La défiance est de retour, alerte le Médiateur des entreprises
La Médiation des entreprises a dressé le bilan de son activité en 2022. Certains tirent-ils profit de l’inflation ? En tout cas, la défiance grandit entre les entreprises, potentiellement au détriment de toutes, constate cette instance de Bercy.
« Une année particulièrement difficile ». Début mars, lors d’une conférence de presse en ligne, Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises, dressait le bilan de son activité en 2022. Dépendante de Bercy, cette instance aide les entreprises à régler leurs différents à l’amiable et met en place des dispositifs destinés à élaborer un climat de confiance au sein d’écosystèmes économiques (secteur du BTP, par exemple). Or, c’est un retour à la « défiance » que constate Pierre Pelouzet. Dans le contexte inflationniste, concernant les industriels du BTP ou les fournisseurs d’énergie, par exemple, « nous avons beaucoup entendu : ce sont des profiteurs de la crise, des voleurs… Ce leitmotiv crée de la défiance », constate le Médiateur.
Le contexte est loin d’être simple. Dans les faits, l’ampleur du phénomène des sur-marges serait tel que la BCE, Banque centrale européenne, s’en préoccupe. Lors d’une réunion interne de l’institution, début mars, une présentation a montré que les marges bénéficiaires des entreprises avaient augmenté plutôt que de diminué dans la crise, d’après l’agence Reuters. Pour Pierre Pelouzet, il est « très compliqué » de mesurer l’ampleur du phénomène. « J’ai aussi vu des entrepreneurs qui ont diminué leur taux de marge pour pouvoir continuer à vendre », poursuit-il. Par ailleurs, et c’est le principe même de son action, pour la Médiation des entreprises, le dialogue demeure la seule issue possible à la crise. La viabilité d’une entreprise n’est possible que dans un écosystème vivant…
Originellement, l’action de la Médiation était plutôt concentrée sur les cas impliquant deux entreprises. Aujourd’hui, elle développe plusieurs types de démarches thématiques ou structurantes. Ainsi, elle a mis sur pied un comité de crise sur l’énergie réunissant les principaux fournisseurs et les organisations interprofessionnelles, dans le cadre du Plan de résilience.
BTP et cosmétique
Par filière, plusieurs démarches sont en cours, accordant leurs membres sur la base de principes communs. « Notre rôle consiste à mettre en place les conditions d’un dialogue de confiance », synthétise Pierre Pelouzet. Dans le bâtiment, depuis 2021, une déclaration commune d’engagement sur les bonnes pratiques contractuelles et commerciales a été signée par plusieurs acteurs du secteur. Outil majeur de transparence, et donc de confiance, un dispositif d’analyse des coûts de production des matériaux de construction sera publié par l’Insee à partir d’avril prochain. Autre secteurs dans lesquels est intervenue la Médiation, la grande distribution, le nucléaire, l’aéronautique et la cosmétique.
En 2022, l’instance a aussi développé une autre logique avec le chantier des Jeux Olympiques Paris 2024. Les parties prenantes se sont accordées sur une charte, sous la houlette de la Médiation. « Pour l’instant, nous avons eu assez peu de saisines. La mise en place du dispositif a donné un signal positif. Cet espace de dialogue remet de la confiance. Mais nous savons que les tensions sont devant nous », estime Pierre Pelouzet.
Cette année, la Médiation dresse un bilan positif d’une autre de ses activités, la promotion des achats responsables, via la charte et le label RFAR, Relations fournisseurs et achats responsables. « En 2020, avec la crise, nous avons constaté que les difficultés avaient sensibilisé les acteurs économiques à la nécessité de changer. Aujourd’hui, nous voyons que les entreprises ont de plus en plus d’appétence pour nos outils. Pour le label, pourtant très contraignant, des candidatures arrivent au quotidien », témoigne Pierre Pelouzet. Le nombre de signataires du label a connu 30% de croissance en 2022, pour atteindre 78 labellisés.
Mais à rebours de ces signaux encourageants, celui donné par l’activité de la Médiation en 2022 est inquiétant : elle a été sollicitée plus de 3 600 fois, davantage que le niveau d’avant crise. Et au-delà des chiffres, c’est la chronologie qui préoccupe. Après une stabilisation du nombre de dossiers au début de l’année, le second semestre a été marqué par un fort rebond. « La tension revient », prévient Pierre Pelouzet.
« Ce n’est pas le moment de payer en retard »
En matière de délais de paiement, la Médiation des entreprises constate un retour des tensions particulièrement au deuxième semestre 2022, alors que la situation s’était améliorée l’année précédente. « Ce n’est pas du tout le moment de payer en retard. C’est précisément maintenant que le besoin de trésorerie se fait sentir, en particulier pour les plus petites entreprises . Il serait souhaitable que les grandes entreprises fassent un effort particulier pour aider les PME à passer le cap », plaide le Médiateur.