Chez Pôle emploi, les conseillers ne chôment pas
Chaque mois, plus de 1 700 demandeurs d'emploi poussent les portes de l'agence de Dury, dirigée par Sophie Bertucat. Une cinquantaine de conseillers les accueillent et les suivent dans leurs démarches du lundi au jeudi, de 8 h 30 à 16 h 15 et le vendredi jusqu'à 12 h 30.
« Il faut être présent pour celui qui en a le plus besoin. »
Sophie Berlucat, directrice de l’agence de Dury
Le lundi est la journée la plus chargée pour les conseillers à l’emploi de l’agence de Dury. Une longue file d’attente se forme dans le hall spacieux et moderne de ces locaux situés au milieu des champs, à deux pas du centre commercial Amiens sud. Les demandeurs d’emploi attendent leur tour pour se rendre à l’accueil, passage obligé. Ce jour-là, c’est Éric Jupin qui les reçoit. Comme tous les autres conseillers, il est polyvalent et passe en moyenne une journée par semaine à ce poste clé. « La première approche est primordiale. Mieux vaut avoir un peu d’expérience car on passe du coq à l’âne sans arrêt », sourit ce grand costaud qui pour détendre l’ambiance parfois tendue, enchaîne les blagues. Les demandes se suivent et ne se ressemblent pas. Un jeune homme s’étonne d’avoir été radié après avoir refusé deux propositions d’emploi et manqué un atelier de travail. « Adressez un courrier à la directrice », lui répond Éric Jupin. Un vieil homme ayant fait carrière dans l’armée souhaite se renseigner pour sa retraite.
35 jours d’absence par an
Il est orienté vers un conseiller indemnisation. Avant de le rencontrer, il devra patienter, encore une fois. Plusieurs personnes viennent déposer un dossier d’Allocation de retour à l’emploi (ARE). Le conseiller vérifie chaque document avec minutie et s’assure que la carte d’identité ne soit pas falsifiée. Une même question revient sans cesse : « Quels sont délais pour obtenir une réponse ? » Une quinzaine de jours en moyenne si le dossier est complet. À quelques pas de là, Élise Lefèbvre reçoit un jeune homme de 22 ans pour une première inscription. L’entretien dure une cinquantaine de minutes. La première partie, purement administrative, est consacrée à l’étude et à la saisie du dossier. La deuxième est dédiée au projet professionnel. Le jeune métallier, accompagné de sa mère, n’a oublié aucun document. « C’est assez rare, il manque toujours quelque chose », soupire la conseillère. Celle-ci édite sa carte de demandeur d’emploi au jeune homme et lui rappelle brièvement ses droits et devoirs : informer l’agence en cas de changement d’adresse ou de situation, pas plus de 35 jours d’absence dans l’année. Après ces formalités, Élise Lefèbvre passe en revue les offres correspondant au profil du demandeur d’emploi. Verdict : « Je n’ai rien à vous proposer dans votre secteur géographique. L’emploi le plus proche se situe à Roubaix. » C’est la douche froide pour le jeune homme qui n’a pas son permis de conduire. « Il va falloir le passer rapidement si vous souhaitez trouver un emploi », lui indique la conseillère avant de l’orienter vers la Mission locale de Corbie. « Il habite au Hamel. C’est plus proche de chez lui, plus pratique pour le suivi. » Sa mère, qui a posé une journée de congés pour l’accompagner à Dury, est soulagée.
Un suivi 100% Web
Dans les bureaux voisins, isolés du reste de l’agence, plusieurs conseillers un peu particuliers s’affairent. Depuis le mois de janvier, ils sont cinq volontaires à tester le 100% Web. Ce nouveau service permet de suivre les demandeurs d’emploi de manière complètement dématérialisée. Les entretiens se font par webcam interposées, un chat est disponible aux mêmes horaires d’ouverture que l’agence pour obtenir des renseignements et une option rappel permet d’être contacté dans un délai de deux heures par un conseiller. « Il ne s’agit ni d’un accompagnement au rabais, ni d’un accompagnement V.I.P. On reste dans nos missions », avance Sébastien Guitton, conseiller à l’emploi. Il y a trois modalités de suivi chez Pôle emploi : l’accompagnement renforcé, pour les personnes présentant de gros freins, guidé, pour celles qui sont autonomes, et suivi, qui se fait par mail ou par téléphone. Le 100% Web s’adresse aux personnes de seconde catégorie et qui sont volontaires. « Pour elles, c’est un gain de temps car elles ne se déplacent pas. De notre côté, cela permet de désengorger les trois agences amiénoises qui bénéficient de ce service », précise Sophie Bertucat, directrice de l’agence de Dury qui compte 5 400 demandeurs d’emploi de catégorie A. « Cette organisation en différentes modalités de suivi permet aux conseillers d’être plus disponibles pour les personnes qui en ont le plus besoin. » Seuls quelques conseillers à l’emploi ne sont pas polyvalents. C’est le cas d’Ophélie Leullier, qui se consacre uniquement aux jeunes de 18 à 26 ans ayant souhaité bénéficier d’un suivi intensif pendant six mois. La conseillère les voit toutes les trois semaines, contre deux à trois rendez-vous par an habituellement. Elle gère un portefeuille d’une soixantaine de dossiers et peut faire jusqu’à huit entretiens quotidiens. Ce jour-là, son dernier rendez-vous est une jeune fille de 21 ans habitant Le Hamel. Lors de sa dernière visite, celle-ci était un peu perdue. Elle apporte aujourd’hui de bonnes nouvelles à sa conseillère : « J’ai décidé de reprendre un CAP de fleuriste en alternance. » Pour Ophélie Leullier c’est une victoire. « Je considère une reprise d’études aussi bénéfique qu’une insertion dans la vie active, surtout lorsqu’il s’agit d’une alternance », souritelle. À 16 h 15, les portes de l’agence se ferment. Le calme revient. Jusqu’à 8 h 30 le lendemain.