Financement

Hauts-de-France : Cap'Industrie fait le point sur le financement des entreprises

"Comment financer l’activité et prévenir les difficultés en 2021 ?" C’est sans doute LA question que se posent la plupart des entreprises avec la crise sanitaire qui s’étire. Cap’Industrie organisait en février le premier webinaire de l’année sur le sujet, pour donner des clés de compréhension aux dirigeants.

L'objectif pour les acteurs économiques : aider les chefs d'entreprise à traverser la crise grâce aux financements. (c)AdobeStock
L'objectif pour les acteurs économiques : aider les chefs d'entreprise à traverser la crise grâce aux financements. (c)AdobeStock

Le financement : c’est sans doute pour les entreprises le principal nerf de la guerre. Et avec des trésoreries mises à rude épreuve par la crise sanitaire, ajouté à une reprise encore floue ou incertaine, une piqûre de rappel sur les diverses sources de financement dont elles disposent n’était pas de trop en ce début d’année.

« Dans le contexte actuel, nous avons peu de visibilité, avec une conjoncture économique incertaine tant en France qu’à l’international. C’est d’autant plus important pour Cap’Industrie d’accompagner aujourd’hui les entreprises sur cette question. Elles sont plus endettées, et pour certaines ont entamé leurs fonds propres, il existe également des risques de détérioration de la cotation Banque de France », a commencé par rappeler Olivier Hutin, président de Cap’Industrie et de l’UIMM Hauts-de-France.

Pour Bernard Fontanel, président du cabinet de conseils Topic (à Boves) qui animait ce webinaire : « L’année 2020 a été pour les entreprises contrastée et compliquée à comprendre, contrastée parce que le nombre de défaillances a étrangement été plus faible que d’habitude. Il est vrai que les dispositifs mis en place ont servi d’amortisseurs face à cette crise sanitaire violente dont on ne voit pas la fin. »
« Le PGE est clairement un dispositif exceptionnel »

"Le PGE est clairement un dispositif exceptionnel"

L’enjeu pour les dirigeants : assurer la pérennité de leur entreprise et le financement de leur activité, avec des résultats 2020 pas toujours satisfaisants. « Le téléscopage de la logique classique d’une entreprise et de celle qui lui est imposée par le contexte, à court terme, n’est pas simple », a estimé Bernard Fontanel.

La directrice de la Banque de France Hauts-de-France Kathie Werquin-Wattebled a appuyé cette analyse : « L’année 2020 aura été très dure, nous n’avons jamais connu une telle crise depuis 1945, avec une baisse du PIB de 8,3% et des secteurs qui ont mieux tiré leur épingle du jeu. » Pour 2021, le scénario central, à +5%, semble se confirmer avec beaucoup d’incertitudes mais tout de même un rebond attendu sur le 2e semestre. L’impact des deux plans de relance – français et européen – va également peser dans la balance de la reprise.

Les entreprises ont depuis le début de l’épidémie pu compter pour pallier la baisse ou l’arrêt de leur activité compter sur le soutien du Gouvernement, qui a déployé une batterie d’outils, dont le Prêt garanti par l’État.

« Le PGE est clairement un dispositif exceptionnel, un pont de trésorerie, simple souple et rapide d’utilisation, qui est arrivé à un moment critique. C’est un outil qui a prouvé son efficacité. Reste à savoir aujourd’hui comment on en sort et quels autres financements trouver », a estimé Kathie Werquin-Wattebled, qui reconnaît que le PGE contribue pour partie à financer les pertes de l’entreprise : 20 à 30% d’entre elles afficheront un bilan 2020 moins bon que celui de 2019.

D’après les prévisions de Banque de France, le niveau d’activité d’avant crise devrait être retrouvé mi-2022, ce qui permettrait aux entreprises de solder ces prêts relativement rapidement.

La Région au côté des entreprises

La Région a elle aussi largement soutenu les entreprises : « De nombreuses mesures ont été prises depuis le début de la crise, sous un angle purement défensif, avec le plan d’urgence renforcé au fil des mois et avec le plan de relance et son accentuation », a expliqué Jean-Michel Giraud, directeur de l’appui aux entreprises à la Région Hauts-de-France.

