Coronavirus : questions/ réponses en droit social
Réponses aux questions de droit social les plus fréquemment posées dans le cadre des mesures gouvernementales ayant pour objet de lutter contre l’épidémie de coronavirus.
Les salariés obligés de travailler peuvent-ils invoquer un droit de retrait ?
Prévu à l’article L 4131 du Code du travail, le droit de retrait permet à un salarié de se retirer, après en avoir alerté son employeur, par quelque moyen que ce soit, de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. L’employeur doit alors prendre les mesures nécessaires pour que la sécurité du salarié soit de nouveau assurée et qu’il puisse reprendre le travail. Pendant ce temps, « aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise », contre le salarié. Toutefois, il est clair que ce droit devrait être apprécié au cas par cas par le juge et n’a pas de caractère automatique, surtout si l’entreprise a respecté les règles d’hygiène prévues par les consignes gouvernementales. Le salarié dont le droit de retrait n’est pas reconnu risquerait de ne pas se voir rémunéré, voire de se faire licencier pour abandon de poste.
Les salariés peuvent ils exiger la mise en place de télétravail ?
Selon l’article L1222-11 du Code du travail, « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés ». Il résulte donc clairement de ces dispositions qu’un employeur peut aménager le poste du salarié en télétravail et même l’imposer, si cette solution est envisageable ! En revanche, un salarié ne peut exiger la mise en place du télétravail. Selon les chiffres cités, environ 25 à 30% des salariés seraient concernés par cette mesure.
L’épidémie liée au coronavirus constitue-t-elle un cas de force majeure permettant la rupture anticipée des CDD, des contrats de travail temporaire ou contrats d’apprentissage ?
Tous ces contrats dits “précaires” peuvent être rompus avant l’échéance du terme en cas de force majeure. La jurisprudence définit la force majeure comme « la survenance d’un événement extérieur, imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution ». Toutefois, la pratique montre que la notion de force majeure est très rarement reconnue par les tribunaux (sans doute parce qu’il faut une imprévisibilité totale et que ce mode de rupture ne donne droit, pour le salarié, à aucune indemnité…). Pratiquement, il est douteux qu’une épidémie de coronavirus réponde à cette définition… Le risque en cas de litige serait que l’entreprise soit contrainte de payer les salaires jusqu’au terme du contrat. Mieux vaut donc pour l’employeur recourir à l’activité partielle.
Un employeur peut-il imposer la prise de congés payés aux salariés pour faire face à une baisse d’activité ou à une fermeture d’entreprise liée au Coronavirus ?
Pendant la période de confinement l’employeur pourra contraindre ses salariés à prendre six jours ouvrables de congés.
Les sénateurs et les députés se sont entendus, dans le cadre de l’examen du projet de loi d’urgence contre le Coronavirus, pour modifier les règles de congés payés pendant la période de confinement. De quoi s’agit-il ?
Dans son article 7, le projet de loi autorisait le gouvernement à « permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés» du salarié. Cependant les dispositions étaient peu précises. Le Sénat a donc fait adopter un amendement limitant à six jours ouvrables «la durée des congés payés pouvant être imposés par l’employeur », dans le cadre de cette mesure. Selon le ministère du Travail, sont concernés les congés payés 2019/2020, c’est-à-dire ceux qui doivent être pris d’ici au 31 mai prochain.
Certes, l’article L3141-16 du Code du travail permet à un employeur d’imposer certaines dates de congés à ses salariés, à condition de les prévenir au moins « un mois avant la date de départ ». Ce délai peut être revu à la baisse « en cas de circonstances exceptionnelles ». La différence est que le système est ici généralisé à l’ensemble des salariés, le but étant de « sauver l’emploi et éviter les licenciements ». Et on pourrait ajouter : que les pouvoirs publics aient moins d’activité partielle à indemniser.
Au-delà des congés, l’article 7 de ce projet de loi habilite aussi « tout employeur à imposer ou modifier unilatéralement des jours de réduction du temps de travail et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié ».