LE MINISTRE GÉRALD DARMANIN SE VEUT RASSURANT
Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, a organisé le premier comité de pilotage de suivi au prélèvement à la source dans les locaux d’Isagri, à Beauvais, le lundi 26 mars. Le ministre est venu rassurer les chefs d’entreprise inquiets face à ce grand chambardement fiscal.
Après un report d’un an, et la mise en place du Dossier simplifié nominatif (DNS) l’année dernière, la réforme fiscale relative au pré- lèvement de l’impôt à la source entrera définitivement en vigueur en janvier 2019 et concernera 34 millions de foyers. C’est dans l’Oise à Beauvais, chez Isagri – éditeur de logiciels, notamment de comptabilité -, que Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, s’est livré au désamorçage de colère des dirigeants locaux en présidant le premier comité de pilotage de cette réforme fiscale, dont l’objectif est principalement d’accompagner les patrons. Les locaux d’Isagri n’ont pas été choisis au hasard : c’est l’une des entreprises à tester la mise en place de ce prélèvement en grandeur nature, notamment en intégrant dans ses logiciels de comptabilité les nouveaux paramètres relatifs à cette réforme. « Nous éditions 700 000 bulletins de paye par mois à travers notre solution baptisée Isapaye, a rappelé Pascal Chevalier, directeur général d’Isagri, et dès le mois de février nous avons signé la charte des éditeurs qui est notre premier engagement [ndlr, 131 éditeurs français se sont engagés]. Dès ce mois de juin, nous formerons les équipes pour démarrer, en octobre, la phase de préfiguration. »
L’État en est conscient : si la réforme doit se faire dans les meilleures conditions, c’est grâce à l’aide des éditeurs mais aussi au tissu économique et politique local. Ce premier comité de pilotage en est la concrétisation. « Cette première réunion est le début de beaucoup d’autres, a annoncé le ministre Gérald Darmanin, aux côtés du préfet de l’Oise, elles se feront toutes en province jusqu’à la fin de l’année 2018 pour réunir les élus locaux, les chefs d’entreprises et les éditeurs dans le but de coordonner tous les acteurs et de faire comprendre cette simplification de fiche de paye. Mais si cela est nécessaire, d’autres réunions seront prévues en 2019. »
DES CHEFS D’ENTREPRISE ENCORE INQUIETS
Du côté des dirigeants, l’heure n’est pas encore à la réforme mais plutôt aux interrogations. À neuf mois de la mise en application du prélèvement à la source, les patrons de l’Oise sont encore inquiets et peu organisés. La principale raison ? La complexité des réformes qui s’annoncent. Remplacement du CICE, nouvelle loi sur la protection des données, fusion de l’Agir et de l’Arco sont autant de mesures qui s’ajoutent à ce nouveau dispositif, comme l’a rappelé Pascal Chevalier au ministre : « Nous nous inquiétons sur la complexité pour nous, chefs d’entreprise, à tout gérer d’un seul coup. Comment réduire ce risque ? » D’autres dirigeants de PME s’inquiètent des tensions que peut générer ce prélèvement. « Et si mes salariés comparent leur salaire alors qu’ils ont le même métier ? Comment je gère en interne ? », S’est irrité un dirigeant devant le ministre. Face à toutes ces questions, le ministre de l’Action et des Comptes publics a préféré ne pas attiser les tensions et rassurer : « C’est une mesure qui est attendue par nos concitoyens et cette réforme est une facilité pour les salariés, mais certes un changement pour les entreprises. L’État ne demande pas aux entreprises de devenir collecteur de l’impôt mais l’État restera toujours l’interlocuteur des contribuables. J’ai fait le choix de décaler d’un an la réforme justement car trop de questions subsistaient. Cela nous a permis de réaliser un audit et de résoudre des difficultés techniques qui n’avaient pas été vues. »
Un autre problème persiste, celui du coût. Si le prélèvement à la source est clair, sa mise en application, quant à elle, l’est un peu moins. « Et combien cela va coûter aux entreprises ?, s’est insurgé Sébastien Gariglietti, élu à la chambre de métiers des Hauts-de-France et patron beauvaisien de six boulangeries, Est-ce qu’on va avoir une contrepartie ? Cela va avoir un coût comptable dont personnellement nous ne voulons pas. » Alors que son coût avait fait bondir le patronat, la note de la réforme annoncée est aujourd’hui moins salée : elle devrait se situer « entre 300 et 400 millions d’euros », a confié Gérald Darmanin, contre 1,5 milliard annoncé il y a quelques mois. Pour faire passer davantage la pilule, le ministre a rappelé que les gains seraient, quant à eux, bien plus importants pour les entreprises. L’État est donc prêt. La prochaine étape sera la communication des trois taux de la réforme aux entreprises, et ce dès le mois d’avril, puis une campagne d’information auprès des contribuables. Pour l’heure, le gouvernement n’arrive pas à faire taire l’inquiétude induite par des chiffres incertains et une colère sociale qui grimpe.