La Région a ainsi mis sur pied plusieurs gammes de prêts, doublé ses capacités de garanties (via BPI ou un fonds régional de garanties) et développé un fonds propre spécifique sur la consolidation financière, le fonds Reboost. Elle pilote également un ensemble de fonds dévolus au plan de relance européen. L’important étant aussi pour la Région avec ce soutien massif aux entreprises de maintenir le tissu productif et économique du territoire ainsi que ses compétences pour lui donner toutes ses chances une fois la crise derrière nous.

« Il y a une nécessité à agir : si l’on est pas prêts en sortie de crise, on sait que les virages des business model vont être tellement significatif qu’un certain nombre d’entreprises risquent de rester sur le bord du chemin. Il y a donc aussi un enjeu d’investissement, sur certains segments, comme la transition digitale ou environnementale, a rappelé Jean-Michel Giraud qui a tenu à rassurer : Derrière cette mécanique d’aides émanant de diverses sources et qui peut paraître complexe pour les entreprises, il y a une vraie coordination entre les acteurs. »

Le CRP accompagne les entreprises industrielles

Les entreprises peuvent également se tourner vers les Commissaire à la restructuration et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP), qui travaillent au sein des Direccte régionales et ont pour mission d’accompagner et d’anticiper les difficultés des entreprises, en particulier industrielles (de 50 à 400 salariés).

« L’idée c’est d’être un point d’entrée de cette entreprise qui commence à avoir des difficultés pour trouver avec elle des solutions, sociales, fiscales ou avec d’autres partenaires financiers, dans le but de maintenir les compétences et l’outil productif. Nous pouvons aussi si besoin lui conseiller de se rapprocher d’un mandataire pour lancer une procédure amiable ou collective », a précisé Séverine Deslandes, CRP pour l’Aisne, l’Oise et la Somme.

Avec la crise sanitaire, les CRP dispose d’un outil supplémentaire : l’avance remboursable et le prêt à taux bonifié, qui vient en remplacement d’un PGE qui n’aurait pu être partiellement ou totalement obtenu.

Financer pour restructurer la dette

« Finalement, a observé Bernard Fontanel, les financements c’est un travail sur la dette, financière, sociale, fiscale, des fournisseurs… Restructurer et rééchelonner la dette ou en négocier des abandons s’avère le meilleur moyen d’obtenir ces financements. »

Une réflexion partagée par Stéphane Vermue, administrateur judiciaire associé chez Selarl V & V : « Une entreprise a la possibilité d’actionner deux leviers lorsqu’elle est en difficulté : lever de nouveaux fonds ou opter pour un rééchelonnement de l’endettement. Le Covid a certes amené à une situation compliquée mais permis aussi d’apporter des solutions bien supérieures à celle proposées auparavant. Les créanciers suivent si l’entreprise a un vrai savoir-faire et peut devenir suffisamment rentable pour imaginer un remboursement de sa dette beaucoup plus long qu’initialement prévu [ndlr, concernant le PGE, il doit être aujourd’hui remboursé dans les six ans]. »

« Ce qui drive les financements, ce sont les projets. C’est vrai que les chiffres 2020 peuvent faire peur, mais il y eu de nombreux projets d’investissement, il faut voir la lumière au bout du tunnel », a repris Kathie Werquin-Wattebled.

L’industrie a connu une baisse de l’investissement de "seulement" 1,6% l’année dernière, d’après une enquête menée par la Banque de France Hauts-de-France, ce qui prouve que parallèlement au recours aux PGE, les entreprises ont continué à solliciter des prêts pour des investissements classiques.

Quelles seront les évolutions des crédits bancaires en 2021 ? Les entreprises se montrent évidemment prudentes, avec une prévision d’investissements comprise entre 0 et -4%. Si le rebond attendu pour la moitié de l’année se concrétise, les banques continueront de soutenir financièrement les entreprises ayant des projets d’investissements solides, d’autant que les taux resteront bas d’après la Banque de France. Pas de manque de liquidités à craindre donc pour 2021…


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