La Picardie dans la nouvelle politique de la ville
Le redécoupage des régions a éclipsé la nouvelle carte de la politique de la ville, élément essentiel pour soutenir nos territoires. Choc de simplification oblige, elle va être rendue moins complexe dès janvier prochain, sous la houlette du nouveau ministre de la Ville, Patrick Kanner.
Avoir une politique de la ville efficace, c’est l’objectif affiché d’une ambitieuse réforme annoncée le 17 juin par Najat Vallaud-Belkacem, ministre de la Ville d’alors durant un déplacement dans l’Oise pour l’ouverture des Journées nationales d’échanges de la rénovation urbaine (Jeru). Lors de sa visite, la ministre, qui a grandi à Abbeville et fait ses études de droit à Amiens, s’était d’ailleurs déplacée dans les quartiers des Martinets à Montataire et du Moulin à Creil ainsi que dans sa mission locale avant de terminer par la sous-préfecture de Senlis. Après le remaniement gouvernemental du 26 août, Najat Vallaud-Belkacem a été remplacée au ministère de la Ville par le président du conseil général du Nord et proche de Martine Aubry, Patrick Kanner. Le but de la réforme reste cependant le même, à savoir éviter les saupoudrages, doublons et manques de visibilité qui entraînent depuis de nombreuses années l’inefficacité des programmes d’aide, tout en faisant de la politique de la ville une jungle complexe.
La jungle de la politique de la ville nationale
Ainsi, les CUCS (Contrats urbains de cohésion sociale) rassemblant 2 500 quartiers dans 900 communes dans la précédente carte, mais aussi les 751 ZUS (Zones urbaines sensibles), les 416 ZRU (Zones de redynamisation urbaine) et les 100 ZFU (Zones franches urbaines) seront remplacés à compter de janvier 2015 par une appellation unique : “les quartiers prioritaires de la ville”.
Ce sont ainsi 1 300 quartiers prioritaires qui ont été présentés dans le cadre de cette réforme, parmi eux 100 communes bénéficieront pour la première fois des aides de la politique de la ville. Un nouveau programme national de renouvellement urbain doté de cinq milliards d’euros de subventions nationales est ainsi mis sur pied. Celui-ci vient s’ajouter à un premier programme de douze milliards d’euros de subventions entamé en 2003 qui a concerné 500 quartiers.
Cette politique souhaite les revaloriser et réduire les inégalités sociales. Pour cela, les collectivités territoriales vont s’associer avec des partenaires comme les bailleurs sociaux, les milieux économiques ou les associations, mais en gagnant en efficacité avec cette appellation simplifiée de “quartiers prioritaires”.
Qui sont ces quartiers ?
La nouvelle politique de la ville va concentrer ses efforts sur des territoires spécifiques. Ceux-ci seront sélectionnés sur un seul critère : le revenu des habitants. Ainsi, on devra retrouver dans ces quartiers choisis plus de la moitié de la population gagnant moins de 60% du revenu médian.
Selon Najat Vallaud-Belkacem, lors de son discours du 17 juin, le choix de ce critère « est une question d’égalité républicaine et c’est la meilleure façon de démontrer que la politique de la ville s’adresse à tous les territoires objectivement en difficulté ». À noter que d’ici l’application de la réforme en janvier 2015, un intense dialogue sera mis en place par les pouvoirs publics avec les préfets et les élus locaux pour mieux fixer les contours de ces territoire-cibles. Cette concertation doit permettre de recouper réalité statistique dans la région avec le vécu des picards.
Avec ce critère unique de la pauvreté des habitants, 700 communes ont été retenues (elles étaient près de 900 sur la dernière carte) et 1 300 quartiers (contre 2 500 lors du précédent programme). Fait notable, on retrouve dans cette liste 100 nouvelles villes et 200 nouveaux quartiers fréquemment situés dans des communes rurales. Cette donnée révèle que la pauvreté, souvent réduite à la périphérie des grandes villes, touche également d’autres territoires comme ces communes rurales. Sur les 1 300 quartiers du dispositif, on en retrouve 23 en Picardie, parmi lesquels, six nouveaux quartiers font leur entrée. Il s’agit de la Fère et Villers-Cotterêts pour l’Aisne, Pont-Sainte-Maxence, Clermont, Liancourt et Crépy-en-Valois, dans l’Oise. Cependant, le découpage exact des zones doit encore être discuté d’ici l’application de la réforme en janvier 2015, sonnant le glas des ZUS et autre ZRU, et, espérons-le, celle des inégalités.
Les nouveaux quartiers prioritaires, un dispositif « flou » ?
C’est en tout cas ce qu’affirme Franck Briffaut, maire (FN) de Villers-Cotterêts depuis l’année dernière, qui a appris dans la presse le classement d’une petite zone de sa commune de 10 000 habitants parmi les quartiers prioritaires. Une première dans la municipalité qui laisse son maire perplexe. « Il s’agit d’un quartier de quelques immeubles au cœur de Villers-Cotterêts défini de façon assez arbitraire : on traverse la rue qui délimite la zone et on retrouve les mêmes problématiques », souligne l’élu, qui souhaite malgré tout « jouer le jeu ». Problème : comment trouver un tissu associatif se concentrant uniquement sur le quartier désigné, dans une ville de petite taille comme Villers-Cotterêts ? D’autant qu’à la mairie, « on ne veut pas mettre en avant un quartier en particulier », souligne Franck Briffaut, qui aspire plutôt à un traitement égalitaire pour toute la commune. La réforme, « qui ne s’appuie pas sur une évaluation des précédents plans de politique de la Ville », regrette l’élu, risque donc d’être difficile à mettre en place dans cette commune de l’Aisne nouvellement inscrite à la politique de la Ville.
Mieux penser la politique de la Ville avec l’Espace picard pour l’intégration
Association créée en 1998, l’Espace picard pour l’intégration est devenu un Centre de ressources politique de la ville (CRPV) depuis les années 2000. Basé à Amiens, il a une mission vaste, comme l’explique sa directrice Esther Garcia : « Information, production de connaissances, qualification et animation des réseaux, auprès de tous les acteurs œuvrant dans le champ de la politique de la ville : associations, services de l’État, collectivités territoriales, élus, bailleurs sociaux, chercheurs, habitants…». Plateforme d’échanges et lieu de réflexion comptant trois salariés, l’EPI connaît bien les particularités de la Picardie dont près de 7% de la population résidait en ZUS (Zone urbaine sensible), soit 130 000 habitants, en 2006. Comme l’explique Esther Garcia : « Les ZUS picardes sont plus peuplées (hors ZUS d’Île-de-France), la population y est plus jeune, le taux de demandeurs d’emploi de moins de 25 ans y est plus élevé, le niveau de formation y est inférieur, et le revenu fiscal moyen par unité de consommation est plus faible ». Des particularités qu’il faudra prendre en compte dans le nouveau cadre des quartiers prioritaires, même si la directrice de l’EPI déplore « le manque de temps et surtout de moyens économiques et humains, c’est-à-dire, d’ingénierie des équipes-projet au sein des collectivités territoriales mais aussi des services déconcentrés de l’État » pour une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2015. Cependant, comme le rajoute Esther Garcia « nous continuons à mettre en place et à développer nos missions de centre de ressources ».