« Il n'y a plus le choix : il faut robotiser les entrepôts »
Le secteur de la logistique fait face à l'explosion du e-commerce, boosté par la crise sanitaire. Un changement de modèle qui suppose de repenser les supply chains et d'accélérer la robotisation des entrepôts. Regards sur ce changement avec Romain Moulin, CEO de l'entreprise Lilloise Exotec, en première ligne.
« Au niveau du besoin du marché, la crise Covid a fait exploser le e-commerce. » Romain Moulin, CEO d'Exotec, le constate : avec la crise sanitaire, le secteur de la logistique a accéléré sa mutation vers l'automatisation. Confinés chez eux, les consommateurs ont en effet pris le pli de la livraison à domicile et du e-commerce, y compris dans des secteurs qui jusqu'ici, peinaient à s'inscrire dans ce schéma.
« Sur l'alimentaire, le e-commerce a doublé pendant le confinement et il est aujourd'hui resté à +30 % », poursuit Romain Moulin. Cette augmentation de la demande a évidemment mis sous tension les professionnels de la logistique. La demande de performance dans les entrepôts est de plus en plus importante et les livraisons doivent être de plus en plus rapides. Face à cela, les ressources humaines ne suffisent plus et la robotisation s'affiche comme une évidence.
« Les mentalités ont changé. Désormais les gens se disent : ''il n'y a plus le choix je dois automatiser pour optimiser, quelle technologie je choisis...'' Et on fait partie des entreprises qui en bénéficient. », se félicite le dirigeant d'Exotec.
Repenser les supply chains
Créée en 2015, la start-up lilloise conçoit, fabrique et commercialise des systèmes robotisés de préparation de commandes, notamment via ses Skypod et Skypicker capables de gérer le picking jusqu'au plafond. Et de fait, elle voit son activité exploser. Sur la seule année 2021, elle a vu ses effectifs passer de 250 personnes à 350, et a ouvert des filiales aux États-Unis, en Allemagne et même au Japon, pays des robots, où elle vient de décrocher un contrat avec Uniqlo. Son chiffre d’affaires à 45 M€ en 2020 est passé à 105 M€ en 2021, et pourrait encore doubler l'année prochaine. Voire dans les 10 ans à venir...
En effet, la transformation n'en est qu'à son commencement. « Dans les 10 ans à venir, il va y avoir des schémas logistiques complets qui vont être repensés. Des modifications profondes sont à faire chez les retailers pour bâtir des supply chains adaptées », poursuit le CEO d'Exotec. Les commerçants devront notamment repenser leur maillage territorial en intégrant les incertitudes liées au changement de modèle. La bascule vers le modèle du e-commerce se fait de manière plus ou moins rapide, et dans des proportions inconnues. « C'est extrêmement difficile derrière de bâtir une supply chain suffisamment souple et agile pour absorber 10 % de e-commerce comme 50 %... », exprime Romain Moulin.
Les Hauts-de-France au cœur du changement
La Région des Hauts-de-France a évidemment sa carte à jouer dans cette évolution, et reste de fait un terrain de jeu idéal pour Exotec qui compte bien accompagner le mouvement. « L'entreprise a été créée à Paris et a bougé en 2016 sur Lille, qui est apparue comme une candidate idéale, raconte Romain Moulin. Elle nous permettait d'être facilement accessible et surtout à côté de nos futurs clients, au milieu d'un énorme axe logistique. Avec le grand import qui arrive de la mer du Nord, la connexion avec Londres, Bruxelles, Paris et Amsterdam, c'était l'emplacement parfait pour une entreprise qui sert des clients de la logistique. » L'arrivée du Canal Seine Nord ne fait que conforter cela, de nombreuses entreprises étant amenées à s'implanter sur son tracé, et notamment sur les principaux sites logistiques.
Reste à proposer le bon outil robotique. Pour cela Exotec, bien que devenu industriel, entretient son esprit start-up en réinvestissant 20% de son chiffre d’affaires dans la R&D. « Pour l'instant, avec le système Skypod on n'a fait qu'une partie de l'entrepôt. Il nous reste un terrain de jeu important à explorer. Il nous faut arriver à retrouver de la performance et de l'agilité à plusieurs autres endroits de la supply chain. Alors on a une feuille de route bien remplie en R&D... », conclut Romain Moulin.