CRISE URBAINE : LE GOUVERNEMENT VOUDRAIT SAUVER LES VILLES MOYENNES
Cinq milliards d’euros, c’est le montant du plan présenté par le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, pour résorber la crise que subissent les centres des villes petites et moyennes. Les mesures doivent aider le commerce, mais aussi améliorer l’habitat et la qualité de vie.
Dans les rues de Dreux (Eure-et-Loir), à l’heure où l’on se presse pour effectuer ses derniers achats avant les fêtes, on ne parle que de ça : le Monoprix de la Grande Rue va fermer ses portes fin février. À Saint-Brieuc, en Bretagne, c’est la même désolation. L’enseigne Picard doit prochainement quitter le centre-ville, mais conserve ses magasins situés dans les zones commerciales, à Langueux et Plérin, deux communes de la périphérie briochine. À Ussel (Corrèze), les commerçants sont inquiets. Après plusieurs recours en justice, le déménagement et l’extension de l’Intermarché ont été définitivement actés en ce mois de décembre 2017. À Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), le maire Frédéric Cuvillier (PS) a placardé des affiches, fin novembre, pour dénoncer le choix de l’enseigne H&M, qui délaisse le centre-ville pour s’installer dans un centre commercial. On pourrait poursuivre longtemps la litanie de ces commerces qui ferment en centre-ville tandis que la périphérie se garnit de nouvelles enseignes. Au moment où des colloques, émissions audiovisuelles, titres de journaux ou tribunes enflammées se félicitent de la « revitalisation des centres-villes », il faut se rendre à l’évidence : c’est l’inverse qui se passe.
C’est dans ce contexte que Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, a annoncé, le 15 décembre 2017, un plan intitulé “Action cœur de ville”. La crise des villes petites et moyennes, largement méconnue à l’orée de la campagne présidentielle, il y a un an, s’est imposée aux responsables politiques.
UN PROJET DE SOCIÉTÉ
Pour dévoiler les mesures, qui avaient été effeuillées dans la presse les jours précédents, le ministre a choisi Rodez, préfecture de l’Aveyron, une ville relativement épargnée par la crise commerciale, mais dont le maire, Christian Teyssedre (LREM), déplore tout de même la multiplication des zones périphériques. Sur ce point, le plan du gouvernement s’abstient de trancher. Il n’y aura pas de moratoire national concernant les créations et extensions de zones commerciales, comme le demandent de nombreux élus, à commencer par le député Patrick Vignal (LREM, Hérault), président de l’association Centre-ville en mouvement. En revanche, le gouvernement ouvre la voie à des moratoires locaux, portés par des municipalités, à l’instar de ce qu’ont déjà décidé les élus de Bourges, Avignon, Agen ou Saint-Omer (Pas-de-Calais). Le plan du gouvernement, doté de 5 milliards d’euros, repose notamment sur des opérations de revitalisation de territoires, sortes de guichets uniques destinés à faciliter la structuration du commerce de centre-ville, la régulation des zones périphériques et le recours à des financements.
Le gouvernement mise sur la coopération entre les différents niveaux de collectivités, là où la ville et l’agglomération entretiennent une rivalité plus ou moins feutrée. Mais le plan de Jacques Mézard ne se limite pas à la revitalisation commerciale. Comme le répète à l’envi le député Vignal, la revitalisation urbaine est « un projet de société ».
Le gouvernement, secondé par l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat (ANAH), veut inciter à la rénovation et à la remise aux normes de l’habitat, ainsi qu’à l’accession à la propriété. De nombreuses villes connaissent en effet une crise du logement à l’envers : le taux de logements vides atteint ou dé- passe les 15%. Le plan vise aussi à financer la généralisation de la fibre optique dans les cœurs de villes et l’aménagement d’espaces publics de qualité, rues ou places piétonnes, par exemple.
Le ministère évoque enfin une « orientation prioritaire » pour « l’implantation des services publics ». La formulation marque les esprits car, jusqu’à présent, les équipements, administrations, établissements scolaires ou sanitaires, ont plutôt tendance à déserter les villes. À Montauban (Tarn-et-Garonne), l’an dernier, l’Urssaf et ses 50 salariés ont quitté un boulevard central pour une zone industrielle, au sud de la ville.
À Poitiers, cet automne, la Banque de France a délaissé des locaux situés au-dessus de la gare pour un quartier excentré, même pas desservi par le réseau de bus. À Boulogne-sur-Mer, là même où le maire proteste contre l’attitude de H&M, un petit établissement public, le Parc naturel marin, et ses 15 salariés, doivent déménager du centre-ville vers une commune voisine. Et partout, la grande distribution continue d’avancer ses pions, comme si de rien n’était. Le 7 décembre dernier, lors d’une conférence de presse de l’association Centre-ville en mouvement, Claude Risac, directeur des relations extérieures du groupe Casino estimait que « dans certaines villes, il n’y a pas assez de centres commerciaux ». Les 5 milliards d’euros du gouvernement ne suffiront sans doute pas à endiguer le mal qui ronge les villes…