Des entrepreneurs motivés en dépit de la crise
Malgré l'inquiétude liée aux incertitudes du contexte actuel, les entrepreneurs soutenus par le réseau Initiative France continuent d'être heureux au travail et de vouloir lui donner du sens, d'après une récente étude de l’association.

Un contexte qui se dégrade. Le 13 mars, à Paris, lors d'une conférence de presse, Guillaume Pepy, président d'Initiative France, réseau de financement et d'accompagnement d'entrepreneurs, a présenté les résultats d'une enquête intitulée "Entreprendre en 2025 : état d'esprit, réaction à l'actualité, défis et opportunités. Selon l'étude, menée auprès de
1 354 entrepreneurs soutenus par le réseau, fin 2024, 24% d'entre eux s'attendent à une année 2025 « dégradée » pour leur entreprise par rapport à 2024, 43% à une année stable et 33% une année meilleure. Globalement, «le climat général porte sur le moral des jeunes entrepreneurs. La simultanéité des crises en France et au niveau géopolitique crée de l'incertitude qui génère de l'anxiété », commente Guillaume Pepy qui pointe un phénomène «nouveau» : 86% des entrepreneurs se déclarent inquiets de la hausse de la dette publique et de ses conséquences sur l'économie.
Les témoignages d'entrepreneurs accompagnés par Initiative France, présents à la conférence, illustrent combien des motifs d'inquiétude très divers les touchent.« Cela fait 40 ans que l'on parle de la dette française. Elle est très virtuelle pour nous, les citoyens. Je serais plus inquiet aujourd'hui sur ce qui se passe en termes de géopolitique », témoigne Mickaël Mesland, cofondateur de Okoù.shop, qui propose des produits du terroir de proximité dans des magasins sans personnel, équipés de casiers, dans le Loiret. A contrario, «la géopolitique m'inquiète comme citoyenne, mais pas vraiment comme entrepreneuse. À ce niveau, c'est l'instabilité gouvernementale qui m'inquiète le plus», explique Jeanne Troquier qui a repris Service Puissance 7, entreprise de nettoyage industriel et tertiaire (500 salariés), basée à Stains (Seine-Saint-Denis).
L'étude d'Initiative France montre, en tout cas, que ce climat d'incertitude engendre des stratégies de prudence. Par exemple, pour la première fois depuis la crise du Covid, «le nombre de personnes qui se lancent dans une reconversion diminue légèrement», constate Guillaume Pépy. En outre, la proportion d'entrepreneurs accompagnés par le réseau ayant choisi la reprise d'entreprise a augmenté (+11%), au détriment de celle des entrepreneurs ayant opté pour la création (-4%).
1000 euros de salaire quand l'activité baisse
Parmi les autres constats posés par Initiative France, celui concernant les entrepreneuses interpelle. Les femmes ne portent que 42% des projets soutenus par l'association, laquelle mène pourtant une politique active sur le sujet. Et selon l'étude, la situation des entrepreneuses s'est dégradée plus nettement que celle de leurs homologues masculins en 2024 : 56% d'entre elles déclarent avoir été touchées par la baisse du pouvoir d'achat, contre 45% des hommes. En toile de fond, l'enjeu de la rémunération : 45% des hommes se déclarent satisfaits de la leur, contre 36% des femmes. Toutes celles venues témoigner ont expliqué que leur salaire constituait une «variable d'ajustement», fonction de la santé de l’entreprise. Comme Morgane Comte, fondatrice d'Art Tea Shop, salon de thé et boutique artisanale à Toulouse (12 salariés). Elle se rémunère 2 000 euros «quand cela va très bien»,1 000 dans les moments «catastrophiques». «Mon objectif n'est pas forcément de me rémunérer énormément. (…) l'entreprise participe déjà à me payer les repas, beaucoup de frais», explique-t-elle.
Par delà toutes ces difficultés, l'étude conclut sur une note positive : 91% des entrepreneurs (hommes et femmes) se déclarent heureux dans leur vie professionnelle. Une question de sens ? Un quart des créateurs ou repreneurs d'entreprise déclarent avoir été motivés par le fait d'avoir un impact positif sur la société ou sur l'environnement. «Je me suis dit que cela faisait sens, j'étais motivée par l'aspect social», explique Jeanne Troquier qui a repris l'entreprise paternelle, après un détour par la cosmétique. Stéphanie Edmond-Mariette a, elle, fondé SEM Habitat Durable (dix salariés), une agence immobilière mettant en relation propriétaires et associations (Croix Rouge, France Terre d'Asile ...) qui logent des personnes en situation de précarité. Elle-même a connu cette situation, la rue et l'hébergement solidaire. «L'idée, c'était aussi de rendre ce que l'on m'avait donné.(... ) Je me suis posée la question du sens avant celle du modèle économique», témoigne la jeune femme qui a choisi le statut d'entreprise à mission.