Le commerce équitable, modèle résilient et inspirant ?
Avec deux milliards d'euros de chiffre d'affaires en France, le commerce équitable reste une niche, malgré sa forte croissance. Mais il constitue une réponse adéquate aux nombreuses crises actuelles, d'après Commerce Équitable France.
Un modèle vertueux pour l'avenir ? En tout cas, ce marché de niche est en pleine forme : + 11%, c'est le taux de croissance pour les produits issus du commerce équitable en France, en 2021, qui atteignent un chiffre d'affaires global de 2 milliards d'euros. À Paris, lors d'une conférence de presse, Commerce équitable France, qui réunit les acteurs du secteur, présentait les résultats de « L'observatoire du commerce équitable 2021 ». Le principe général de cette démarche militante : proposer des produits achetés à un prix qui garantit aux producteurs une juste rémunération, dans une démarche qui inclut aussi des critères environnementaux. En France, l'association réunit quelque 12 000 producteurs agricoles, ainsi qu'une multitude de labels (huit). Parmi eux, des historiques, dont Max Havelaar, (poids lourd qui pèse plus de la moitié du marché en France), et d'autres, dont Fair for Life ou Agri Ethique France.
Aujourd'hui, le secteur se compose de deux filières, l'une historique, internationale (65% des ventes), et l'autre plus récente, française (35%). Toutes deux se sont développées en 2021 : + 12% pour la première, + 9% pour la seconde. Depuis 2004, le marché n'a cessé de croître et ces sept dernières années, sa taille s'est multipliée par quatre. « La croissance qui s'est poursuivie durant la pandémie est le signe d'une transformation qui n'est pas conjoncturelle », explique Julie Stoll, déléguée générale Commerce équitable France. Pour l'essentiel, le marché reste concentré dans le secteur alimentaire (95% du chiffre d'affaires). Le restant se partage entre cosmétiques (50%), textile (17%), fleurs (28%)...
Le juste prix
En 2021, parmi les produits ayant connu les plus fortes évolutions de leur chiffre d'affaires figure le café, déjà en tête des produits les plus vendus. Cette catégorie a crû de 21%, grâce au retour de la restauration collective. Bananes et cacao aussi ont vu leurs ventes augmenter de manière considérable. Par exemple, celles des produits chocolatés ont progressé de 28% entre 2020 et 2021, pour atteindre 249,5 millions d'euros. Mais les parts de marché demeurent modestes. Ainsi, le cacao, l'un des produits équitables les plus populaires, ne représente que 4% du marché total de cette denrée ! En 2021, en termes de lieux de vente, la GMS ( grande et moyenne surface) demeure le principal canal de distribution des produits équitables (54% du chiffre d'affaires, comme en 2020). Les magasins spécialisés bio et équitable connaissent une nette baisse ( 21%, après 26% en 2020). Les autres circuits (restauration, achats internes des entreprises et collectivités...) sont en croissance : ils sont passés de 20% en 2020 à 25% en 2021.
Aujourd'hui, la flambée des prix agricoles qui engendre un risque de famine pour des millions de personnes en Afrique s'ajoute à l'urgence climatique, laquelle impose de décarboner l'alimentation et donc, l'agriculture, rappelle Julie Stoll. Pour elle, « le commerce équitable montre une voie pour répondre à ces enjeux cruciaux (…). Par exemple, la flambée actuelle du prix du blé est due à une augmentation des coûts de production, mais elle tient aussi à la spéculation. Plus du tiers des transactions sont le fait d'acteurs du monde financier, comme des fonds de pension et des assurances », dénonce-t-elle. Un biais qui est évité par le modèle porté par Commerce équitable France, puisque les prix n'y sont pas fixés par le marché, mais basés sur une rémunération adéquate des producteurs.
Bio et équitable, même combat ?
Autre constat, le commerce équitable se transforme. En particulier, il semble de plus en plus associé au bio : depuis 2021, la loi Climat et résilience a inclus dans la définition légale du commerce équitable la valorisation des modes de production respectueux de l'environnement et de la biodiversité. Et cette association entre ces deux démarches est aussi déjà visible sur le marché : 66% des produits issus des filières internationales sont bio, et 57% pour la filière française. Un nouveau label, « bio équitable » a été lancé en 2020. Un an plus tard, il représente déjà 121 millions d'euros de chiffre d'affaires, réalisés par 5 000 fermes paysannes, fédérées en 34 groupements et 46 entreprises de transformation et distribution. « Il existe une forte articulation entre le mode de production bio et le mode de commercialisation équitable (…). Par exemple, c'est celui-ci qui a permis de relancer la production de lentilles bio en France », décrypte Julie Stoll.
En effet, ce type d'agriculture dépend moins d'entrants comme les engrais et s'avère donc moins sensible à l'inflation. Par ailleurs la démarche de transition vers le bio, qui nécessite des moyens financiers et du temps, est facilitée par ce modèle économique qui garantit des revenus à l'agriculteur sur la durée. Et le contexte juridique devrait favoriser la croissance de ce marché : depuis cette année, la loi Egalim 2 impose à la restauration collective publique d'offrir 50% de produits durables ou sous signes d'origine ou de qualité, dont 20% minimum de bio.
Infuser les pratiques de l'économie traditionnelle
Autre évolution, une diversification des produits, dont témoignent une pluralité d'initiatives très différentes, dans leurs produits ou leurs démarche. Par exemple, les maîtres laitiers du Cotentin marient filières Nord et Sud. La coopérative agricole (1 100 producteurs) a développé une gamme de fromages fais, dont un fromage blanc à la vanille. Celle-ci provient de Madagascar, et le lait, de France. Quant à la Maison Bonange (Yvelines), une chocolaterie, elle propose des tablettes originales, avec de la fleur de sel (de l'île de Ré). Autre exemple, celui de Malongo, acteur historique du secteur : il a mis au point un « Cold Brew », à partir de café biologique et équitable, une infusion à froid déclinée en deux versions (nature et gingembre citron). Le commerce équitable ? Pour Jean-Pierre Blanc, directeur général des cafés Malongo, « il s'agit d'une voie qui n'est pas facile, mais qui est possible ».
D'autant que ses principes semblent commencer à influer le reste de l'économie : depuis 2021, l' « initiative Française pour un cacao durable » réunit les acteurs de la filière et l'État. Ses signataires s’engagent à collaborer pour trouver des solutions durables en faveur de la cacaoculture dans les régions productrices. Il s'agit d'améliorer le revenu des producteurs et de mettre fin aux pratiques qui génèrent de la déforestation.