« Refroidissement » pour les PME et TPE
En 2023, les TPE et PME ont réduit la voilure sans que la situation n'atteigne des niveaux catastrophiques, d'après l'opinion des dirigeants mesurée par une étude de Bpifrance le Lab. La tendance devrait se poursuivre cette année.
« Un refroidissement, mais pas de crise de confiance ». Tel est l'état d'esprit des dirigeants de PME et TPE, synthétise Philippe Mutricy, directeur de l'évaluation des études et de la prospective à Bpifrance le Lab, laboratoire d'idées de la banque publique d'investissement. Le 16 janvier, il intervenait lors de la conférence de presse en ligne de présentation de la 78ème enquête de conjoncture semestrielle Bpifrance le Lab. 40 000 dirigeants y ont été interrogés sur leur vision de leur activité, en novembre dernier.
Pour l'année 2023, selon Philippe Mutricy, « les indicateurs se replient quasiment tous assez nettement, mais sans atteindre les niveaux de 2008 ou 2009 ». Ainsi, concernant l'évolution de leur chiffre d'affaires, le solde d'opinion -la part des entreprises anticipant une hausse moins la part de celles prévoyant une baisse- a reculé de 19 points pour atteindre +8. C'est six points en dessous de sa moyenne de long terme. L'emploi résiste mieux, mais le solde d'opinion sur l'évolution des effectifs a tout de même perdu huit points en un an, pour atteindre + 6, et passe sous sa moyenne de long terme (+8). Toujours du coté de l'offre, les difficultés d'approvisionnement elles aussi ont diminué, même si elles continuent de limiter significativement l’activité de 36 % des TPE-PME (contre 40%, en mai dernier).
En revanche, la situation s'est clairement dégradée du côté de la demande. L’indicateur relatif aux carnets de commandes des six derniers mois a perdu 10 points sur le semestre, pour s'établir à −11, nettement en dessous de sa moyenne de long terme (−7). Concernant la santé financière des entreprises, «en moyenne, la situation de la trésorerie reste confortable, quel que soit le secteur. L'indicateur se dégrade. Il a atteint -11, après avoir perdu deux points sur un an, mais il se maintient au-dessus de la moyenne de long terme, qui est de -15 », explique Sabrina El Kasmi, responsable du pôle « Conjoncture-macroéconomie » à Bpifrance. Signe d'une situation financière qui reste maîtrisée, 4 % seulement des répondants craignent de ne pas être en mesure de rembourser leur PGE, prêt garanti par l’État, une proportion qui n'augmente pas.
Record de dégradation pour le transport
Derrière cette analyse générale, la situation diffère sensiblement selon la taille des entreprises, notamment sur l'enjeu crucial de l'évolution du chiffre d'affaires. En moyenne, les dirigeants de TPE évaluent la contraction de leur chiffre d’affaires en 2023 à 2,2 % (contre +0,1 % en moyenne sur 2000-2022). A l'inverse, il augmenterait pour les PME de manière proportionnelle à leur taille : jusqu' à +3,8 % pour les plus grosses qui comptent de 100 à 250 salariés (contre +3,9 % sur 2000-2022). Pour Baptiste Thornary, responsable des études économiques et de la conjoncture, la clé des divergences d'évolution est sectorielle. « Les PME les plus importantes sont souvent dans l'industrie, les plus petites dans le commerce », explique-t-il . Or, ces secteurs ont connu des évolutions très diverses en 2023. Commerce, transports et construction ont subi une nette dégradation. Avec un triste record, pour l'activité dans le transport : le solde d’opinion a plongé de 48 points en un an, allant jusqu'à passer en négatif, alors que sa moyenne de long terme s'élève à +9. La chute est également rude dans le commerce et la construction. Les soldes d'opinion y ont respectivement reculé de 16 et 14 points sur un an, pour s’établir à un niveau bas ( 0 et +3), très inférieur au niveau moyen de long terme ( +13 et +8).
D'autres s'en sortent mieux. Ainsi, le tourisme qui poursuit son effet « rattrapage » en 2023, attend une hausse de son chiffre d’affaires de 5 % (après +23 % estimé pour 2022). Dans l'industrie, la situation diffère selon les secteurs. Dans l'agroalimentaire, par exemple, le solde d'opinion sur l'activité ( +40), a reculé de six points sur un an, mais il reste encore très au-dessus de sa moyenne de long terme (+27).
2024, année peu prometteuse
D'après la perception des dirigeants, les tendances de 2023 devraient se poursuivre cette année. Globalement, le solde d’opinion sur les perspectives d’activité en 2024 poursuit sa baisse (−2 points sur un an) pour atteindre +4, s’éloignant encore davantage de sa moyenne de long terme (+17). En fait, les dirigeants sont peu optimistes sur l'ensemble des paramètres qui impactent leur activité. A commencer par l'évolution des carnets de commandes. Ils estiment que la tendance négative de l'an dernier devrait se poursuivre : l'indice sur leur évolution dans les six prochains mois perd un point en un an à −9, nettement sous sa moyenne historique (+4). En outre, les chefs d’entreprise sont peu confiants quant à l’évolution future de leur trésorerie. L’indicateur dédié sur les six prochains mois recule de sept points sur le semestre pour atteindre −12, un niveau largement inférieur au niveau moyen de long terme (−4). Cela reste néanmoins supérieur à celui du pic de la crise énergétique.
En dépit de cette situation, la part des TPE-PME qui comptent investir cette année n'a pas vraiment diminué. Elle s'établit à 50%, une proportion proche de ce qui était observé avant crise (51 % en novembre 2018, pour l’année 2019). En revanche, les montants investis devraient diminuer. Cette correction s’explique : en particulier, la construction et le commerce, qui ont le plus souffert en 2023, voient leurs perspectives s'assombrir encore davantage. Leur indicateur prévisionnel d’activité chute de respectivement 13 et 11 points, par rapport à novembre 2022 (prévisions pour l’année 2023). Il atteint −16 et −12, des niveaux très en deçà de leur moyenne de long terme et à ceux observés dans les autres secteurs. Dans tous les autres, en effet, l'activité devrait globalement se stabiliser.