Baisse des dotations : les maires sont en colère
L'Association des maires de France (AMF) organisait mi septembre des rassemblements partout en France pour protester contre la baisse des dotations annoncée par l'État. En Picardie, le mouvement était suivi par de nombreux élus.
Les maires en colère ! Les maires en colère ! » Ils étaient plus de 200, le 18 septembre, dans les rues d’Amiens, à reprendre en cœur ce même slogan pour protester contre la baisse de leurs dotations annoncée par l’État. Une baisse de l’ordre de 30% d’ici à 2017, soit 10% par an. « Nous sommes là pour dire “attention danger” car même si nous gérons bien nos collectivités, qui peut survivre à une telle amputation ? », lâche Jean-Claude Billot, président de l’Association des maires de France (AMF) dans la Somme et maire de Ferrières. « Nous sommes bien conscients de la nécessité de réduire les dépenses, mais pas de cette façon. L’État souhaite faire une économie de 50 mil- liards d’euros en demandant aux collectivités un effort de 28 milliards d’euros. Le compte n’y est pas ! » Selon Jean-Claude Billot, ces annonces auront de grosses répercussions « sur l’emploi, et plus particulièrement dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, déjà très fortement impacté par la crise. Au niveau national, il y aurait 60 000 postes menacés sur les 280 000 existants ».
Un impact sur la croissance
Un point de vue partagé par Stéphane Chevin, maire de Le Hamel, commune de 523 habitants qui dispose d’un budget annuel de 300 000 euros, dont 50 000 euros sont dédiés aux investissements : « Nous arrivons tout juste à fonctionner. Nous vivons modestement, sommes attentifs à tout, jusqu’à l’éclairage ! Le niveau d’investissement va donc forcément baisser, cela va entraîner la chute des petits artisans ! » Jean- Paul Aubrun, son premier adjoint, poursuit : « La mise aux normes pour l’accessibilité risque d’être très compliquée. Nous le ferons, car nous y sommes obligés, mais nous ne pourrons faire que le minimum, c’est à dire, des rampes d’accès pour les personnes à mobilité réduite. Nous ne pourrons malheureusement pas investir dans du matériel destiné aux aveugles par exemple. » La restauration de l’église de la commune, pourtant nécessaire, attendra elle aussi. « Il y a des fuites dans la toiture, mais nous n’avons pas le budget pour y remédier. À terme, l’église pourrait donc être fermée pour préserver la sécurité de nos habitants », regrette l’élu.
Moins de services de proximité
Pour Jean-Claude Billot, la baisse des dotations aux collectivités auraient des répercussions au-delà des communes. « 70% de l’investissement dans le pays est fait par le bloc communal. Si on recule de 10 points l’investissement, cela réduit de 0,2 point la croissance française. L’État annonce 30% de baisse, donc on arriverait à une chute de 0,6 point sur la croissance d’ici à 2017. » Les citoyens seraient eux aussi pénalisés : « Les services e proximités sont menacés. Or, dans un contexte aussi difficile que celui actuel, ils ont plus que jamais besoin de ces services ! Ils sont déjà étranglés par les impôts, il nous est donc difficile de leur demander de nouveaux efforts. » Dans l’Oise aussi, les maires ont haussé le ton. Patrice Carvalho, président de la communauté de communes des Deux Vallées et député-maire de Thourotte, dénonce lui aussi l’impact de ces mesures sur la population : « Notre offre de services publics se réduit : nous avons supprimé le service transports à la demande, les crèches, les haltes-garderies itinérantes. En ce qui concerne la construction d’une nouvelle piscine d’ici à cinq ans, l’actuelle étant très vétuste, il n’y a pas de budget pour acquérir un terrain. Nous ne pouvons pas réutiliser l’actuel et n’avons pas non plus d’argent pour construire. » Jean-Luc Laschamp, jeune et nouveau maire de Vandélicourt, 293 habitants, s’interroge : « J’ai proposé aux habitants un programme de projets à partir des recettes que nous percevions. Je n’ai jamais imaginé perdre 10 000 euros sur un budget annuel de 86 000 euros. Tous les travaux dans la commune sont remis en cause. Comment la faire vivre dans ces conditions ? »
À l’issue de la manifestation amiénoise, Jean-Claude Billot a déposé une motion à la préfecture. Ses confrères et lui demandent « l’arrêt immédiat des transferts de charges et de la création de nouvelles normes qui alourdissent le coût des politiques publiques et impactent durablement les budgets locaux. » D’autres requêtes figurent dans le document : la mise en place d’un véritable fonds d’équipement pour soutenir l’investissement du bloc communal, une pause sur le prélèvement des dotations et un report de la présentation du schéma à la Commission départementale de coopération intercommunale en ce qui concerne le renforcement de l’intercommunalité.
Loretta RIZZUTO et Françoise LEFORT