La FFB Oise s'allie à la colère du BTP national
Intervenu sur de nombreuses chaînes d'information nationale, Olivier Salleron, président de la Fédération française du Bâtiment (FFB), monte au créneau après quelques années d'alerte sur la situation du secteur, qui connaît une crise sévère. La FFB Oise se joint à cette prise de position, cette fédération départementale qui n'a eu de cesse d'alerter sur la situation depuis 2020.
« C'est une catastrophe et
c'est cataclysmique au niveau de l'économie française ».
Olivier Salleron ne cesse de le répéter. Si la crise du Covid-19 -
avec la pénurie puis la hausse des matière-, la guerre en Ukraine
puis l'inflation de l'énergie ont ébranlé le secteur du Bâtiment,
la crise profonde du logement est en train de l'anéantir.
Dans ce contexte de crise, la
Fédération française du Bâtiment de l'Oise (présidée par Loïc
Lelu) et les SCOP BTP Hauts-de-France (présidée par Philippe
Millon) s'associent à cette colère. « Nous représentons un
pilier essentiel de l'économie française avec nos activités de
proximité, et pourtant le gouvernement ne nous entend pas. Le
Bâtiment, avec la bienveillance et la résilience que l'on lui
connaît, n'accepte plus ce mépris permanent qui le fait passer,
aujourd'hui pour un secteur sans grand intérêt, en tout cas, pour
nos gouvernants.Alors que le nombre de constructions ne cesse de se
réduire, le constat est que nos concitoyens ne peuvent plus se
loger », notent ces acteurs locaux.
La crise est si profonde que la FFB
prévoit la perte de 90 000 emplois en 2024 et, à partir de la mi
2025, 300 000 pour l'univers du logement. En France, déjà 8 000
emplois ont été détruits dans le BTP, en 2023. Une situation que
vit le département de l'Oise : selon la FFB Oise, les
défaillances d'entreprises augmentent et tant qu'autres entreprises
sont en difficulté depuis l'année dernière.
La crise du logement neuf
« Il
est temps de mettre tous les moyens pour relancer, partout en France,
la construction et dynamiser la rénovation de logements,
appelle, dans un communiqué, le collectif L'Alliance pour le
logement. Il est temps de soutenir l'accession la propriété
pour un vrai parcours résidentiel des Français et l'investissement
locatif de longue durée. » Effectivement,
la crise du logement neuf – qui représente environ 27 % de
l’activité – est particulièrement violente depuis le début
d’année 2023. Avec 286 000 mises en chantier attendues sur
l’année, le marché retombe à proximité de ses plus bas
historiques de 1992-1993 (275 000 unités). Cela correspond à une
chute de 22 % en an, qui s’accompagne, de plus, d’un effondrement
de 24 % du nombre de permis de construire.
Déjà, le 14 septembre 2023, à Paris,
la FPI, Fédération des promoteurs immobiliers, dévoilait les
résultats de la profession et du logement neuf sur le deuxième
trimestre de 2023. Les chiffres sont sans appel, qui signalent une
forte baisse de l'activité. « Nous sommes confrontés à une
crise de l'offre et à une crise de la demande », résumait
Pascal Boulanger, président de la FPI. Au deuxième trimestre 2023,
les ventes ont diminué de 30,2%, une décélération de la baisse du
premier trimestre (-34,6%). Pire, la chute des mises en vente a
brutalement accéléré : - 37,9% au deuxième trimestre , après
-24,8% au premier. Dans les Hauts-de-France, en 2023, une baisse
de 57% de ventes de maisons individuelles est enregistrées.
De fait, au niveau de l'activité de la
promotion immobilière, c'est l'ensemble des paramètres qui
présentent des évolutions négatives, dévoilait la FPI. À
commencer par celui des permis de construire accordés. « Les
maires en délivrent de moins en moins », expliquait Didier
Bellier-Ganière. Au total, 96 600 autorisations ont été délivrées
d’avril à juin 2023, soit une baisse de 25,6% par rapport à la
même période de l'année précédente.
