recherche. Cinq niveaux de priorités ont été adoptés : répondre à des besoins identifiés, conforter le potentiel de développement, expérimenter, informer et former, et bien sûr une case “autres projets”. Les agriculteurs qui veulent engager une action peuvent déposer leur projet avant le 31 décembre pour une décision en mars 2017. Ces projets doivent concerner des « zones à enjeu eau ». En trois ans, 41 projets ont été soutenus pour la conversion de 3 000 ha pour 2,7 millions d’euros d’aides financières. L’Agence a prévu 6 millions d’euros d’ici 2018. Toutes les formes d’agriculture sont concernées, même si cela est plus facile par exemple en élevage, ce qui explique la bonne place de l’Avesnois.
Répondre à la demande L’engouement des consommateurs pour le bio, la conversion des cantines scolaires au bio sont autant de facteurs qui augmentent la demande alors que l’offre reste insuffisante. Les agriculteurs reconvertis témoignent, eux, d’une bonne espérance de revenus grâce à un prix de vente élevé qui compense la prise de risque. Pour l’Agence de l’eau, il y a urgence car, sur les captages, les produits phytosanitaires augmentent. Le mauvais printemps a aggravé la situation, obligeant à multiplier les traitements. Olivier Thibaut précise : « Nous n’avons pas inversé la tendance pour la qualité des eaux. » Les effets des pesticides dans l’eau sont durables et ne cessent pas du jour au lendemain. Ainsi, malgré l’interdiction de l’atrazine depuis 15 ans, on en retrouve toujours dans les captages. En effet, les terres sont saturées et il faut longtemps pour que les infiltrations rincent l’éponge. Cet effet de rémanence est préoccupant et prouve que la conversion au bio doit être rapide et massive pour que les effets soient conséquents. « On travaille pour les générations futures. » La conversion au bio ne concerne pas que le producteur, mais toute la filière jusqu’au distributeur, en passant par le stockage. En choisissant Violaines pour présenter son nouveau programme d’aides, l’Agence de l’eau n’a pas agi au hasard. Après le témoignage de Thierry Baillet de Loos-enGohelle, fervent militant du bio converti aussi à la vidéo, André Tondeur, responsable du pôle légumes au marché de Phalempin, a présenté les efforts de la distribution. Vint ensuite la visite d’un stockage d’oignons bio. La technologie de conservation doit tenir compte de l’absence de traitements conservatoires et antigermination. Le processus doit être adapté, mais n’est insurmontable ni techniquement ni financièrement. Il faut simplement regrouper les moyens par la voie coopérative. Tous ont conclu en constatant que l’époque était porteuse car les volontés politiques sont nettes comme à Loos-en-Gohelle, chez Jean-François Caron, autant que dans des grosses villes comme Lille où le bio a une place de choix dans les restaurants scolaires. Reste à espérer que ce nouvel appel très incitatif de l’Agence de l’eau soit entendu, car, quoique l’on en dise, la situation est préoccupante et on ne pourra pas éternellement traiter l’eau en aval sans enrayer la contamination à la source. Cela passera sans doute aussi par une réflexion sur tous les médicaments que nous absorbons et qui se retrouvent dans les rivières, car les stations d’épuration sont incapables d’éliminer les antibiotiques de nos rhumes ou les hormones de la pilule. Pour autant, le bio n’est pas une goutte d’eau dans la mer des bonnes intentions.