L'agriculture des Hauts-de-France, entre transitions et défis à relever
Agriculteur à Licourt (Somme), Laurent Degenne a pris la présidence de la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France en début d'année. Il revient sur les enjeux de la filière et la manière dont l'organisme consulaire les appréhende.
La Gazette : Vous avez pris en janvier la présidence de la chambre régionale d'agriculture des Hauts-de-France. Selon vous, quel rôle jouer cette chambre régionale, qui est toute nouvelle dans le paysage agricole ?
Laurent Degenne : L'agriculture a un certain nombre de transitions à entreprendre, notamment énergétique ou climatique. Ces adaptations ne passeront que par la recherche et développement, et donc par les Chambres d'agriculture qui en sont le premier vecteur. Les Chambres départementales, qui prélèvent l'impôt, restent les ordonnateurs de tout cela. Mais nous devons construire et porter une vision commune de l'agriculture à l'échelle régionale. Nos interlocuteurs sont régionaux : le Conseil régional, mais aussi la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf), la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) pour le volet de l’emploi, la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) pour l’environnement. Nous devons nous adapter et mettre notre chambre consulaire à cette échelle, tout en respectant les particularités de chaque département.
Cette régionalisation est un peu tardive, au regard de ce qui se passe ailleurs en France. Comment se structure-t-elle ?
Lors de la dernière session, nous avons validé un certain nombre de travaux communs à l'ensemble des départements des Hauts-de-France, notamment sur tout le back-office, c'est-à-dire les Ressources humaines, les services d'achats et de comptabilité, la communication... Les programmes de R&D sont aussi régionaux, que ce soit du Casdar (fonds de l'État) ou des aides de la Région. Et nous avons aussi mis en place une cellule prospective régionale.
Cela se construit aussi avec les autres pans de l'économie régionale ?
Il faut l'admettre, nous avons en agriculture assez peu l'habitude de travailler de façon interconsulaire. Mais dans le premier mois de mon élection, j’ai rencontré Laurent Rigaud de la CMA Hauts-de-France et Philippe Hourdain de la CCI Hauts-de-France. Ensemble, nous avons établi un certain nombre de sujets que nous souhaitons porter, comme sur l’énergie, le bas carbone, l’eau, mais aussi sur l’industrie agroalimentaire et notre agriculture. Nous nous voyons, nous échangeons et nous avons des ambitions communes. Et nous nous inspirons aussi les uns les autres.
Si on revient à l'échelle des exploitations, quelles sont les pistes suivies par les Chambres d'agriculture en matière de conseil ou de formation ?
En dehors des conseils métiers stricts de conduite des cultures ou des élevages, nous abordons des questions plus transversales, comme la transition climatique. Au vu de la crise énergétique et environnementale, nous nous devons d’être multi-compétences en termes de conseils pour nos agriculteurs. Par exemple, nous pouvons apporter un conseil généraliste à 360°, pour ensuite orienter l'exploitant vers des spécialistes en fonction de ses besoins. Je pense que l’exploitation agricole a besoin de cela. Et ce, quel que soit le problème : de rendement, de sécheresse, de dysfonctionnement… Nous proposons un diagnostic global pour construire une stratégie sur cinq ans et sortir des solutions trop simples qui n'intègrent parfois pas le véritable problème.
Comme d'autres, la filière agricole est aussi confrontée à des difficultés de recrutement...
C'est le préalable à tout ! Il faut former les jeunes aux métiers d’agriculteurs pour le renouvellement des générations, mais également aux métiers de salariat. Si nous voulons garder de la valeur ajoutée dans nos exploitations des Hauts-de-France, nous sommes obligés d'avoir recours à de la main d'œuvre salariée. Il faut que nous ayons la capacité à l'attirer et à la former.
Est-ce que la compétitivité de notre agriculture passe par cette formation, face à des systèmes d'exploitation de plus en plus complexes ?
La montée en compétences est nécessaire, au niveau de la formation initiale, quoi que dans les Hauts-de-France, nous sommes plutôt mieux formés lors de l'installation qu’au niveau national. Mais il faut surtout que nous arrivions à attirer les agriculteurs dans la formation continue. C'est un réel défi, car ils manquent souvent de temps... Mais nos métiers évoluent chaque année. Nous nous devons de suivre, de nous former, notamment parce que les problématiques sont plus diversifiées qu’avant, mais aussi parce que la réglementation l’est aussi.
En résumé les grands enjeux de demain ?
Former de futurs agriculteurs et des salariés. L'enjeu de l'eau. Et ensuite développer toutes les aménités que peut rendre l'agriculture : le carbone, la biodiversité, l'énergie... Et tout cela avec, bien sûr, en lame de fond l'objectif de renforcer la compétitivité des filières agricoles.