Le secteur agroalimentaire en alerte

L’Ania, qui réunit les entreprises de l’agroalimentaire, tire la sonnette d’alarme : le secteur est pris en étau entre l’impact de l’inflation sur ses coûts de production et la pression mise par la grande distribution, lors des négociations.

(c)Adobestock
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« Incertitude », « anxiété », tels sont les termes choisis par Jean-Philippe André, président de l’Ania, Association nationale des industries alimentaires, pour qualifier l’état d’esprit des entreprises du secteur. Elles sont 16 436, dont 98 % de PME. Fin septembre, à Paris, lors d’une conférence de presse, Jean-Philippe André dressait un état des lieux de leur situation. Pour lui, l’impératif posé à cette industrie de répondre aux enjeux de souveraineté alimentaire se heurte à « des barrières qui ne nous semblent pas franchissables ». Le secteur subit de plein fouet l’impact de l’inflation sur ses coûts de production. Et les négociations avec la grande distribution sont loin de lui permettre de les compenser. Pour Jean-Philippe André, la capacité même de produire est aujourd’hui en péril. « Cela devient presque un combat », estime-t-il.

Premier élément donc, le choc inflationniste constitue un véritable « tsunami », d’après l’Ania. Il se fait sentir à tous les niveaux : les matières premières agricoles ont augmenté de 29 % depuis le début de l’année. Le coût des emballages, lui, a crû de 26 % depuis cette date et celui de l’énergie, de 57 %. Résultat, d’après l’Ania, la part de cette dépense dans le chiffre d’affaires des entreprises du secteur est passée en moyenne de 3% en 2020/21 à plus de 5% en 2022. Et plus l’entreprise est petite, plus cette part est importante : 4,71% pour les ETI, 5,09% pour les PME et 7% pour les TPE. Or, « l’inflation alimentaire en France est la plus faible d’Europe », constate Jean-Philippe André. Pour l’ensemble de la zone, elle s’élevait à 14,4% en moyenne, en août dernier, grimpant jusqu’à 15,5% en Allemagne. Pour la France, c’est 8,4 %. « Quelqu’un fait tampon », commente le président de l’Ania. Pour lui, après une phase de « moratoire » durant la pandémie, les relations entre producteurs et grande distribution sont aujourd’hui très tendues. Entamées en mars dernier, les négociations sur les prix sont toujours en cours. « La moitié des entreprises n’ont pas terminé. Et quand on a signé, on n’a pas toujours bien signé », explique Jean-Philippe André.

Le tiers des investissements écologiques remis en cause

D’après l’Ania, les accords conclus jusqu’à présent ne compensent pas les effets de l’inflation chez les industriels. Autre difficulté dans la relation avec les distributeurs, les pénalités logistiques appliquées par ces derniers : une enquête de l’association rapporte qu’ au premier semestre 2022, les ETI se sont vues appliquer des pénalités pour des montants deux fois plus élevés que durant l’année 2020. Cela peut représenter jusqu’à 0,35 % du chiffre d’affaires d’une entreprise. Des comportements « indécents » et « incorrects », souligne Jean-Philippe André. Résultat de la conjonction de ces dynamiques, l’Ania annonce une baisse de 14% du taux de marge de ses entreprises entre 2021 et 2022, qui a atteint son taux le plus bas depuis 2012. « La situation est inextricable. Pour passer le cap des prochains mois, nous allons être obligés de réaliser des arbitrages. Par exemple, nous allons devoir différer les investissements industriels, ceux dans le domaine de la décarbonation. Et il y aura de toute façon une perte massive des résultats et de la marge », alerte Jean-Philippe André.

Déjà, environ 20 % des entreprises envisagent des reports d’investissements cette année et en 2023. Dans le détail, les coupes budgétaires vont prioritairement porter sur le marketing (51,41%), les investissements en décarbonation ou économies d’énergie (33,50%), en innovation produits (31,96%) et emballage (40,64 %), dans l’évolution de l’outil de production (34,42%). Autant de restrictions qui risquent d’entraver certaines démarches déjà initiées par le secteur et ses ambitions, notamment dans le domaine écologique. Après avoir baissé ses émissions de CO2 de 10 % ces dix dernières années, l’agroalimentaire vise une diminution de 40% d’ici 2030. Par ailleurs, les entreprises de l’Ania sont engagées dans le plan de sobriété, sur la base du plan du Medef. Celui-ci prévoit des mesures comme un plafond de chauffage à 19 degrés. Le volet des investissements en faveur des équipements plus performants et des énergies renouvelables sera plus difficile à maintenir.


Améliorer la loi Egalim 2

Pour l’Ania, l’amélioration de la loi Egalim 2, qui encadre les négociations avec la grande distribution, passe notamment par la prise en compte des matières premières industrielles, le renforcement de la transparence avec intervention d’un tiers de confiance avant la négociation, la fin des pénalités logistiques et la simplification des dispositifs trop complexes pour les PME.