La FNSEA avance ses propositions pour une agriculture viable
La FNSEA formule des vœux pour une année « combative », et 30 propositions, notamment destinées à réguler la concurrence, permettre aux agriculteurs de vivre de leur activité, en mode durable.
Une année 2022 « combative » et 30 propositions … pour répondre aux enjeux fondamentaux de l'agriculture en France. Le 11 janvier, à l'occasion d'une conférence de presse de présentation des vœux, Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, a dressé un panorama de la situation actuelle de l'agriculture en France, dont découle ses propositions « pour un projet présidentiel ambitieux ». Le tableau esquissé n'est pas sans ombres : après deux années difficiles, « la chaîne alimentaire tient bon, car ses acteurs se décarcassent », constate Christiane Lambert. Toutefois, poursuit-elle, « l'agriculture française a régressé. (…) Nous avons perdu en compétitivité, et cela s'est traduit par une délocalisation des productions », mis à part pour les céréales et le vin. Le constat est posé par plusieurs rapports officiels, dont celui parlementaire « Autonomie alimentaire de la France et de ses territoires » (décembre 2021). Et les tendances actuelles pourrait le compliquer davantage. En particulier, qu'il s'agisse de l'énergie, du carton ou des engrais, « les cours flambent, et les prévisionnistes s'attendent à ce que cela continue », pointe Christiane Lambert.
Attention à l'Europe
Dans ce contexte, les propositions de la FNSEA couvrent divers domaines, parmi lesquels les orientations de l'Union Européenne, qui devrait « créer les conditions d'une croissance agricole durable en Europe ». « Une croissance durable et rentable : c'est l'option que nous portons au niveau européen », avance Christiane Lambert. Car le principal syndicat agricole redoute plusieurs biais, et en particulier des objectifs environnementaux trop contraignants, notamment liés au « Green deal » européen. Partant, au niveau européen, c'est la sempiternelle question de la concurrence, intra et extra UE, qui préoccupe. À ce titre, la FNSEA préconise d'imposer au niveau européen des « mesures miroirs » à l'ensemble des produits agricoles importés. Et aussi, d'accélérer l'harmonisation européenne des règles sociales et environnementales. Lees pratiques nationales sont donc également pointées : concernant les directives européennes, « souvent, la France fait de la surtransposition, elle se met un boulet au pied », estime Christiane Lambert. Exemple : le « plan pollinisateurs », en 2020. La FNSEA avait dénoncé « l'instauration d'un processus franco-français d’évaluation des produits phytosanitaires, en anticipation par rapport au cadre européen, (qui) met les agriculteurs français en situation de distorsion de concurrence pour la protection de leurs cultures ». Parmi les autres enjeux – nationaux – identifiés par la fédération, figure la nécessité d'une « véritable loi sur le foncier », argumente Henri Bies-Péré, vice-président de la FNSEA. Transmission des entreprises, statut du fermage, portage du foncier...Autant de thèmes qui devraient être traités, car le moment est stratégique. La relève s'approche, avec la moité environ des agriculteurs qui devraient quitter leur exploitation dans les dix ans, d'après la FNSEA.
Résoudre l'équation précarité alimentaire et revenu décent des agriculteurs
Autre enjeu prioritaire qu'adresse la FNSEA dans ses propositions : celui de la rémunération des professionnels. Elle plaide par exemple, pour un développement fort d'une assurance sur les récoltes, en cas d'incident climatique. Le dispositif devrait garantir aux agriculteurs concernés de supporter économiquement ces événements. Gel, sécheresses, inondations... les agriculteurs ont subi de nombreux incidents climatiques en 2021, et avec les inondations dans le Sud, 2022 n'a pas débuté sous de meilleurs auspices…
Mais un autre type d'aléas pèse lourd sur le revenu des agriculteurs : le fonctionnement de la chaîne économique et les négociations avec la grande-distribution. Pour la FNSEA, la qualité de la mise en application des lois Egalim 1 et 2 constitue donc un enjeu crucial. « Les négociations sont difficiles », pointe Christiane Lambert. Les 29 centimes auxquels le distributeur Leclerc propose ses baguettes de pain, ne passent pas : « C'est insultant », commente la présidente de la FNSEA. Dans cette équation entre revenu des agriculteurs et prix de vente des produits, pèse aussi l'enjeu du pouvoir d'achat des Français, et pour les plus démunis d'entre eux, la précarité alimentaire. Mais pour la fédération, pour résoudre ce problème, « il faut engager une vraie politique, voir comment accompagner et soutenir les populations qui sont dans cette situation, et non compter sur la baisse des prix des produits alimentaires », plaide Christiane Lambert. Pour la présidente de la FNSEA, avec l'option des prix bas, « c'est encore la grande distribution qui tire bénéfice de la situation ».
S'adapter au climat
Autre enjeu fort des propositions de la FNSEA : le soutien de l'agriculture dans sa transformation face aux enjeux climatiques. C'est la « mère de toutes les batailles », souligne Henri Bies-Péré. Celle-ci avait d'ailleurs fait de ce sujet l'objet de son rapport d'orientation, en 2020. En effet, « l'agriculture subit le climat, elle est le premier témoin de ces changements », rappelle Henri Bies-Péré. Face aux projections du GIEC sur l'évolution du climat et aux constats de l'ONU, qui estime que 800 millions de personnes sont touchées par la faim dans le monde, (10% de la population) suite à la pandémie, l'objectif consiste à être en mesure de répondre au double enjeu de nourrir la planète et de rendre les chaînes agricoles résilientes face aux phénomènes climatiques. Parmi les pistes proposées par la FNSEA : accélérer la transition bas carbone de l'agriculture, accompagner les professionnels dans leur cheminement vers des pratiques agro-écologiques, sur le plan des conseils et de l'investissement... Autre proposition : « faire de l'agriculture le premier fournisseur d'énergies renouvelables d'ici 2030 (…) ; l'agriculture peut apporter des solutions », explique Henri Bies-Péré. Pour ce, la FNSEA propose de détaxer les biocarburants produits en France. Et aussi, les entreprises françaises pourraient être incitées à relocaliser leur compensation carbone dans l'agriculture française.
Buzz culinaire
Réagissant aux polémiques déclenchées par l'amour proclamé de Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, et candidat à l’élection présidentielle, pour le vin, la viande et les fromages, Christiane Lambert a rappelé que s'ils sont très actifs « côté buzz », les végans (qui ne consomment ni viande, ni produits dérivés de l'animal) ne sont que 150 000 en France. Et que la plupart des Français n'entendent pas renoncer aux plaisirs carnivores.