L’avenir des communes rurales au coeur du débat
“Comment préserver l’attractivité des communes rurales face aux nouvelles politiques territoriales ?” Une question cruciale pour les élus locaux, au cœur du débat organisé à l’occasion du Congrès des maires de la Somme qui s’est déroulé le 8 mars dernier à Mégacité Amiens. La tâche n’est assurément pas facile, mais il faut s’y atteler, c’est en substance le message qui a été livré aux maires du département.
S’il faut préserver l’attractivité des communes rurales, c’est qu’elle existe mais qu’elle est attaquée et menacée. C’est autour de ce postulat de départ que s’est structuré le débat durant lequel les élus ont été unanimes : les leviers de gouvernance sont là mais le chantier n’est pas simple, notamment en raison de la complexification des textes de loi. « Depuis quelques temps, les maires des communes rurales ont un sentiment d’abandon de l’État au niveau national, a tenu à rappeler le président de l’AMF 80 Jean-Claude Billot. Notre ressenti, c’est que les textes de loi sont pensés pour les grandes villes et ne sont pas favorables au monde rural. » Principale coupable selon Jean-Claude Billot : la loi NOTRe – qu’il souhaiterait voir révisée – qui a démuni les communes au profit des intercommunalités. Le président reconnaît volontiers que le regroupement de compétences est logique quand les communes ne peuvent exercer seules ces compétences, mais que certains transferts ont desservi les communes : « Nous les maires sommes un peu fautifs de cette situation : nous n’avons pas su à un moment faire l’aménagement du territoire comme il le fallait en concentrant les activités sur les pôles. Nous aurions dû pour une meilleure répartition de l’emploi, de l’activité et de l’habitat aménager le territoire de façon éclatée. Il faut nous redonner notre pouvoir, les mariages forcés finissent rarement bien… » Xavier Bertrand le concède lui aussi : « On a été loin dans les intercommunalités, en recréant parfois une autre forme de technostructure. Il faut laisser de la respiration aux communes. » La préfète de la Somme Muriel Nguyen a tenu à rassurer les élus : « L’État est à vos côtés et partage nombre de vos préoccupations. Il faut dans la Somme soutenir la cohésion sociale, territoriale, c’est une priorité pour l’État. Je crois que la réalité et les vrais problèmes d’attractivité de la Somme nous obligent à innover. L’offre de services doit être garantie mais les modalités d’organisation doivent évoluer. » Dans l’assemblée, le sénateur de la Somme Christian Manable a tenu à réagir : « On fait des constats, mais on n’avance pas tellement de solutions. Je suis co-auteur au Sénat d’un rapport sur les fusions de communes. Je n’ai pas la prétention de dire que c’est la solution miracle mais je pense que ces communes nouvelles sont le moyen de sauver la ruralité : parce que l’union fait la force et que ces regroupements permettent de mutualiser les moyens matériels et humains. C’est aussi ce qui permet de mettre en place des services de proximité qu’une commune rurale seule ne pourra jamais faire, et c’est le gage du maintien de l’attractivité. »
RÉINSÉRER LES SERVICES PUBLICS
L’autre point qui cristallise les crispations : les communications. Selon une étude commanditée par l’AMF 80 en 2017, 325 communes du département ont des difficultés à avoir de la téléphonie mobile. Et pour Jean-Claude Billot, les communes rurales ne sont pas entendues parce qu’elles sont moins peuplées. Pour remédier à cette situation, il faut selon lui réinsérer les services publics dans les petites villes : « On a certes mis en place dix Maisons de services au public dans la Somme, mais en ne résolvant pas le problème de la mobilité ». Il a appelé ses collègues à anticiper pour que continuent à vivre les communes rurales, et à travailler ensemble pour définir les services publics de demain. Services publics que Xavier Bertrand entend bien lui aussi maintenir : « En milieu rural, j’ai pris notamment l’engagement de ne fermer aucun lycée. À force de retirer des services publics là où on en a la compétence, il ne faudra pas s’étonner qu’un jour cela finisse très mal. »
UN COMBAT À MENER
Maire depuis 30 ans, vice-présidente de l’AMF et rapporteur de la commission des Communes et territoires ruraux, Rachel Paillard partage l’analyse de Jean-Claude Billot : « Avec la loi NOTRe et la baisse des dotations, une rupture s’est produite, avec un discours ambiant laissant entendre que les élus des communes rurales avaient peut-être trop dépensé. On n’a pas mesuré le travail abattu durant des décennies au quotidien, nous avons permis de créer et du lien social, et de le maintenir. » Se battre pour définir ce que les élus veulent en termes de services publics dans les campagnes : c’est la ligne de conduite préconisée par Rachel Paillard, « il ne faut pas baisser les bras pour retrouver l’énergie que l’on avait avant qu’on nous empêche de respirer avec des lois incohérentes ». La solution passe selon elle par une nouvelle décentralisation : « En clair, nous devons construire la France de demain ensemble, sans opposer villes et territoires ruraux, et trouver des réponses aux modes de vie qui évoluent. » C’est également le sentiment du président du Conseil départemental Laurent Somon : « Il n’y a pas de ville sans campagne et inversement. Je suis personnellement optimiste : je me dis que l’attractivité des territoires ruraux n’est pas un combat perdu, mais un combat à mener. L’urgence, c’est de développer les réseaux, donc les infrastructures. Pour redynamiser nos territoires ruraux, il faut ramener dans nos communes des habitants, c’est la première priorité, et il faut pour cela du logement neuf et autoriser les communes à construire. Nous devons effectivement travailler ensemble pour trouver de nouvelles mutualisations. »