Économies à l’hôpital ou comment rationaliser l’organisation des soins
Pour l’Agence régionale de santé (ARS) Picardie, le plan d’économies à l’hôpital s’inscrit dans une continuité d’actions portées depuis plusieurs années auprès des établissements de santé. Cette orientation incite à penser autrement l’organisation des soins, sa finalité n’est pas que financière.
La ministre de la Santé Marisol Touraine avait présenté dans les grandes lignes, en avril dernier, son plan pour dégager 10 milliards d’euros d’économies pour l’Assurance maladie d’ici à 2017, dont 2 milliards d’euros pour l’hôpital et 1 milliard grâce au développement des soins ambulatoires. Dans ce cadre, ce sont aux Agences régionales de santé de mettre en œuvre ce plan triennal, dans lequel la maîtrise de la masse salariale doit notamment rapporter à elle seule 860 millions d’euros soit l’équivalent de 22 000 postes et 2% des effectifs de la fonction publique hospitalière.
Selon Christian Dubosq, directeur général de l’ARS Picardie, « ce plan est avant tout un plan de transition concernant notre système de santé, qui répond à l’évolution des besoins de santé, aux attentes de la population et aux évolutions technologiques et/ ou thérapeutiques : diminution de la durée des séjours hospitaliers liée à ces avancées, développement de la chirurgie ambulatoire, de l’hospitalisation à domicile, du maintien à domicile, de la télémédecine, etc. »
Optimisation des processus
Ce plan a donc pour vocation de concilier prise en charge adéquate, de qualité et efficience.
En Picardie comme ailleurs, ce dernier est avant tout fondé sur une volonté de continuer à transformer l’offre de soin par une organisation territoriale renforcée ainsi que par une évolution accélérée des pratiques de soins qui correspond aux techniques de prise en charge, aux besoins et aux attentes de la population. Cela sous-tend alors des durées de séjour plus courtes, moins de recours à l’hébergement en hôpital ou encore un développement de l’ambulatoire, de l’accueil de jour, des alternatives à l’hospitalisation. « Ce virage ambulatoire va continuer de s’accélérer et les hôpitaux vont s’y adapter. Aujourd’hui en Picardie, plus de la moitié de la chirurgie est faite en ambulatoire, jusqu’à deux tiers dans certains sites, ou 100% comme à Noyon, explique Christian Dubosq. Si l’hôpital s’oriente vers plus d’activité de jours, moins de séjours à l’hôpital, ou des séjours moins longs, cela permet de mieux gérer la masse salariale. »
Vers une démarche budgétaire saine et équilibrée
Ce plan vise également à accompagner les hôpitaux pour faire face à l’évolution des financements.
Toujours selon le directeur de l’ARS, « cette évolution des tarifs hospitaliers va favoriser les établissements les mieux impliqués dans l’adaptation aux besoins et aux nouvelles méthodes de prise en charge. L’enjeu est donc qu’elle n’entraîne pas un niveau plus élevé des déficits hospitaliers ».
Dans cette optique, les principaux établissements picards se sont engagés depuis quelques années dans des démarches de réorganisation et de retour à l’équilibre. À titre de comparaison, l’augmentation de la masse salariale des établissements santé publics picards est moins importante que celle constatée au niveau national : +1,03% entre 2011 et 2012 et +1,9% entre 2012 et 2013, contre une moyenne nationale de 2,2% sur cette même période.
Outre, des mesures d’efficience et d’organisation interne, de maîtrise de la masse salariale, ce processus de rationalisation questionne également la nature des achats. Aujourd’hui, un nouveau plan achats est prévu pour 2015-2017, avec un objectif de gain de près de 45 millions d’euros réalisés notamment grâce à de nouveaux groupements régionaux (médicaments, fluides médicaux,…).
Christian Dubosq assure que « l’objectif final consiste à mieux maîtriser les ressources allouées aux hôpitaux en les orientant vers plus de qualité et d’efficience. Le plan triennal amplifie ces évolutions, les accélère, les rend plus ambitieuses. Concrètement, pour le mettre en place l’ARS a engagé avec la plupart des établissements des dialogues de gestion qui prolongent des orientations déjà connues et les précisent ».
Repenser l’organisation des soins mais pas à n’importe quel prix !
À travers le plan d’économies national de 3 milliards, c’est le service de santé publique qui est encore stigmatisé. Selon Joseph Debray, président de la Fédération hospitalière de France (FHF) de Picardie, « on émet la fausse idée que les dépenses se font sans raison et sans contrôle. Alors que les établissements de santé sont très regardants quant à la bonne gestion de leur budget ». Le côté positif de ce plan est d’inciter les établissements à disposer d’un raisonnement industriel en termes d’économie et de gestion des moyens. Cependant, Joseph Debray assure que « cette logique va trop loin, on demande aux chefs d’établissement de réduire massivement les dépenses en frais de personnel par le non-remplacement de départs à la retraite, des CDD ainsi que des contrats intérimaires ou encore par des procédures de licenciement. Et d’ajouter : Le virage ambulatoire qui prévoit une réduction du nombre de lits à l’hôpital pour des séjours encore plus courts, entraînera logiquement une réduction importante des recettes laquelle ne permettra pas d’engager des investissements innovants et d’avenir ». Aujourd’hui, l’ambiance est vive et tendue. « Par des mesures incohérentes, on asphyxie le fonctionnement des établissements de santé c’est la raison pour laquelle, il est urgent de procéder à un sérieux changement de cap », affirme Joseph Debray.
Centre hospitalier de Saint-Quentin : mise en place du virage ambulatoire
Dans le contexte actuel, l’objectif du Centre hospitalier de Saint-Quentin est de démontrer que son projet médical 2016-2020 en cours d’écriture n’est pas en contradiction avec les mesures prescrites dans le plan triennal. « Ce nouveau projet vise à atteindre un virage ambulatoire qui passe par des réflexions sur toute la trajectoire du patient en chirurgie, médecine et gynécologie obstétrique, explique François Gauthiez. L’hospitalisation de jour et l’hospitalisation de semaine doivent être ainsi considérées comme des modalités nouvelles de prises en charge des patients au même titre que l’hospitalisation complète qui voit ses capacités réduites. Le choix du mode d’hospitalisation s’opérera selon les critères médicaux en fonction de l’état du patient. » À terme, une vigilance particulière sera accordée aux mouvements de personnel. François Gauthiez assure que « ces derniers devront nécessairement s’accompagner de réorganisations afin de tenir compte des évolutions des modes de prises en charge. Ceci en capitalisant sur les progrès technologiques pour jouer positivement sur les conditions de travail et l’efficience organisationnelle ».