La crise accélère la digitalisation des petits commerces
Pour éviter les files d'attente ou la saturation des drives de grandes surfaces, le click'n'collect est devenu un réflexe chez beaucoup de consommateurs. Pendant le confinement, nombreux sont les bouchers, boulangers et primeurs de la région qui ont ouvert leur site de commandes en ligne, notamment via les services de Rapidle. Disponible dans tout l'Hexagone, l'application enregistre son plus grand nombre d'adhésions en Hauts-de-France.
La peur de sortir de chez soi trop longtemps et à proximité de trop de monde, ajoutée à la saturation des drives de grandes surfaces, a forcé les consommateurs à revenir chez leur boulanger, boucher et primeur de quartier. Une tendance qui fait du bien aux petits commerces, mais qui force leurs propriétaires à s’adapter.
C’est le cas de Thierry Payen, boucher à Saint-Quentin : « Nous notions une baisse d’activité ces derniers temps. Pour nous, la crise, mais surtout la digitalisation de notre boutique, a permis de relancer notre activité. Nous avons même dû revoir nos horaires d’ouverture pour nous consacrer à la préparation de commandes… Travailler jusqu’à des 3 heures du matin, ce n’était plus possible. »
Car les services de livraison attirent les Français paralysés par la crainte d’une contagion dans les lieux publics. « Le recours à la livraison a été multiplié par neuf. Certains commerçants ferment boutique des demi-journées entières pour livrer leurs clients eux-mêmes, chose qu’ils ne faisaient pas avant », indique Steeve Broutin, cofondateur de Rapidle.
Livraisons ou coupe-files
Notamment utilisée par Thierry Payen, l’application Rapidle référence les commerçants de proximité pratiquant la commande en ligne. En adhérant au site, le commerçant bénéficie également d’un coaching personnalisé sur la digitalisation de son activité. C’est ce qui a séduit Baptiste Martinage, primeur, lui aussi à Saint-Quentin : « La digitalisation s’est imposée comme un besoin pendant la crise. Nous avons commencé par proposer de passer commande via une discussion Messenger, sur Facebook. Mais avoir recours à une vraie plate-forme marchande et bénéficier d’un accompagnement a ses avantages. »
Une explosion des chiffres
Le primeur ne peut pas encore estimer l’impact du service sur ses affaires. Et pour cause : sa page Internet n’est ouverte que depuis quelques jours. Mais en 48 heures, il avait déjà enregistré 30 clients supplémentaires, un début qui s’annonce prometteur. « En règle générale, les chiffres s’envolent, s’enthousiasme le cofondateur de Rapidle. À notre échelle, nous enregistrons des augmentations d’adhésions qui atteignent les 1 500%. Je n’aurais jamais pu l’imaginer, même dans mes plus beaux rêves. Côté commerçants, la part du chiffre d’affaires effectué grâce aux commandes peut passer de 10 à 70% chez certains. »
En témoignent les résultats de la boulangerie-traiteur Auguste & Ferdinand, à Lambersart. Bien qu’inscrite sur Rapidle depuis février dernier, son nombre de commandes en ligne a explosé depuis l’annonce du confinement. En trois mois, plus de 900 clients supplémentaires ont eu recours à son site marchand. « Nous ne sommes que prestataires de services. À l’inverse d’autres plates-formes de commandes en ligne, nous ne possédons pas les sites Internet de nos adhérents ni leur base clients. Nous les rendons simplement plus visibles », juge bon de préciser Steeve Broutin.
Un tel succès pour une boulangerie reste cependant surprenant en cette période. « Les boulangers sont nos clients historiques car, dès nos débuts en 2016, le consommateur utilisait Rapidle pour commander son sandwich et récupérer sa commande grâce à un coupe-file pendant la pause déjeuner. Aujourd’hui, c’est différent : les gens sont pour beaucoup en télétravail et ne mangent plus à l’extérieur. Ce sont donc les bouchers et les primeurs qui récupèrent une nouvelle clientèle. »
Malgré l’essor du recours à la livraison, le système du drive piéton, ou de coupe-file, fait toujours recette pendant la période de déconfinement : il permet au consommateur de sortir prendre l’air sans prendre le risque de faire la queue sur les trottoirs. Mais c’est alors une toute nouvelle organisation pour le commerçant, comme en témoigne Baptiste Payen : « Nous devons apprendre à gérer notre temps, à vérifier les stocks, à communiquer sur Internet… C’est assez fatiguant. »
Une cible vieillissante
Même si le boucher voit une clientèle plus jeune franchir le pas de sa boutique, les consommateurs les plus réceptifs à la tendance ne sont visiblement pas les plus initiés aux nouvelles technologies. « Aussi étonnant que cela puisse paraître, depuis la crise on s’aperçoit que la grande majorité des nouveaux consommateurs a plus de 55 ans », indique Steeve Broutin. Chez Auguste & Ferdinand, les plus de 50 ans représenteraient même 73% de la clientèle sur Internet. Cependant, les commerçants de proximité espèrent que la commande en ligne ne devienne pas trop systématique. « Le contact humain, le vrai, me manque », avoue Baptiste Payent.