Intelligence artificielle : quelles retombées dans la pub et le marketing ?
Le monde de la publicité et du marketing n’aura pas attendu que l’IA (intelligence artificielle) soit réglementée pour s’y engouffrer. Beaucoup d’applications fleurissent, soit pour produire très rapidement des contenus et des campagnes publicitaires, soit pour créer des visuels aussi originaux que possibles. Mais sans droits…
L’intelligence artificielle s’est déjà bien implantée dans les campagnes de marketing et dans la relation clients. Elle contribue à la génération de contenus quasi instantanément : écriture de scénarios, conversations personnalisées et ciblées. Des contenus qui vont, typiquement, nourrir des robots conversationnels ou ‘chatbots’. La génération automatique de textes promotionnels est souvent bluffante - même si la logique de construction du texte peut être retouchée.
Sélection automatique des supports
Dans des propositions rédigées par un humain, l’application peut même détecter des éléments inappropriés, voire dérangeants, au regard de la cible visée. Ainsi, l’Oréal a retenu une solution de « relation clients » (Sprinklr) qui unifie l’IA générative Vertex AI de Google et les modèles ChatGPT d'OpenAI. Plus de 1 200 modèles d'IA sectoriels sont à disposition dans une centaine de langues. Les équipes marketing peuvent ainsi sélectionner les supports créatifs les plus efficaces, en fonction de contenus testés auprès de divers publics. S’y ajoute la possibilité d’enrichir un ‘chatbot’ pour les responsables du service client (avec 90% de réponses précises, valides) et de rédiger des bases de connaissance pour les campagnes de marketing.
De même, Carrefour a récemment fait appel à Google et à OpenAI pour automatiser son marketing : réalisation de campagnes de promotion en masse, par cibles de clients, avec rédaction de fiches produits ; et, là encore, enrichissement d’un ‘chatbot’.
L'IA générative est également de plus en plus utilisée pour optimiser les référencements sur Internet (SEO, « search engine optimization ») et pour doper le « community management » par la rédaction de « posts »pertinents et ciblés. Mais attention à la prolifération de ces contenus : ils sont souvent considérés comme des spams. La réputation en ligne ou le « social listening » bénéficient également de l’IA générative, de même que les applications de reporting.
Génération de visuels en quelques clics
Dans la création publicitaire, l’IA fait ses preuves : les solutions abondent, permettant ici de générer des slogans ou des « base lines », et là de les associer à des logos, à des images ou des vidéos créées de toutes pièces, avec animation en 3D, pour ensuite les coupler à un fond musical. Ainsi, la marque Undiz (Etam) a réussi un joli coup médiatique en présentant une campagne multicanale utilisant un visuel original (jeune fille en plongée) entièrement généré par une IA.
Les grands acteurs de la pub se mobilisent. Ainsi, Publicis, qui utilise sa plateforme Marcel (avec Microsoft), a recours à l’IA d’Epsilon (cf. la campagne Speedy France) et pris le contrôle de Sapient AI Labs, co-fondée en 2020 avec Elder Research et Tquila. Son objectif : proposer des formations d’IA générative (cf. la pertinence des « prompts » ou description de ce que l’on vise à obtenir du moteur d’IA par récurrence). Autre visée : développer des modèles d’IA du type LLM (« large language models », reposant sur des algorithmes de deep learning). Ceci en partenariat avec AWS, Google et Microsoft /OpenAI/ Méta (Facebook) - un bouquet de Gafam...
Autre exemple d’acteurs, plus modestes, à suivre en France : la start-up DooH it. Elle diffuse de la pub « conceptualisée » et géolocalisée, avec QR code, à bord des taxis et VTC, après une rapide analyse du profil du client « embarqué ».
Réalisation de magazines
Certains créatifs indépendants vont jusqu’à fabriquer des magazines réalisés à 99% par des solutions IA (cf. magazine « LHC », Rémi Rostan). Résultat encourageant : un ‘rendu’ de « geek-books » composé aux deux tiers d’images à connotation science-fiction, psychédélique avec des clins d’œil à la BD (gare au plagiat…).
En clair, l’impact sur la chaîne des métiers de la communication est considérable : graphistes, directeurs artistiques, rédacteurs -concepteurs sont « challengés ». De jeunes inconnus se lancent sans complexe, devenant des champions du « prompt’ » et jonglant avec la modélisation pour parvenir à de véritables créations entre réel et irréel, jusque dans la vidéo. Certains outils sont très accessibles (cf. Firefly d’Adobe ou ElevenLabs, ou simplement Mash pour créer des logos, etc). D’autres sont réservés à… Coca Cola, qui a financé une vidéo spectaculaire de trois minutes (avec incrustations animées) à partir de l’IA génératrice Stable Diffusion, avec le concours d’une start-up londonienne, Stability AI.
D’où la tentation, pour certains services de communication, de ‘by-passer’ leurs prestataires, agence de pub ou de relations presse. Pourtant le bagage technique requis n’est pas négligeable, sur plusieurs familles de solutions. Or, en face, la plupart des agences ont pris de l’avance. Sans doute, faut-il envisager des compromis, de part et d’autre.
Frustration du droit d’auteur
D’autant que les créatifs - et leurs employeurs - devenus très productifs, endurent une réelle frustration : le droit d’auteur, pour le moment, ne s’applique pas aux ‘créations’ IA, même dites « originales ». Pour une raison principale : on part d’images ou documents existants. Donc, le résultat n’est pas directement monnayable. Aux Etats-Unis, des stars du show-biz voyant leur image surexploitée (à l’instar des ‘shots’ d’un Andy Warhol) commencent à transiger, en proposant un reversement à 50% des sommes perçues… Art is business, too !