Dans l'Oise, la guerre en Ukraine impacte le secteur du bâtiment
Après le pétrole et le gaz... c'est au tour du prix de l'acier de flamber, entraînant les autres matériaux. Ce contexte impacte l'avenir des entreprises du BTP mais aussi celui des chantiers des particuliers et des secteurs du public et du privé... créant une boucle infernale. La FFB Oise fait un appel au Gouvernement pour soulager les trésoreries... et le moral très morose des dirigeants.
Le secteur du
bâtiment n'en finit plus de souffrir. La Fédération française du
bâtiment (FFB) de l'Oise alerte une nouvelle fois sur la santé des
entreprises du bâtiment mais cette fois, cette alerte se transforme
en crainte. Car les conséquences de la crise de la Covid-19 se
ressentent encore et ne sont pas à leur apogée... se sont ajoutées
les flambées des prix du pétrole et du gaz et la guerre en Ukraine
qui perdure renforce les pénuries de matériaux et la hausse des
prix en général, surtout celui de l'acier.
La tonne de
l'acier, depuis le conflit en Ukraine, a augmenté de 500 euros en à
peine un mois, conséquence directe de la décision de l'Union
européenne (UE) d'interdire, depuis le 15 mars, des importations
d'acier russe pour sanctionner le Kremlin. Une conséquence en
engendrant une autre : les russes ont bombardé le site
sidérurgique d'Azovstal, la semaine dernière, l'un des plus
importants en Europe, situé à Marioupol, ce qui ne prédit donc pas une
avenir serein pour ce matériau.
Si la fin d'année
2021 envisageait une stabilité dans la hausse des prix et approvisionnement des matériaux - sans toutefois effacer les
conséquences sur les trésoreries - la guerre en Ukraine a brisé
cette perspective. « Les difficultés d'approvisionnement de
matériaux et la hausse vertigineuse des coûts, en particulier du
carburant, ne sont plus tenables pour nos entreprises et leurs
salariés », constate Guillaume Gamache, Secrétaire
général de la Fédération française du Bâtiment (FFB) de l'Oise.
Les prix s'envolent
Et les
augmentations des prix sont effectivement vertigineuses : entre
décembre 2020 et décembre 2021, le prix de gros du gaz affiche une
augmentation de 590%, le prix de l'électricité affiche une
augmentation de 471%, celui des prix des émissions du CO2, 157%, et
le prix du baril de bent a augmenté de 73%. Par exemple, en 2019 le
prix du gaz s'affichait à 18 euros le mégawatt, aujourd'hui il est
de 160 euros. « Au total, nous enregistrons une hausse des
prix général entre 10 et 20% pour le premier semestre 2022 et une
autre du même ordre pour le second semestre », prévoit
Loïc Lelu, président de la FFB Oise.
Une telle hausse
s'explique par le fait que l'Ukraine et la Russie abritent une mine
d'or de matériaux et sont d'importants producteurs, notamment aluminium pour l'Ukraine. « Le prix du bois a augmenté de
15% et il va y avoir probablement une pénurie, explique Olivier Guérin, le
trésorier de la FFB Oise de l'Oise, à la tête d'une entreprise de
menuiserie, Copeaux & Salmon. L'Ukraine est le premier fournisseur de chênes, la
tension va donc continuer. Et pour aluminium, on nous annonce une
forte hausse sans la préciser. »
L'avenir des entreprises en péril ?
La FFB de l'Oise
est maintenant inquiète, très inquiète. Pour la fédération,
l'avenir des entreprises du bâtiment est en jeu. D'abord parce que
cette hausse des prix fait ralentir la santé économique des
artisans, voire la noie. « Le prix de l'électricité est
cinq fois plus haut, c'est un réel problème pour ceux qui utilisent
cette énergie, constate le président de la FFB Oise. Les
tuiliers par exemple qui cuisent les tuiles avec des fours se posent
la question sur la continuité de l'activité. » C'est
le même exemple pour le prix du carburant. Le GNR, le carburant pour
les engins, est devenu un poids économique pour les entreprises.
« Concrètement, avec la hausse, si une entreprises
possède 20 engins, elle perd 8 000 euros par jour et si on lisse sur
l'année, c'est une perte de 300 000 euros »,
calcule Guillaume Gamache.
Et
puis cette année il y a le remboursement des PGE. « Une
vraie bombe à retardement,
s'alarme encore Guillaume Gamache. C'est une dette pour les
entreprises. Alors les PGE ont été d'une grande aide pour maintenir
l'activité mais le remboursement qui s'ajoute à la crise... Nous
craignons beaucoup de fermetures d'entreprises mais surtout la perte
de la volonté de transmettre et voir des dirigeants tout arrêter,
par fatigue. » Les artisans
sont à bout de nerfs : depuis le conflit ukrainiens, la FFB
Oise n'a jamais autant enregistré un moral aussi bas de ses
dirigeants.
Et enfin, cet avenir est toujours déséquilibré par la hausse des
prix depuis la crise de la Covid-19, touchant directement les
chantiers. Entre la commande publique stagnante, les chantiers des
particuliers en attente, les pénalités de retard et les devis
signés ne prenant pas en compte les augmentations des prix... les
entreprises du bâtiments s'étranglent.
Quelles solutions ?
À l'instar de la
FFB nationale, la FFB Oise monte au créneau et cherche activement
des solutions. Les plus urgentes et les plus concrètes,
qui impacteront directement sur la trésorerie des entreprises :
une mesure transitoire de baisse du taux sur les carburants et la
réactivation de la prise en charge totale de l'activité partielle,
comme durant la crise de la Covid-19, pour les entreprises qui
subissent des situations de pénuries.
D'autres mesures
de solution sont avancées par la fédération. Un gel des prix de
l'énergie et des carburants, « à l'image de ce que le
Gouvernement français avait décrété lors de la Guerre du Golfe de
1991 », précise la fédération. Du côté des marchés
publics, la prise en compte systématique des demandes
d'indemnisation, d'avenant au marché, de non application des
pénalités de retard (déjà demandée depuis la crise Covid-19).
Autre mesure qui pourrait soulager les entreprises, la mise en œuvre
de la théorie de l'imprévision tant dans les marchés publics que
dans les marchés privés en vue d'imposer une renégociation des
prix aussi longtemps que durera le conflit.
Le Gouvernement a tout de même répondu en intégrant le BTP dans son Plan Résilience. La révision des prix et le gel des pénalités de retard dans les marchés publics ainsi que l'accélération du calcul des index BTP sont des mesures prises et attendues par le secteur. La remise de 15 centimes sur les carburants pendant quatre mois et le report des charges fiscales et sociales soulagent également les trésoreries. Mais, pour le fédération, « il faut plus d'actions concrètes et plus rapides, rappelle Loïc Lelu. Car les entreprises du BTP vont mettre des années à se remettre de toutes ces conséquences des différentes crises et il faut les aider maintenant pour éviter le pire. »