LE GRAND CHAMBARDEMENT !
La sortie de l’Union européenne continue à diviser profondément le Royaume-Uni et en particulier sa classe politique. Officiellement prévu en mars 2019, le Brexit va être un grand chambardement pour le budget de l’UE, les salariés expatriés, la finance… Le point sur l’avancée du dossier.
Le 23 juin 2016, les Britanniques s’étaient exprimés, lors d’un référendum, à 51,9% en faveur d’une sortie de leur pays de l’Union européenne, le Brexit. Le Premier ministre, Theresa May, activa alors officiellement le processus de séparation, conformément à l’article 50 du traité sur l’UE. Et depuis, de longues et pénibles négociations ont été entamées avec d’un côté David Davis, ministre britannique chargé du Brexit, et de l’autre Michel Barnier, représentant de l’UE, afin d’aboutir à une séparation ordonnée d’ici à mars 2019. Londres a certes accepté de capituler, en décembre 2017, sur le montant de la facture à acquitter pour solder les engagements européens du Royaume-Uni (50 milliards d’euros évoqués), mais des questions importantes restent encore en suspens…
DES NÉGOCIATIONS GLOBALEMENT BIEN AVANCÉES
Selon Michel Barnier, les négociations sont bien avancées et il ne resterait plus que 25% du travail à accomplir, pour se mettre d’accord sur les termes définitifs du Brexit. Il est vrai que l’UE cherche surtout à ne pas renvoyer l’image d’une négociation trop lâche, qui donnerait des idées sécessionnistes à d’autres capitales européennes. On oscille ainsi entre intransigeance de façade et compromis discrets. Parmi les questions pendantes, se trouve celle de la frontière entre l’Irlande du Nord, partie intégrante du Royaume-Uni dont la monnaie est la livre sterling, et la République d’Irlande, membre de l’UE et de la zone euro. Tout l’enjeu semble d’éviter à tout prix le rétablissement d’une «frontière dure» entre Belfast et Dublin, qui risquerait de ranimer plusieurs décennies d’affrontements sanglants dans le Nord. En dehors de ce problème, les palabres sont également nombreuses sur la mise en œuvre d’une période de transition, qui débuterait en mars 2019 et permettrait une sortie en douceur du Royaume-Uni, dans la mesure où il demeurerait membre du Marché unique et de l’Union douanière, jusqu’à la fin de l’année 2020. D’ores et déjà, Londres a montré des signes de bonne volonté en acceptant d’accorder aux citoyens européens les mêmes droits que ceux arrivées avant le Brexit, tout en s’accrochant au contrôle strict de l’immigration, qui fut au demeurant le grand enjeu du référendum sur le Brexit. Il est vrai qu’en retour, la City semble avoir tiré son épingle du jeu, car après avoir craint que le RoyaumeUni ne soit traité comme n’importe quel pays tiers à qui l’UE concéderait une simple équivalence, fragile et révocable, avec la régulation financière européenne, des bruits évoquent à présent une “équivalence améliorée”… Enfin, en ce qui concerne les agences européennes situées au RoyaumeUni, comme l’Autorité bancaire européenne (ABE) et l’Agence européenne du médicament (EMA), la première sera rapatriée aux frais de la Reine, à Paris, et la seconde, aux Pays-Bas.
UNE MAJORITÉ DÉCHIRÉE
Theresa May navigue actuellement pour éviter de tomber de Charybde en Scylla, tant le pays et ses politiques sont profondément divisés sur le Brexit. Ainsi, fin avril, la Chambre des lords a refusé d’accorder au gouvernement les pouvoirs élargis demandés pour amender les lois après le Brexit, travail titanesque de retranscription dans le droit britannique des quelque 19 000 lois et réglementations européennes ! Plus généralement, de nombreux parlementaires font entendre leur opposition à un “hard Brexit”, qui consisterait à couper les ponts avec l’UE en quittant l’Union douanière et le Marché unique après la période de transition. Dans ce cas, en effet, les échanges entre le Royaume-Uni et l’UE seraient régis par les règles a minima de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec pour conséquences des droits de douane prohibitifs sur l’automobile et les produits agricoles exportés vers l’UE.
Enfin, c’est au sein même de son gouvernement que Theresa May doit faire face à des oppositions virulentes, certains ministres souhaitant que le Royaume-Uni demeure au sein de l’Union douanière – ce qui réglerait aussi partiellement le problème de la frontière irlandaise –, tandis que d’autres, à la suite du tonitruant ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, y voient une trahison du résultat des urnes.