Commerce
Enseignes : 2022, une année presque normale pour le commerce
Après la pandémie et malgré l’inflation, les enseignes commerciales ont pu jouir d’un rebond salutaire. Le chiffre d’affaires a progressé de plus de 10%, en 2022, effaçant presque les pertes des années précédentes. En dépit de cette conjoncture, les ouvertures de nouvelles zones commerciales se poursuivent, et la vacance progresse.
Les commerçants n’aiment pas l’incertitude. Depuis la fin des années 2010, ils ont dû s’adapter successivement aux blocages parfois violents des « gilets jaunes », aux longues grèves dans les transports, à la diversité des restrictions imposées par la pandémie, à la pénurie de matières premières, l’invasion de l’Ukraine, et au retour de l’inflation. Pourtant, il faut bien vivre avec son temps. « Cette année, c’est la dernière fois que nous prenons en référence l’année 2019. 2022 sera notre nouvelle année de référence », explique Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, en présentant les chiffres du commerce, début février. La fédération rassemble 310 enseignes pesant « 110 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 800 000 emplois ».
2022, qui connut la fin du pass sanitaire et du masque obligatoire, fut au fond plutôt calme, comparée aux années précédentes. La progression du chiffre d’affaires des magasins, par rapport à 2019, a été quasiment constante, pour terminer à +10,4% en décembre. « Mais nous étions encore à -11,7% en janvier 2022, et il faut déduire de cette évolution 3 à 4 points d’inflation », précise Emmanuel Le Roch. Présidente de Procos et directrice générale de l’enseigne de vêtements Kaporal, Laurence Paganini est un peu déçue, elle aussi : « On s’attendait, comme à chaque crise, à un rebond, à une courbe en V ». Or, pour les commerçants, le retour à la normale de 2022 « n’a pas été suffisant pour rembourser les dettes contractées », affirme-t-elle.
Les soldes décevants
Les consommateurs sont de moins en moins prévisibles. En décembre, indique Procos, « les gens se sont décidés très tard à acheter », alors que la féerie (commerciale) de Noël s’étale traditionnellement tout au long du mois. Les soldes de janvier 2023 sont « en demi-teinte », aussi bien dans les magasins que sur le web. « On attend toujours un grand soir des soldes, mais il n’arrivera plus jamais », commente le délégué général de Procos, qui explique : « Les soldes donnent la possibilité de vendre à perte quand on a trop de stocks. Or, d’une part, les acteurs achètent désormais moins de stocks et d’autre part, le déstockage commence dès le ‘black Friday’ », fin novembre.
Le Covid aura bouleversé la hiérarchie des enseignes. Par rapport à 2019, la restauration enregistre toujours une baisse de 16%, la chaussure de 8,5% et l’habillement de 2,5%. En revanche, l’« alimentaire spécialisé » (les magasins vendant une seule catégorie de produits, comme les boulangeries, les fromageries ou les primeurs) a gagné près de 10% par rapport à 2019, et l’équipement pour la maison plus de 5%. Après l’explosion des livraisons, un bilan des ventes en ligne peut être tiré : « le web perd 12% en 2022, après une hausse de 60% en 2021. Depuis 2019, le secteur a gagné 40% », indique Emmanuel Le Roch.
L’inflation pèse toutefois sur l’alimentaire. « Depuis plusieurs mois, l’écart se creuse entre valeur et volume », observe le délégué général de Procos : pour une valeur équivalente, on acquiert un volume moins important. Alors que le pouvoir d’achat est dans toutes les têtes, la fédération des enseignes observe « une nouvelle attractivité des hypermarchés, alors qu’on disait le modèle de la grande distribution dépassé ». En 2022, les ventes des centres commerciaux ont progressé de 17%, tandis qu’elles n’ont gagné que 9% dans les centres-villes.
L’inflation n’empêche pas, en revanche, « le retour des voyages, week-ends et sorties ». Les compagnies aériennes ont enregistré une hausse de 72% en 2022, les restaurants et fast-foods, une seule et même catégorie selon Procos, 44%, le cinéma, 66%, et l’hôtellerie, 24%. Ces secteurs progressent toutefois moins que les articles de seconde main, les biens d’occasion ou reconditionnés, dont la croissance dépasse les 150% depuis 2019. Les consommateurs seraient-ils prêts à « mieux consommer, moins consommer », comme le croit Emmanuel Le Roch ? En tous cas, les sites qu’ils privilégient pour cette alter-consommation s’appellent Amazon, Le Bon coin et Vinted. Les dark stores, entrepôts urbains de livraison, qui se sont attirés les foudres des maires des grandes villes, sont en revanche à la peine. Les entreprises de ce secteur, financées par d’importantes levées de fond, pâtissent de l’inflation : « l’argent pas cher n’existe plus », observe Emmanuel Le Roch, en précisant toutefois que cela n’empêche pas « l’accélération de la livraison à domicile ».
Vacance commerciale en hausse, grandes surfaces en construction
Après ces années mouvementées, et en dépit des espoirs, au printemps 2020, d’un « monde d’après » privilégiant la proximité, la vacances commerciale a encore progressé. Le taux de vitrines vides est passée de 9,9% à 11% en centre-ville. Les villes moyennes, qui enregistrent une vacance quasi stable, sont plutôt épargnées par rapport aux métropoles. C’est à Paris que la fermeture des vitrines est la plus flagrante, puisque la vacance grimpe de 5,3% à 8,7%. Emmanuel Le Roch explique les difficultés des grandes villes, et singulièrement de la capitale, par « l’effet violent du télétravail et de l’absence des touristes chinois ».
Pendant ce temps, les autorités continuent d’autoriser les promoteurs à construire de nouvelles grandes surfaces. En 2022, des permis de construire portant sur 4,4 millions de mètres carré ont été délivrés, un niveau équivalent à celui des années pré-Covid. Les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), qui avaient réduit le nombre d’autorisations dès 2015, ont connu un ralentissement d’activité pendant la pandémie, mais connaissent « une légère reprise », observe Procos. La fédération des enseignes publie, comme chaque année, la liste des plus grandes opérations de l’immobilier de commerce pour 2022, notamment Ikea à Nice pour 24 000 m², ou la zone commerciale Rocadest à Carcassonne pour 20 000 m². En 2023, parmi les « ouvertures emblématiques », on remarque Neyrpic, une zone commerciale de 24 000 m² dans la banlieue de Grenoble, qui avait été très contestée, ou un encore complexe dédié aux « marques », à côté de Giverny (Eure), pour 17 000 m².