Conjoncture
Financements et crédits : 2020, année record pour Bpifrance
Dans la crise, Bpifrance, la banque publique d'investissement, a été en première ligne dans la mise en œuvre des dispositifs d'aide mis en place par le gouvernement. Et elle a joué un rôle contracyclique, par ses investissements. Plus de 20 milliards d'euros ont été injectés dans les entreprises françaises.
2020, une « année mémorable », d'après Nicolas Dufourcq, Directeur général de Bpifrance, la banque publique d'investissement. Le 4 février, lors d'une conférence de presse en ligne, il présentait le bilan d'activité de l'établissement, qui assure une pluralité de missions parmi lesquelles le financement des entreprises, l'investissement et la garantie de prêts. L'ensemble de ces activités a été reconfiguré par la pandémie. Tout d'abord, Bpifrance a été « orchestrateur de la garantie de l’État », pour le PGE (Prêt garanti par l’État), rappelle Nicolas Dufourcq. Au total, la garantie du PGE s'élève à 110,6 milliards d'euros, correspondant aux prêts attribués à 634 720 entreprises. À ces chiffres, il faut y ajouter ceux du PGE Saison, destiné au secteur du tourisme (664 millions d'euros de garantie au bénéfice de 4 424 entreprises).
Aujourd'hui encore, les demandes de PGE continuent à arriver, mais à un rythme peu soutenu. Et sur l'évolution possible du dispositif, l'établissement affiche une analyse nuancée : environ la moitié des entreprises pourraient décider de le conserver, pour faire face aux investissements nécessaires à une reprise de l'activité. En revanche, « les PGE ne vont pas être convertis en fonds propres (...), cette piste n'existe pas », tranche Nicolas Dufourcq. Pour autant, le banquier se veut relativement rassurant. « Après la parenthèse enchantée du PGE, il faut s'attendre à une augmentation des défaillances (…), peut-être de l'ordre de 60 000, mais il n'y aura pas de mur ». Corollaire du recours massif des entreprises au PGE, l'activité classique de garantie de Bpifrance a baissé, passant de 8,5 milliards de prêts bancaires garantis, en 2019 à 6,2, en 2020.
Des prêts sans garantie
Deuxième activité de la banque, celle des crédits en direct aux entreprises. Leur montant a dépassé les 4 milliards d'euros en 2020, en croissance par rapport à l'année précédente. Là aussi, la pandémie a bouleversé la donne. « La forte croissance est entièrement concentrée sur l'activité de prêt sans garantie », pointe Nicolas Dufourcq. Pour l'essentiel, il s'agit des prêts Atout et Rebond, tous deux, sur le long terme, destinés à pallier les problèmes de trésorerie. Le prêt Atout a été accordé à hauteur de 2,4 milliards, en direction des PME et ETI. Il a été lancé par Bpifrance, rapidement après l'annonce du confinement, le 16 mars 2020, et avant la mise en place du PGE. De 50 000 à 5 millions d’euros pour les PME, et jusqu’à 30 millions pour les ETI, il est octroyé sur une durée de trois à cinq ans, avec un différé d'amortissement en capital jusqu’à 12 mois. Deuxième produit, le prêt Rebond a été distribué à hauteur de 800 millions d'euros, dont 275 octroyés via une procédure 100% digitale. « Il a été très populaire », constate Nicolas Dufourq. Ce prêt sur sept ans, avec un différé d’amortissement en capital de deux ans, permet d'obtenir de 10 000 à 300 000 euros, selon les Régions (qui le financent).
Troisième prêt sans garantie, enfin, celui spécifiquement consacré aux entreprises du secteur du tourisme. À ce jour, 260 millions d'euros ont été décaissés sur le milliard que la Caisse des Dépôts et Consignations a confié à Bpifrance. Mais la moitié de la somme est déjà accordée et les décaissements devraient advenir rapidement, promet l'établissement. Par ailleurs, Bpifrance a accordé des PGE à ses propres clients (800 millions d'euros). Les autres activités de crédit de l'établissement ont baissé cette année.
Un milliard d'euros pour les start-up
Le financement de l'innovation constitue une autre des missions de Bpifrance, pour un montant de 20,5 milliards d'euros, en 2020. L'essentiel provient de la mission d'opérateur de l’État dans différents programmes, traditionnels ou liés à la crise : le PIA (Programme d'Investissement d'avenir), et aussi, des dispositifs nés du plan de relance (appels à projet automobile, aéronautique, territoires d'industries ...). À lui seul, le plan Batterie pèse 701 millions d'euros.
Concernant les activités spécifiquement développées par Bpifrance, elles ont crû de 138% l'an dernier, pour atteindre un total de 3 milliards d'euros. Mais là aussi, la pandémie a changé la donne. Bpifrance a accordé 460 millions d'euros de Prêts soutien innovation, déclinaison du PGE pour les entreprises innovantes . L'établissement est également venu en soutien aux start-up en mettant sur pied un « French bridge », produit dédié à celles qui s'apprêtaient à lever des fonds quand est survenue la pandémie. « Au total, cela fait presque un milliard d'euros accordé aux start-up », souligne Nicolas Dufourq.
Autre activité encore, celle de la filiale Bpifrance investissements, dédiée aux investissements en fonds propres, en direct, ou via des fonds d'investissement. Elle a permis la mobilisation de 3,6 milliards d'euros. « Nous avons joué notre rôle contracyclique », analyse Nicolas Dufourcq. Concrètement, l'établissement est intervenu pour se substituer à des investisseurs étrangers qui faisaient défaut dans des fonds d'investissements, ce qui explique l'augmentation de son activité.
Le climat : « fil rouge » de 2021
Parmi les autres activités de Bpifrance bouleversées par la crise figure aussi l'export. L'assurance prospection, a baissé de 26% ( 239 en 2020, contre 321 millions en 2019) . A contrario, la banque a joué son rôle contracyclique avec le crédit export, qui a grimpé de 172 millions d'euros en 2019 à 217 millions en 2020 (+ 26%), et surtout, avec les garanties de cautions et préfinancement, en hausse de 50 %, passées de 727 millions à 1088.
Quant à l'activité de conseil et d'accompagnement de Bpifrance, ses « incubateurs » destinés à booster la stratégie de croissance des entreprises, n'ont pas pu accueillir normalement les chefs d'entreprise. Mais des échanges numériques ont été maintenus pour les soutenir dans la crise et préparer leur rebond. L’accompagnement dit « ponctuel », a permis de toucher près de 30 000 dirigeants, via le e-learning (+74%) et près de 2 000 par la mise en place d’auto-diagnostics digitaux (+216%).
Au total, durant l'année, l'essentiel des dispositifs et des capitaux se sont donc concentrés autour de la gestion de la crise. Toutefois, Bpifrance a aussi distribué 1,7 milliard d'euros de financements de la transition énergétique et écologique, et lancé un prêt vert en partenariat avec l'Ademe, Agence de la transition écologique. Et pour 2021, le climat sera « le fil rouge », annonce Nicolas Dufourcq.