« Avant de communiquer, il faut se poser la question du sens »
Avec 3 000 entreprises et 13 500 emplois directs, la filière communication/marketing des Hauts-de-France se hisse à la seconde place après Paris. Étienne Demouy, dirigeant de JBL Com&Cie et président de Place de la Communication, le réseau qui regroupe l'ensemble des professionnels du secteur, revient sur les évolutions d'un métier en perpétuelle remise en question.
Comment analysez-vous l'évolution du métier, des premiers spots publicitaires à la communication de plus en plus virale ?
Etienne Demouy. Les métiers de la communication semblent devenus accessibles à tous mais à tort. Aujourd'hui, on ne vend plus uniquement des supports mais plutôt des raisons de communiquer parce qu'il faut réfléchir sur l'identité avant de communiquer. L'entreprise qui oublie cette étape risque de devoir revoir sa communication. On n'a jamais autant parlé de donner du sens !
À l'origine de nos métiers, nous
étions des acteurs de premier rang sur la consommation er l'hyper
consommation des ménages avec l'arrivée des hypermarchés et
c'était très positif à cette époque. La communication était un
reflet de la société. On considérait qu'il fallait être
sur-équipés mais aujourd'hui cela a beaucoup changé.
Est-ce pour cela que vous êtes souvent montrés du doigt, en tant que vecteur de l'hyper consommation ?
On est souvent vus comme des méchants.
Mais en réalité, la communication et la publicité font partie de
nous. Aujourd'hui, nous avons une autre responsabilité : changer les
modes d'usages. Le digital, s'il ne fait pas tout, prend beaucoup de
place et complexifie nos métiers.
Dans quel sens ?
La communication est devenue
omniprésente. On est submergés de messages. Et en tant qu'agence,
on a la responsabilité du contenu que l'on édite. Il nous faut
parler de communication responsable : on est clairement en retard
mais on essaie d'encourager les gestes de chacun. C'est le cas avec
le «Guide
de la communication responsable»
que nous venons de publier avec l'Ademe. Les critères RSE
n'apparaissent pas quand on choisit une agence de communication alors
qu'on les demande aux entreprises. Il est tout à fait possible
d'avoir une communication citoyenne mais c'est un travail de longue
haleine.
Présentez-nous le réseau Place de la Communication.
On compte près de 480 membres de la
communication, du marketing et du digital : annonceurs publics et
privés, indépendants, agences, écoles, institutionnels, personnes
en recherche d'emploi... Il existe d'autres réseaux de ce type en
France, chacun avec leur appellation mais nous avons tous des
problématiques communes. De notre côté, nous avons des
«amabassadeurs»
sur les différents secteurs de la région, dans l'Audomarois, le
Valenciennois, l'Arrageois, la Picardie... On organise environ 50
événements par an.
Place de la Communication vient de publier son 4ème Observatoire de la communication et du marketing. Quels en sont les premiers enseignements ?
Tous les deux ans, on réalise une
photographie de nos métiers. Déjà, il faut savoir que la filière
en tant que telle n'existe que depuis cinq ans ; nous dépendions
avant du Ministère de la Culture et aujourd'hui, nous sommes
passés sous le giron du Ministère de l'Economie et des Finances.
Nous avons recensé 3 000 entreprises et 13 500 emplois directs mais
ces chiffres sont sous-estimés. En 2023, nous lançons une étude
régionale sur les impacts économiques de la filière pour avoir des
données plus précises.
Quels sont les projets du réseau ?
Nous venons de déclencher une
médiation pour la commande publique : on nous demande, dans le cadre
d'appels d'offres, des recommandations, des plaquettes... Mais sans
être rémunérés, à la différence des architectes par exemple.
Or, à partir du moment où il y a une prestation intellectuelle, il
doit y avoir rémunération.
Nous allons également lancer un hub
«Emploi et Formation»
le 31 mars 2023. Nous n'avons pas de difficultés à recruter mais
nos métiers sont méconnus. Les écoles ne doivent pas former que
des généralistes. Mais oui, on peut faire carrière dans la com !
Il y autant d'expertises dans la communication que dans la santé !
Et on a une vraie valeur ajoutée dans la région. Regardez Epsilon
(le numéro 1 mondial du secteur) qui s'est implanté à Wasquehal,
Altavia, DPS-Synédo...
Vous parlez également de lancer un Euracommunication, à l'image d'EuraTechnologies, EuraSanté...
En effet, c'est notre projet d'ici 2025. Il s'agirait du premier site d'excellence des métiers de la communication et du marketing avec la mission de représenter la filière, de faire du développement économique, de la recherche et de l'innovation mais aussi de valoriser les compétences. Ce lieu totem, sur Lille, fonctionnerait comme un tiers lieu avec des espaces restaurations, un espace public mais aussi un plateau TV et un studio d'enregistrement. C'est une filière qu'on ne voit pas et on souhaite qu'elle soit perçue comme une filière d'excellence.
JBL Com et Cie, une agence créée il y a plus de 50 ans
En mai 1968 – le mois de la création
du premier spot publicitaire diffusé à la télévision par la
marque Boursin –, Jean-Bernard Louis fondait l'agence JBL avec
slogan «Sous
les pavés, la pub !».
L'entreprise a embauché jusqu'à 40 personnes dans les années 90,
ils sont aujourd'hui une dizaine de salariés permanents à
Mons-en-Barœul.
En 2007, Etienne Demouy reprend l'entreprise à son fondateur. « On aide nos clients à répondre à la question 'Pourquoi on communique et non pas Comment on communique' », explique-t-il. La moitié des clients de l'agence sont des marques et enseignes, un tiers des PME et ETI régionales et le reste, des associations et fondations.