Le Gouvernement apporte des précisions sur le rescrit préfectoral
Depuis la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, les collectivités territoriales peuvent demander au représentant de l’État de prendre une position formelle sur la légalité d’un de leurs projets. Les modalités de ce dispositif de rescrit viennent d’être précisées par le décret n° 2020-634 du 25 mai 2020.
La décentralisation qui s’est opérée en France depuis 1982 ne s’est pas faite sans un droit de regard de l’État sur les actes des collectivités locales. Le contrôle de légalité reste la bête noire de tous les maires. Lorsqu’ils prennent une décision importante, ceux-ci retiennent leur souffle pendant deux mois, de peur de recevoir un courrier du préfet leur demandant de retirer ou d’abroger leur acte. Cette crainte peut aujourd’hui s’estomper grâce au “rescrit préfectoral”. L’article 74 de la loi du 27 décembre 2019 dispose que : « Avant d’adopter un acte susceptible d’être déféré au tribunal administratif, les collectivités territoriales ou leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics peuvent saisir le représentant de l’État chargé de contrôler la légalité de leurs actes d’une demande de prise de position formelle relative à la mise en œuvre d’une disposition législative ou réglementaire régissant l’exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leur exécutif. » En clair, cette nouvelle procédure permet à l’exécutif d’une collectivité territoriale de demander au préfet de prendre formellement position sur la légalité d’un acte.
Procédure : une demande claire et précise
La demande de prise de position formelle est écrite précise, complète et « signée par une personne compétente pour représenter l’auteur de la demande. » Elle comprend le projet d’acte relevant des attributions du demandeur, ainsi que la présentation claire et précise de la ou des questions de droit portant sur l’interprétation d’une disposition législative ou réglementaire directement liée au projet d’acte. Cette demande est assortie d’un exposé des circonstances de fait et de droit fondant le projet d’acte, ainsi que de toute information ou pièce utile de nature à permettre à l’autorité compétente de se prononcer. La demande est transmise au préfet de département par lettre recommandée avec demande d’accusé réception. Si la demande est incomplète, le représentant de l’État invite son auteur à fournir les éléments complémentaires nécessaires dans les formes précitées. La prise de position formelle est transmise au demandeur par tout moyen permettant d’apporter la preuve de sa réception. Le silence gardé par le représentant de l’État pendant trois mois vaut absence de prise de position formelle. Dans le cadre de l’exercice du contrôle de légalité, lors de la transmission de l’acte définitivement adopté au représentant de l’État dans le département, l’auteur de la demande de prise de position formelle joint à l’acte transmis la prise de position formelle.
Intérêt du rescrit
L’intérêt de cette procédure pour une collectivité territoriale est double. D’abord, le rescrit permet de rassurer au préalable l’exécutif sur la légalité de son acte ou de son projet. En effet, le contrôle de légalité classique n’oblige pas le représentant de l’État à répondre à la transmission automatique d’un acte. Les services préfectoraux peuvent simplement ne pas avoir le temps pour contrôler l’acte. En réalité, une réponse est même rare et lorsqu’elle intervient c’est souvent pour demander le retrait ou l’abrogation de l’acte. Dans un tel cas, le silence du représentant de l’État peut donc faire naître un doute sur la légalité de l’acte ou du projet. Ce doute s’estompe avec la demande de rescrit puisque dans ce cas, la demande de prise de décision est bien plus formelle. Ensuite, et surtout, l’article 74 de la loi du 27 décembre 2019 prévoit que : « Si l’acte est conforme à la prise de position formelle, le représentant de l’État ne peut pas, au titre de la question de droit soulevée et sauf changement de circonstances, le déférer au tribunal administratif. »
À noter : Si l’acte est conforme à la prise de position formelle, le préfet ne peut plus engager un recours en annulation. Toutefois un administré le peut toujours. En revanche, dans ce cas, la collectivité concernée pourra produire le rescrit qu’elle a obtenu, devant le Tribunal administratif. Sa défense n’en sera que meilleure.
Nicolas TAQUET, juriste