Formalisation, retour en arrière : le point sur le télétravail

On n'a jamais autant parlé du télétravail dans les entreprises, que ce soit comme levier d’attractivité, pour le maintenir ou pour tenter d'y mettre fin. C'est donc l'occasion de faire le point sur ce mode d'organisation du travail qui s’est installé depuis la pandémie de Covid, en analysant d'abord son cadre légal, puis en s’interrogeant sur la possibilité éventuelle de revenir au présentiel.

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Un cadre légal

Les règles en matière de télétravail sont issues de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 «pour une mise en œuvre réussie du télétravail». Ce texte propose un cadre pour la pratique. Il laisse à la discrétion des entreprises les modalités spécifiques de mise en place. Cet accord complète l'ANI du 19 juillet 2005 encadrant le télétravail régulier et les articles L 1222-9 et suivants du Code du travail.

La loi définit donc un cadre pour le télétravail. L'article L1222-9 du Code du travail prévoit que «le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication».

Cette forme d'organisation du travail est mise en place dans le cadre d'un accord collectif ou, à défaut, d'une charte élaborée par l'employeur, après avis du comité social et économique (CSE), s'il existe. En l'absence d'accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l'employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen.

L'accord collectif applicable ou, à défaut, la charte élaborée par l'employeur, précise notamment :

- les conditions de passage en télétravail et celles de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;

- les modalités d'acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;

- les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;

- la détermination des plages horaires durant lesquelles l'employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;

- les modalités d'accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail,

- ainsi que celles prévues pour les salariées enceintes,

-et les salariés aidants d'un enfant, d'un parent ou d'un proche.

Dans tous les cas, le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise.

L'employeur qui refuse d'accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à un ce mode d'organisation dans les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte, doit motiver sa réponse.

Le refus d'accepter un poste de télétravailleur n'est pas un motif de rupture du contrat de travail.

L'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail, pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur, est présumé être un accident de travail

Quant à l’article L1222-10 du Code du travail, il précise que l'employeur est tenu à l'égard du salarié en télétravail :

- de l'informer de toute restriction à l'usage d'équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;

- de lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature ;

- d'organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d'activité du salarié et sa charge de travail.

Enfin, l’article L1222-11 prévoit qu’en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés.

On relèvera que rien n’est prévu dans la loi concernant la prise en charge des coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communication et outils, ainsi que la maintenance de ceux-ci.

La possibilité de revenir sur le télétravail

En fait, il convient de regarder la manière dont a été mis en place le télétravail. Si celui-ci a été instauré dans le cadre d’un accord collectif ou d’une charte, il faut consulter le contenu de ce texte. En effet, le document doit prévoir les conditions dans lesquelles un salarié en télétravail peut revenir à une exécution en entreprise (clause de réversibilité).

Si le télétravail a été mis en place par accord individuel écrit ou verbal, il convient de vérifier quel a été l'accord des parties, fidèle au principe que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » (Code civil art. 1103).

Et puis, il y a le cas où le travail en distanciel n’a pas été formalisé (ou si le document qui le prévoit ne précise pas les conditions dans lesquelles l’employeur peut y mettre fin). Dans cette situation, le salarié peut refuser de mettre fin au télétravail, sachant qu'il s'agirait d’une modification essentielle de son contrat de travail, en dehors de tout accord de l'intéressé. (Lyon, Chambre sociale b, 10 septembre 2021, n° 18/08845).

François Taquet, avocat spécialisé.