Effets arborescents
Pour bien comprendre, « la
catastrophe», que vit filière du BTP, est ramifiée à de nombreux
secteurs de cette grande « filière du logement ». Par
exemple, la crise de construction de logements neuf rattrape
l'industrie des carrière : l'activité
des professionnels de l'extraction de granulats et pierre et de la
fabrication de béton prêt à l'emploi chute brutalement.
En décembre 2023, l'Union nationale des industries de
carrières et des matériaux de construction (ce syndicat
professionnel regroupe 2 400 entreprises qui emploient plus de 31 000
salariés et réalisent un chiffre d'affaires de 8,3 milliards
d'euros) dévoilait les résultats de son activité en 2023 et les
prévisions pour l'année à venir. En 2020, l’activité avait
diminué de 7%, pour augmenter en 2021 de 9% et baisser de 3,1% en
2022. En 2023, la chute de l'activité enregistrée en
octobre est de 8,4%. Autre chiffre inquiétant, le niveau de
production de granulats est tombé à 321 millions de tonnes (en
baisse de 7,5% par rapport à l'an dernier), des niveaux jamais
atteints depuis les années 1985-1986. D'autres secteurs liés au
logement sont concerné.
Limitation des rénovations
Dans une société en transition
énergétique, la FFB de l'Oise et les SCOP BTP Hauts-de-France
dénonce une accumulation. « Un pays où l'on empile les
normes et les réglementations qui paralysent l'acte de construire au
point même de renoncer à en comprendre les tenants et les
aboutissants », notent-ils. Néanmoins,
l'amélioration-entretien, qui pèse pour 54% de
l’activité, s’agit du seul segment en réelle croissance, de
près de 3% en volume, notamment grâce à la rénovation
énergétique. Mais là aussi, aucun espoir ne naît chez ces
professionnels.
Exemple phare, le
dispositif MaPrimeRénov, destiné
à booster les travaux de rénovation énergétique dans les
logements, semble inopérant pour les professionnels du BTP. Désireux
d'éliminer le plus possible de «
passoires
thermiques
»
(logements classés en F ou G), le gouvernement s'est fixé un
objectif de 200 000 rénovations de ce type, en 2024. Pour ce faire,
le taux de financement de ces démarches a été revu à la hausse,
en particulier pour les ménages les plus modestes. Mais dans le
détail, ce n'est pas aussi simple : le budget total des travaux
à réaliser pour obtenir l'aide serait trop élevé. De plus, «
MaPrimeRéno est pénalisante pour les manages,
car elle les oblige à changer leur chaudière en même temps qu’un
autre geste (isolation, changement de fenêtres par exemple) pour
avoir la prime »,
avait rappelé Olivier Salleron. Les « mono-gestes », les petits travaux, quant à eux, comme le
remplacement de ses fenêtres, moins efficaces en terme de
performance énergétique que les projets globaux, ne sont plus
éligibles au dispositif d'aide.
De
même, Mon Accompagnateur Rénov’ créé par l’État, n'est pas à
la hauteur des attentes. « Une
bonne initiative,
constate le président de la FFB. Mais
le dispositif n’est pas prêt. Il devrait être en place au 1er
janvier 2024… Mais ils ne sont que 300 Mon Accompagnateur contre
2 500 initialement prévus. Cela va freiner la rénovation.
Encore une fausse-bonne idée au niveau du délai d’application. On
est pour mais personne n’est prêt ».
Une
crise qui prend tellement d'ampleur que la FFB appelle le
gouvernement à l'écouter. « La
solution se trouve dans l'écoute de ceux qui savent, pas seulement
de ceux qui se persuadent de savoir. Écoutez-nous, concilions-nous
et renversons ensemble la tendance pour que tous, nous soyons fiers
de la France que nous méritons »,
appelle aussi les acteurs locaux.
Désormais, l'inquiétude et la colère ont laissé la place au désarroi, et les grues pourraient bien, à force, remplacer les tracteurs. « Ce geste simple devrait permettre d’entrevoir une sortie de crise, déclarent encore la FFB Oise et les SCOP BTP Hauts-de-France. À moins qu'il ne faille en passer par une solution plus radicale identique à celle que nous venons de subir ces dernières semaines. »