BD de la semaine
François Truffaut
Après Sergio Leone ou Alfred Hitchcock, la collection «9 ½» s’attache ici à l’un des maîtres de la Nouvelle Vague, courant majeur du cinéma français d’après-guerre, l’un des rares cinéastes à avoir conjugué succès critique et public durant toute sa carrière. L’ouvrage s’ouvre à Paris, le 31 janvier 1981, alors que la cérémonie des César vient de décerner 10 trophées à François Truffaut pour son chef-d’œuvre Le Dernier métro. Comme un symbole, le film qui se déroule pendant l’Occupation renvoie à cette période tourmentée pendant laquelle le jeune Truffaut s’est justement pris de passion pour le cinéma… Protégé d’Henri Langlois puis secrétaire particulier d’André Bazin, fulgurant théoricien du 7e art, il entre dès le début des années 1950 comme critique aux Cahiers du cinéma où ses textes pamphlétaires font grand bruit. C’est ici, aux côtés de Claude Chabrol, Jacques Rivette, Éric Rohmer et Jean-Luc Godard, qu’il fera connaître la Nouvelle Vague dans le monde entier. Ponctuée de multiples flashbacks, cette excellente biographie signée Noël Simsolo est parfaitement mise en valeur par l’élégant dessin de Marek, adepte ici d’une ligne claire, qui transpose quelques scènes d’anthologie des films de Truffaut dans un beau format cinémascope.
Glénat.
Effet miroir
Cette BD singulière s’ouvre dans une prison désaffectée où un homme s’écroule au sol après un épisode violent. Ce n’est pourtant que le cauchemar de Louis Ferrant, directeur d’une usine familiale, qui se réveille dans son lumineux loft, se prépare pour se rendre au travail puis appelle en vain son amie Camille. Le soir venu, il va faire son footing quotidien en forêt… jusqu’à ce qu’un motard ne vienne rouler autour de lui et le renverse volontairement. Après une lutte inégale, il s’enfuit puis trouve refuge dans une cabane. Il tente alors de contacter la gendarmerie mais le motard rôde toujours à l’extérieur… De cet affrontement où l’ennemi demeure un mystère, le scénariste Pierre Makyo prend le parti d’une économie de dialogues pour se concentrer sur un récit tendu aux ressorts surprenants et au final inattendu. Tandis que le graphisme signé Laval NG dessine une atmosphère automnale aux couleurs chaudes contrastant avec les contours de cette inquiétante course-poursuite en forêt conduisant à des changements de vies radicaux dans un stimulant jeu de miroirs.
Delcourt.
Hope One
Second volet d’un diptyque prégnant, cette BD se déroule en 1971 à Devil’s Lake, une petite bourgade enneigée du Dakota du nord. En plein naufrage sentimental, la shérif adjointe Jamie Brimley se retrouve seule confrontée à une double disparition puisqu’elle est sans nouvelles, depuis déjà plusieurs jours, de son père qui enquêtait sur le dossier Eve Tozer, une native de la ville qui revenait sur place pour tourner un film dans des studios au passé glorieux. Elle reçoit alors le renfort de l’agent Lavigne, un agent fédéral alcoolique et acariâtre… Après un opus inaugural en forme de huis-clos spatial aussi énigmatique que suffocant, le scénariste et dessinateur Fane prend un malin plaisir à entretenir l’opacité du récit avec ce polar austère dans la lignée du Fargo des frères Coen où le tapis blanc des terres enneigées remplace celui du cosmos. Et le lecteur de s’interroger : quel lien entre le destin d’Adam et Megan, piégés sur une station spatiale en 2020, et cette enquête menée aux Etats-Unis 50 ans auparavant ? La réponse se trouve forcément dans le final imprévisible d’une histoire au scénario très original, en osmose avec un graphisme au découpage cinématographique.
Glénat.