Patrimoine

Ces « maisons d'illustres », un peu méconnues

La France compte près d'un millier de maisons de personnalités qui ont fait l'histoire artistique, scientifique ou politique du pays. 254 de ces lieux sont labellisés « Maisons d'Illustres ». Nombre d'entre eux restent à découvrir pour s'introduire dans l'intimité d'un grand personnage, plonger dans une époque...

La maison de Balzac, à Paris, fait partie de la liste "Maison d'illustres". (c)Wikipédia
La maison de Balzac, à Paris, fait partie de la liste "Maison d'illustres". (c)Wikipédia

Ce 20 septembre, la maison de Berthe Morisot, peintre pionnière de l'impressionnisme, a rouvert ses portes à Bougival (Yvelines). Au 19e siècle, « elle y passait de longs mois d'été avec son mari Eugène [Manet, frère du peintre Edouard] et sa fille Julie. Berthe Morisot était très inspirée par le jardin, elle y a peint de nombreuses œuvres dont « Le Jardin de Bougival » ou « Les roses trémières », explique Christine Dezaunay, directrice du développement culturel et touristique du patrimoine à la mairie de Bougival. Proche de Paris, bordée par la Seine, cette petite ville a gardé l'empreinte d'autres artistes du 19e siècle. Par exemple, on peut y visiter une « datcha » en bois que l'écrivain russe Tourgueniev s'était fait construire. Il y accueillait Émile Zola, Gabriel Fauré et Alexandre Dumas...

Au total, le Ministère de la Culture a identifié 909 maisons de personnages historiques à travers la France, relate Riccardo Frattolillo dans son mémoire sur « les dix ans du label Maison des illustres » (Université de Nanterre). C'est l'empreinte laissée par ces habitants hors du commun qui donne leur valeur patrimoniale à ces longères rustiques, maisons du 19e siècle, châteaux... « Dans ces lieux, on approche la grandeur d'un personnage par son intimité -son atelier, sa maison....C'est un peu comme un Panthéon dispersé. Et c'est aussi un moyen de rentrer dans une époque, une thématique », explique Jean-François Bourasseau, fondateur de l'association « Le club des illustres », lieu d'échanges et de collaboration entre les détenteurs du label national « Maison des Illustres » qui en regroupe 254. Parmi eux, en Aquitaine, le domaine de Malagar qui surplombe la plaine garonnaise était le refuge de l'écrivain François Mauriac, prix Nobel de littérature. L'atmosphère sereine de la maison, la sobriété du cabinet de travail évoquent la rigueur morale et intellectuelle de cet auteur sans concessions.

D'autres maisons d'écrivains sont ouvertes au public dont celles de Marguerite Yourcenar (Nord ) et Victor Hugo (Paris). Mais il y a aussi des maisons -et ateliers – de peintres, le château des Milandes de la chanteuse et résistante Joséphine Baker, celles de personnalités qui ont marqué l'histoire politique du pays : Georges Clemenceau (Vendée) ou Jeanne d'Arc ( Vosges)... Celle de Nostradamus (Bouches-du-Rhône), médecin et astrologue du 16e siècle, célèbre pour ses prophéties...

Une intimité « dans l'air du temps »

Aujourd'hui, « cette découverte du patrimoine par l'intimité de ces personnages illustres est dans l'air du temps. Toutefois, en terme de visibilité des Maisons d'illustres, nous en sommes encore aux balbutiements », estime Jean-François Bourasseau. Dispersés sur le territoire, ces lieux constituent, en effet, un patrimoine précieux mais complexe à préserver et à valoriser. Le Ministère de la Culture s'en est soucié avec la création, en 2011, du label « Maison d'illustres ». Il identifie les structures qui s'engagent à conserver ces lieux, à transmettre et valoriser la mémoire de leurs habitants illustres, à les ouvrir au public, organiser des événements. « La plupart de ces maisons appartiennent à des collectivités locales, par exemple des intercommunalités ou des régions, quelques unes à des privés, une dizaine sont gérées par le Centre des monuments nationaux », précise Jean-François Bourasseau.

Première difficulté, ces maisons sont nombreuses à connaître des problèmes de financement. L'obtention du label n'en prévoit pas. « Aller à la recherche aux subventions fait partie de notre travail », témoigne Jean-François Bourasseau. Les sources de financement peuvent être multiples et le plus souvent, croisées : subventions de collectivités locales, de l'Etat, de l'Europe, mécénat privé... Autre souci, originellement, ces lieux sont des maisons – ou des ateliers de peintre, par exemple-, et ne sont donc pas conçus pour accueillir du public ni pour servir d'espace d'exposition : ils peuvent être petits, dotés d'escaliers raides... Autre difficulté encore, « la fréquentation se concentre dans certains lieux très connus, tandis que d'autres, plus difficiles d'accès ont du mal à attirer des visiteurs », pointe Jean-François Bourasseau. D'un côté, la maison de Claude Monet à Giverny (Normandie) qui figure dans tous les guides touristiques et voit affluer des touristes du monde entier. De l'autre, le manoir de Réaumur, scientifique et naturaliste du 18e, sis dans un village de 700 habitants au cœur du bocage vendéen...

Trouver une maison d'Illustres

Sur le site Internet https://illustres.fr figure l'ensemble des Maisons d'Illustres, consultable aussi par région.