L'export français dans la tourmente

Suspendue à l'échéance du 2 avril, date à laquelle Donald Trump devrait annoncer une nouvelle salve de droits de douane... Une table-ronde consacrée au Commerce extérieur : de l'ambition à la conquête, s'est tenue le 20 mars à Paris, dans le cadre de la 8ème édition de la Journée des entreprises, organisée par la délégation aux Entreprises du Sénat. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l'étranger, l'a reconnu : «La situation géopolitique dessine ou redessine les routes commerciales et les relations commerciales entre les pays. (…) On ne peut plus avoir les mêmes stratégies d'entreprise à l'international».

Les témoignages de deux entrepreneurs ont illustré comment leurs activités menaçaient d'être impactées par cette nouvelle donne. Par une sorte d'ironie un peu cruelle, «il y a quelques mois, nous avons fermé notre usine américaine pour la rapatrier en France, car nous fabriquions le même produit avec une meilleure productivité en France (…) On croise les doigts pour qu'à partir avril, nous n'ayons pas 25% de droits sur les produits que nous allons exporter vers les États-Unis», relate Philippe Veran, président du groupe Biotech Dental, spécialiste des solutions orthodontiques et des prothèses dentaires.

Ametra Group (750 salariés, dont 100 à l'étranger ) conçoit et intègre des équipements mécaniques, électriques, électroniques pour l'aéronautique, la défense ou le nucléaire. Le groupe dispose d'une usine en Tunisie, après avoir fermé celle indienne. Depuis la France, elle envoie des composants primaires – souvent venus de l'étranger – vers ses usines à l'étranger. Une fois les sous-systèmes fabriqués, ils sont réimportés en France pour être intégrés dans des systèmes de taille plus significative. En résumé, «pour fabriquer un équipement qui va être livré chez Thalès, par exemple, il y a déjà une multitude de flux internationaux à l'intérieur de l'entreprise», analyse Anne-Charlotte Fredenucci, présidente d'Ametra Group.

«Inquiétude»

Face à la situation actuelle, la dirigeante admet son «inquiétude» : «Toute filière très internationale comme l'aéronautique est susceptible d'être impactée», analyse-t-elle. Pour Philippe Véran, la conjoncture actuelle ne devrait pas faire renoncer aux marchés internationaux. Les entreprises françaises disposent d'atouts, «le grand terrain de jeu européen» et l'appétence à l'étranger pour les produits français «reconnus pour leur qualité». Par ailleurs, la géopolitique n'est pas la première crise à laquelle font face les entrepreneurs, souligne Philippe Véran, «je croise les doigts. On va aussi faire confiance à nos élus (…)».

À cet égard, Laurent Saint-Martin s'est efforcé de rassurer les entrepreneurs. Quelques jours plus tôt, l'annonce de l'augmentation des droits de douane sur le Bourbon américain par l'Union Européenne a provoqué la riposte de Donald Trump d'augmenter de 200% les droits de douane sur les vins et spiritueux européens, une mesure qui frappe fortement les filières françaises. «Je comprends l'inquiétude des filières», a déclaré Laurent Saint-Martin. Toutefois, «l'Europe doit se montrer à la hauteur dans ce rapport de force qui nous est imposé», a ajouté le ministre. La phase actuelle : «Nous allons nous demander quels sont les secteurs et les produits américains sur lesquels on peut poser des listes de rétorsion, sans que cela impacte trop nos filières». Laurent Saint-Martin est parti avant la fin des échanges, direction l'Amérique latine. «Le paradoxe est qu'il y a énormément d'opportunités à saisir. Non seulement on ne va pas fermer des usines, mais il y a un regard à porter sur les opportunités de diversification des échanges», a-t-il déclaré.