Hauts-de-France : cinq industriels autour d’un projet inédit de captage et de stockage du CO2
Le cimentier Eqiom, le producteur de chaux Lhoist, RTE, Air Liquide (dans l'Oise) et Dunkerque LNG s’unissent autour du projet Cap Décarbonation, dont l’enjeu n’est ni plus ni moins que de capter, liquéfier, stocker puis séquestrer 1,5 million de tonnes de CO2 par an à l’horizon 2028. La concertation préalable à ce projet d’une dimension inédite en France démarre le 21 mai.
L’idée est partie d’un constat : aujourd’hui, la production d’une tonne de ciment génère 0,6 tonne de CO2. Concernant la chaux, le bilan est encore moins bon puisqu’une tonne de chaux égale à une tonne de CO2 émise. Depuis quelques années, la cimenterie de Lumbres du groupe Eqiom et l’usine Chaux et Dolomies du Boulonnais (située à Réty) du groupe Lhoist, sont donc engagées dans un processus de décarbonation qui passe, par exemple, par la valorisation de combustibles alternatifs comme le laitier ou bien l’utilisation de la biomasse pour la production de chaleur. Toutefois, les deux industriels savent que ces adaptations ne suffiront pas pour atteindre la neutralité carbone à laquelle ils aspirent.
Un investissement de 530 millions d’euros
Eqiom et Lhoist se sont donc unis autour d’un projet avec RTE (Réseau de Transport de l’Electricité), Air Liquide et Dunkerque LNG, le propriétaire du terminal méthanier de Dunkerque. Sous le nom de «Cap Décarbonation», celui-ci prévoit de créer deux unités de captage du CO2 sur les sites de Lumbres et de Réty, fonctionnant avec la technologie dite de « Cryocap » développée par Air Liquide. Il s’agira de capter les fumées industrielles émises, d’en extraire le CO2 puis de le liquéfier.
Pour ce faire, RTE se chargera de la création des deux nouvelles liaisons électriques souterraines, nécessaires aux besoins de ces unités, soit une ligne de 90 000 volts de 5 km entre Marquise et Réty et une autre de 225 000 volts de 13 km entre Longuenesse et Lumbres. L’implantation de 80 km de canalisations seront également nécessaires pour emmener le CO2 vers le terminal méthanier de Dunkerque où il sera stocké, liquéfié, dans des cuves au sein d’un nouveau terminal CO2 qui doit encore être construit (une nouvelle jetée de 200 mètres de long doit, notamment, être créée) avant son expédition par bateau vers des sites de séquestration en mer du Nord ou bien en vue de sa réutilisation par d’autres industriels.
Avec un investissement évalué à 530 millions d’euros, Cap Décarbonation est un projet d’une ampleur inédite en France sur le front de la décarbonation. Dans le détail, 150 millions seront pris en charge par Eqiom, 160 millions par Lhoist et 220 millions par Air Liquide et Dunkerque LNG. Après la concertation préalable qui va s’étendre de mai à juillet 2023, le dépôt du permis de construire est prévu pour la fin de l’année. La décision finale doit intervenir fin 2024 avec un début de travaux dans la foulée et une mise en service courant 2028.
Le nouveau terminal CO2 pourra réceptionner 1,5 million de tonnes de CO2 par an, soit le total des émissions des sites de Lumbres et Réty. Toutefois, d’autres industriels locaux pourraient ultérieurement être également raccordés à ce terminal. Air Liquide et Dunkerque LNG estiment qu’à moyen terme jusqu’à 4 millions de tonnes de CO2 par an pourraient y être prises en charge.
Pascaline Duban