Dans les coulisses du zoo d'Amiens
Après plus de 60 ans d'existence, le parc zoologique d'Amiens attire toujours autant de visiteurs. Une quarantaine de salariés s'affairent chaque jour pour les satisfaire et veiller au bien-être des 300 animaux.
Ce mercredi matin ensoleillé, peu avant 10 heures, une dizaine de personnes attendent l’ouverture du zoo situé en plein cœur du parc de la Hotoie, à deux pas du centre ville d’Amiens. Les enfants commencent à montrer des signes d’impatience. Quand les portes s’ouvrent enfin, la billetterie est prise d’assaut. Les premiers animaux visibles sont les gibbons. Une femelle tient son petit dans les bras pendant qu’un autre bondit de liane en liane. Les visiteurs sont ravis. Chaque année, le zoo d’Amiens en accueille environ 160 000. « L’année dernière nous sommes montés à 161 000, un record. Et cette année, vue la bonne fréquentation au printemps, je pense que nous allons faire encore mieux », se félicite Pierre Bouthors, en charge de la communication. Il faut dire que le zoo met le paquet pour séduire le public. Animations à Pâques et Halloween, participation au festival de la bande dessinée et depuis peu, des visites VIP. Moyennant 80 euros, les visiteurs peuvent, le temps d’une demie journée, se mettre dans la peau d’un soigneur en participant au nourrissage et aux soins des animaux. « Cela fonctionne très bien. Nous en organisons une par semaine environ », poursuit Pierre Bouthors. En plus des particuliers, le parc accueille chaque année 40 000 scolaires. Son service pédagogique est l’un des plus anciens de France avec celui du zoo de Vincennes. Une « fierté » pour l’équipe du zoo qui compte une quarantaine de salariés repérables à leurs gilets kaki et leurs grosses chaussures style explorateur. Parmi eux, une vingtaine de soigneurs mais dans les allées arborées, on croise aussi des jardiniers, des métalliers et des charpentiers chargés de construire et d’entretenir les enclos. « Comme dans toute entreprise, on a aussi des agents administratifs, des personnes dédiées à l’entretien etc. », précise Pierre Bouthors.
500 000 euros de budget annuel
Chaque année, le parc dispose d’un budget d’un peu moins de 500 000 euros alloué par Amiens Métropole. Grâce aux entrées, aux prestations (groupes, visites VIP etc.) et aux ventes de la boutique, un peu plus de cette somme rentre dans les caisses. « Nous pourrions augmenter le prix du billet (ndlr : 6 euros en plein tarif) comme c’est le cas dans de nombreux zoos, mais pas question. Nous avons une véritable mission de service public », note Pierre Bouthors. Sur ces 500 000 euros, 160 000 sont dédiés aux frais de nourriture pour les animaux. À elles seules, les deux éléphantes engloutissent chaque jour 200 kilos de nourriture par jour. Beaucoup de foin, mais aussi des salades, des pommes, des carottes, et même des oignons. « Du coup elles produisent chacune 100 kilos d’excréments par jour », sourit Pierre Bouthors. C’est Stéphane Maton, soigneur pendant plus de vingt ans, qui est aux fourneaux. Chaque jour, il prépare les repas de tous les animaux : « Il faut s’adapter aux besoins de chacun, veiller à ce qu’ils n’aient pas de carences ». Fruits, légumes, granulés, poulets et poussins congelés sont stockés dans d’immenses chambres froides où l’hygiène est de rigueur.
15 transferts par semestre
Le parc compte 300 animaux de 72 espèces différentes. Une trentaine d’entre elles font l’objet de programmes d’élevages européens afin d’assurer leur sauvegarde. « Certains plans sont très contraignants. Pour pouvoir détenir certains animaux, il faut montrer patte blanche au coordinateur », explique Pierre Bouthors. Il n’y a pas de vétérinaire dans le parc : « Plutôt que d’avoir quelqu’un à temps plein ici qui s’ennuie à faire de la paperasse, nous avons fait le choix de travailler avec une vétérinaire spécialisée en animaux sauvages qui ne vient qu’en cas de réel besoin ». Et si urgence il y a, le parc fait appel à un vétérinaire canin amiénois pour les soins de base en attendant l’intervention de sa consoeur.
Un choix justifié par l’excellent état de santé des animaux. Laure Garrigues, responsable scientifique du parc, veille à leur bien-être, tant sur le plan physique que comportemental. « Ici, ils sont bien traités et ne sont pas chassés par des prédateurs. Leur espérance de vie est beaucoup plus longue qu’à l’état sauvage. » En témoigne une femelle maki roux de 28 ans surnommée “Mamie” dont l’espérance de vie dans son milieu naturel aurait été de 20 ans. La jeune éthologue a aussi pour mission de gérer les populations au sein du parc. Les animaux se reproduisant bien en captivité, il faut donc réguler leur nombre. « Soit nous procédons à des échanges avec d’autres zoos, soit nous utilisons des moyens de contraception. Mais en aucun cas, nous ne stérilisons les animaux. » Ces six derniers mois, Laure Garrigues a ainsi organisé une quinzaine de transferts. « C’est toujours une opération délicate, quelle que soit la taille de l’animal car cela représente un stress pour lui ». Il revient à l’établissement receveur de financer le voyage qui peut coûter jusqu’à plusieurs milliers d’euros en fonction de la taille de l’animal et de sa destination. Hors Europe, la présence d’un vétérinaire s’impose et des frais de douane peuvent parfois s’ajouter. « Mon travail comporte beaucoup de tâches administratives », précise la responsable scientifique. Enfin, la troisième mission de Laure Garrigues consiste à s’assurer de la faisabilité, dans de bonnes conditions, des projets de développement du parc (lire par ailleurs) : « Nous sommes ravis de ces projets, mais il faut bien sûr vérifier que nous avons le budget, les équipes et les installations nécessaires à sa réalisation. »
Amiens Métropole voit plus grand pour le zoo
Le parc occupe une place importante dans le Projet culture et patrimoine de la collectivité. Les élus souhaitent le « réinventer » pour renforcer son attractivité sur le territoire. « Une personne qui reste une journée entière au zoo au lieu d’une demie journée actuellement, c’est une personne susceptible de rester dans la ville, de visiter d’autres sites et de générer des nuitées supplémentaires », note Christine Morrier, directrice du parc. Dans les anciens locaux du Pavillon Bleu, un restaurant devrait bientôt voir le jour. « Deux intérêts à cela : d’abord la sauvegarde du patrimoine car il s’agit d’une des plus anciennes guinguettes d’Amiens. Ensuite, créer un lieu convivial et familial sur le site de la Hotoie ». L’idée d’installer un aquarium dans l’église Saint-Firmin n’est pas non plus exclue. « Il faut encore peaufiner le projet, c’est en pourparlers », avance prudemment la directrice. Enfin, des tigres et des girafes pourraient faire leur grand retour dans le parc. La collectivité espère ainsi attirer de nouveaux visiteurs pour atteindre le chiffre de 250 000 par an.