Consommation

Bilan à la Prévert de la Répression des fraudes

Traque aux insecticides interdits sur Internet ; sur les marchés, chasse aux cèpes roumains vendus comme français ; protection du pouvoir d'achat des consommateurs... La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des Fraudes (DGCCRF) a publié son bilan 2023.

Sarah Lacoche, directrice générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des Fraudes (DGCCRF) présentait le bilan d'activité 2023 de cette administration du ministère de l’Économie. (c) Anne DAUBREE
Sarah Lacoche, directrice générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des Fraudes (DGCCRF) présentait le bilan d'activité 2023 de cette administration du ministère de l’Économie. (c) Anne DAUBREE

Fraudes atemporelles et innovantes... Le 3 mai, à Bercy, Sarah Lacoche, directrice générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des Fraudes (DGCCRF) présentait le bilan d'activité 2023 de cette administration du ministère de l’Économie. Comme « garante de l'ordre public économique », selon les mots de sa directrice, la DGCCRF traque les fraudes des entreprises envers les consommateurs et aussi, entre elles. Au total, en 2023, elle a contrôlé 66 240 établissements et sites Internet et mené 156 enquêtes nationales. En outre, elle a géré 916 alertes sur des produits non alimentaires non conformes ou dangereux.

Parmi les thématiques ciblées par la DGCCRF, « la protection du pouvoir d'achat des consommateur a constitué une très forte priorité », a expliqué Sarah Lacoche. Près de la moitié des enquêtes de l'année (69) lui ont été consacrées. Et 538 amendes administratives ont été prononcées pour un total de 1,5 million d'euros. En particulier, dans le contexte inflationniste qui a impacté très fortement les produits de grande consommation, la DGCCRF s'est attachée à vérifier les prix de 1 700 produits du quotidien « pour voir si les distributeurs avaient tenu leurs promesses », précise Sarah Lacoche. Dans le cadre du « semestre anti-inflation », les enseignes s'étaient en effet engagées à faire un effort sur leurs marges.

La DGCCRF a enquêté aussi sur des sujets particulièrement sensibles pour le portefeuille et la sécurité du consommateur. Une enquête est notamment en cours dans les résidences autonomie pour seniors, afin de vérifier qu'elles respectent les normes concernant l'information aux clients pour la facturation. Autre exemple, en 2023, « nous avons mené 200 contrôles pour nous assurer que les règles sur les frais bancaires étaient respectées », dévoile Sarah Lacoche. Taux d'anomalies constatée : 20%. Souvent, l'anomalie résidait dans un défaut d'information. Mais une banque a dû payer une amende transactionnelle de 4,5 millions d'euros et rembourser ses clients.

L'ordre en ligne

Les agents de la DGCCRF ont aussi enquêté sur des fraudes qui se déploient à la faveur d' évolutions sociétales et du commerce. Ces arnaques inédites provoquent des ripostes nouvelles de la part des pouvoirs publics. En matière de numérique, par exemple, les enquêteurs utilisent à présent un « polygraphe », une application destinée à identifier les faux avis de consommateurs sur les sites Internet. La DGCCRF dispose aussi de nouveaux outils juridiques comme les « injonctions numériques » qui restreignent l'accès à un contenu illicite. De fait, avec 140 230 signalements de consommateurs, Internet arrive en tête des circuits de distribution problématiques. En 2023, la DGCCRF lui a consacré 17 enquêtes. « Nous restons très mobilisés sur la vente en ligne sur les market places françaises et étrangères. Nous réalisons des prélèvements de produits pour vérifier s'ils sont conformes », explique Sarah Lacoche. C'est par exemple là que la DGCCRF a trouvé l'origine de la diffusion du « Sniper », insecticide interdit en France car très toxique. Une action a été menée auprès des plateformes pour qu'elles retirent le produit de la vente. En ligne, un autre phénomène attire l'attention de l’organisme : celui des influençeurs susceptibles de faire de la promotion déguisée de produits ou services. L'an dernier, la DGCCRF a doublé le nombre de contrôles à leur sujet (212), avec des résultats qui ont justifié la démarche : 50% d'anomalies détectées, allant, dans certains cas, jusqu'à la promotion d'actes de chirurgie esthétique, une pratique interdite.

Autre grande tendance sociétale sur laquelle surfent les arnaqueurs, la transition écologique : 29 enquêtes y ont été consacrées, dont celle sur la fraude dans le secteur de la rénovation énergétique. 800 établissements ont été contrôlés et la moitié d'entre eux présentaient des anomalies. Sanction la plus lourde : le dirigeant d'une entreprise a été condamné à cinq ans de prison (dont quatre fermes) pour « escroquerie et pratiques commerciales trompeuses et agressives ». Au chapitre de la durabilité et de l'environnement, la DGCCRF a aussi mené une enquête sur la fast fashion et une autre encore sur les allégations environnementales (1 304 établissements contrôlés).

Très chers cadeaux et délais de paiement

Au chapitre des allégations, elle a également enquêté sur celles concernant la provenance géographique et le Made in France. Avec, par exemple, des cèpes soit disant français repérés sur un marché en Gironde. Une vérification chez le grossiste a permis de remonter la filière : les champignons provenaient de Roumanie. « Ce sujet est important pour les consommateurs, mais aussi pour les entreprises qui font face à une concurrence déloyale », souligne Sarah Lacoche.

De fait, l'équilibre des relations entre les entreprises constitue un sujet à part entière pour la DGCCRF. Elle lui a consacré 19 enquêtes nationales et infligé des amendes à hauteur de 34,5 millions d'euros. Les problématiques de délais de paiement figurent en tête des sujets traités par la direction de Bercy. En outre, celle-ci est intervenue dans le cadre des négociations commerciales encadrées par la loi Egalim. Autre enquête plus spécifique, celle sur le marché des médicaments achetés par des hôpitaux, dont les résultats sont en cours d'exploitation. Celle concernant l'entreprise Urgo, en revanche, est achevée. En janvier 2023, le tribunal de Dijon a prononcé une amende de 1,1 million d'euros et confirmé des saisies pénales à hauteur de 5,5 millions d'euros : l'entreprise a offert des dons à plusieurs milliers de pharmaciens pour une valeur de 55 millions d'euros, une pratique interdite par la loi.

Pour 2024, la DGCCRF annonce quelques secteurs nouveaux qui seront spécifiquement ciblés par ses enquêtes. Parmi eux : la vente d'ameublement et de literie, des comparateurs d'assurance, les articles de puériculture, les cosmétiques. Les consommateurs peuvent jouer un rôle : via SignalConso ( une application et un site Internet), ils sont en mesure de signaler les pratiques préjudiciables des entreprises à leur encontre.