Le musée Condé du château de Chantilly, une notoriété internationale

L'année 2023 a été celle de la consolidation au musée Condé de Chantilly. Une certaine vitesse de croisière a été atteinte pour la restauration des tableaux. Les dernières expositions ont connu un succès certain et la fréquentation ne cesse d'accroître, ce qui consolide la place du musée : le deuxième plus important de France après le Louvre. Mathieu Deldicque, directeur du musée Condé depuis deux ans et demi, préserve une collection unique en Europe donné à l'Institut de France par le duc d’Aumale, et innove au quotidien pour transmettre cette richesse historique inestimable... qui rayonne au niveau international.

Mathieu Deldicque, directeur du musée Condé. (c)Eloise Le Névanic
Mathieu Deldicque, directeur du musée Condé. (c)Eloise Le Névanic

La Gazette : Depuis votre arrivée à la direction, avez-vous opéré des changements ?

Mathieu Deldicque: Le monde des musées et du patrimoine aiment plutôt les continuité. Donc quand j'ai pris la direction, c'était une continuité mais avec une inflexion différente. Nous ne sommes pas dans n'importe quel musée à Chantilly, c'est un musée qui est régi par le testament du Duc d'Aumale, qui est le dernier collectionneur et donateur de cette collection à l'Institut de France au 19e siècle. La continuité et la transmission font partie de mon métier, plutôt que le changement. C'est aussi préserver et restaurer l'Histoire, la donner à voir et à comprendre y compris à des publics contemporains.

Que représente ce trésor du musée de Condé ?

Nous sommes face à une sorte de collection unique, même si c'est la deuxième collection après le Louvre mais elle a été réunie par un seul homme donc c'est un musée incroyable, nous ne pourrions plus de nos jours réunir une telle collection. Le Louvre est une collection d'une nation, le musée Condé est la collection d'un homme qui a voulu en faire quelque chose de plus grand que lui, une sorte de conservatoire du grand goût à la française, de la grande tradition de la peinture, de sculpture, de l'architecture, des jardins, de la littérature, de la gastronomie, de l'art équestre. C'est donc un bijou international mais c'est plus qu'une collection, c'est un site. C'est le château, les grandes écuries, c'est un écrin de verdure avec les parcs et le forêt. Donc, ici, c'est un condensé de l'Histoire et de l'art avec une qualité de rang international, avec toutes les spécialités des arts qui sont réunis. C'est une exemplarité offerte dans un seul même lieu et vous ne trouverez cela nulle part ailleurs.

Quelle est votre approche dans la conservation de l'Histoire ?

Mon approche, qui est je pense en adéquation avec l'esprit et l'exigence du château de Chantilly, est de veiller à la préservation de trésors inoubliables de stature internationale mais faire en sorte qu'ils soient accessibles à tout le monde. Nous nous basons sur les recherches scientifiques, académiques mais en ouvrant les portes à tout type de visiteurs. Nous concrétisons ces idées par des actes : ici, le temps s'est arrêté en 1897 mais notre défi au quotidien est de rendre ce musée indémodable, en tirant partie des dispositifs contemporains tels que le numériques et des médiations diverses en s'adressant à tous les publics.

Chaque année, les saisons culturelles sont très riches, quelle est la raison de chacun de vos choix ?

Notre objectif est de montrer que nous sommes face à une boîte aux trésors inépuisables. Pour cela, nous avons choisi "d'événementialiser" cette collection immuable en tirant des réserves des œuvres inestimables, en mettant l'accent sur tel ou tel trésor, en faisant des analyses scientifiques très pointues qui permettent de découvrir des choses que nous ne voyons pas à l’œil nu et qui permettent de reconsidérer totalement une œuvre. Mais aussi en faisant venir des prêt extérieurs, qui viennent parfois de très loin, et s'offrent à la contemplation d'un public régional ou national. Nous varions également les sujets pour attirer un publier divers, que ce soient les artistes ou les siècles. Et nous varions même le approches : parfois nous allons être plus artistiques, plus historiques, plus scientifiques.

Quelle est votre stratégie pour faire venir les visiteurs ?

Nous faisons feu de tout bois. Nous organisons des événements, des grandes expositions, des plus petites, des veillées pour Halloween, nous décorons la galerie pour Noël, nous organisons des spectacles équestres ou les Journées des plantes. Finalement, nous organisons des événements de tout type pour attirer et surtout intéressé tout type de public. Nous avons aussi misé sur la récurrence : à chaque fois que vous venez au musée de Chantilly, vous avez une exposition différente qui vous attend, pour une fidélisation du public. Nous travaillons beaucoup avec les scolaires car ce sont les visiteurs de demain et que nous pouvons peut-être changer la vision qu'ils ont des musées. Enfin, nous organisons des événements d'ampleur internationale, des grandes expositions comme nous en faisons une fois par an avec une scénographie incroyable et des prêts internationaux. Et nous organisons des événements de référence qui font que les gens veulent venir. Mais c'est aussi de grandes restaurations pour faire en sorte que le château soit plus beau à chaque fois que l'on revient. En dix ans, le château de Chantilly a changé de visage grâce à la restauration d'ailes et de pièces et nous nous sommes professionnalisés.

Le Cabinet des livre. (c)Eloise Le Névanic


Des mécènes primordiaux

« Nous avons assez peu de subventions, et qui ne suffisent pas pour entretenir ce patrimoine Nous comptons donc beaucoup sur la générosité. Des particuliers, des entreprises, des grands collectionneurs : nous avons des mécènes de tout niveau. Nous faisons même des campagnes participatives .Comme par exemple, notre dernière campagne, la restauration du manuscrit le plus célèbre au monde, Les Très Riches Heures du duc de Berry, qui va d'ailleurs faire l'objet d'une exposition. Ce principe de mécénat est de faire en sorte que tout le monde puisse s'approprier les trésors de Chantilly, car c'est l'essence même de la création de ce musée et de nos métiers. Le musée n'est pas pour une élite, il est pour tout le monde. »

Le musée Condé en chiffres (2023)

19,2 millions d'euros en recette de fonctionnement (+14%)

522 693 visiteurs

850 tableaux

60 000 livres