Leboncoin, un acteur comme un autre sur le marché de l'emploi
La plate-forme Internet Leboncoin connaît une croissance exponentielle en matière d'offres d'emploi mises en ligne en France comme en Picardie. Cependant, le site créé en 2006 n'est pas près de faire l'ombre à Pôle emploi.
Pôle Emploi s’est fait Ubériser ! », se sont exclamés certains sur la toile et dans les médias à la fin du premier semestre 2015. Cette expression francisée – provenant du nom de l’entreprise américaine Uber en conflit ouvert avec les taxis – signifierait une concurrence nouvelle pour Pôle emploi. Comme cela s’est passé dans l’hôtellerie avec Airbnb, Pôle emploi serait confronté à un nouvel acteur capable de lui faire de l’ombre. Ici, l’ennemi du service public serait le site Internet Leboncoin. Cette théorie s’appuie sur une augmentation importante et continue du nombre d’annonces de ce dernier.
Cette forte croissance se ressent également sur le territoire picard. Leboncoin a connu une évolution de 112% d’offres d’emploi mises en ligne pour la Picardie entre janvier 2015 et juillet 2015. Pendant ce temps-là, le nombre d’annonces diffusées par le site de Pôle emploi a connu une certaine stabilité avec plus de 7 000 offres. Si cela a de quoi susciter des questions, Leboncoin n’est pas un nouveau venu en matière de diffusion d’offres d’emploi. Surtout, il n’est pas le seul à proposer une mise en relation entre les entreprises et les demandeurs. De l’Apec à Keljob, en passant par Objectif emploi, il existe plus de 500 sites dans la galaxie du recrutement en ligne.
Pourquoi diffuser sur Leboncoin ?
Avec son design inchangé depuis son lancement en 2006, le site est depuis longtemps sollicité par les professionnels comme par les particuliers. « Ça fait plus d’un an, peut-être bien deux ans maintenant, que l’on passe des annonces sur Leboncoin. On l’utilise vraiment pour multiplier nos sources de recrutement. On utilise aussi Facebook. On diffuse vraiment nos offres partout », explique Mélanie Lecafette, directrice de l’agence d’intérim Synergie à Albert.
Ce sentiment est partagé. Alors que le site gratuit va bientôt lancer une section apprentissage dans la catégorie offres d’emploi, l’Organisme de formation professionnelle de l’Artois (OFPA), présent à Amiens, propose déjà ses services sur Leboncoin. « Lorsque l’on diffuse sur ce site, c’est une information qui touche beaucoup de monde. On touche même les entreprises », confirme Reine-Marie Druon, collaboratrice à l’OFPA. Pour d’autres, la donne est différente. « On envoie des annonces au Pôle emploi. Mais le problème est que Pôle emploi nous a envoyé des personnes qui n’avaient rien à voir avec le type de profil que l’on avait demandé », explique Abdel Salam de l’entreprise P. Transport à Méru, dans l’Oise. Pour Jérôme Aldama, gérant chez Tendance Coiffure à Saint-Quentin, le reproche est différent : « Pôle emploi ne m’a pas aidé alors que je l’avais sollicité pour sauvegarder un emploi. Par la suite, ils sont venus me voir pour embaucher et me faire profiter de certaines aides. Les informations ne passent pas entre eux. Désormais je passe par Leboncoin. »
« Pôle emploi accepte les remarques »
« L’accès à l’offre d’emploi, ce n’est pas la finalité. On réduit la mission de Pôle emploi à la diffusion des offres d’emploi. C’est beaucoup plus que cela : on indemnise, on forme, on oriente, on réoriente. Si la mission de Pôle emploi, c’est de diffuser des offres d’emploi, on n’en a pas besoin. La mission de Pôle emploi, c’est bien audelà : comment on va accompagner les entreprises à trouver les compétences dont elles ont besoin et comment on va accompagner les demandeurs d’emploi à trouver ce qu’ils recherchent », précise Kiyenika Mayindu, adjoint au directeur des opérations de Pôle emploi.
En ce qui concerne les observations formulées par les entrepreneurs sur les ratés, « Pôle emploi accepte les remarques », lâche l’ancien directeur d’agence. Pour ce faire, près de 150 conseillers dévolus aux entreprises ont été déployés sur la Picardie depuis juin, afin de pouvoir cibler au mieux les besoins de ces dernières.
Dans le même temps, Pôle emploi tente d’adapter son offre numérique. Au début du mois de juillet, le service public a lancé Emploi Store sur Internet, smartphones et tablettes. Ce nouveau portail permet d’avoir à portée de main près de 120 services de Pôle emploi et d’acteurs privés. Cours en ligne, simulateurs d’entretien… les services sont nombreux et vont bien au-delà de la simple mise en relation basique entre une offre et une demande. « Ce qui compte aujourd’hui pour Pôle emploi, ce n’est pas tant le nombre d’offres d’emplois que l’on a collectées. Ce qui est important, c’est le nombre de personnes qui ont trouvé du travail », rappelle Kiyenika Mayindu. Surtout dans une Picardie où le taux de chômage continue de croître avec une hausse de 4,8% sur un an dans les catégories A B et C selon les chiffres publiés par Pôle emploi en juillet. Le Fournil gourmand à Senlis, qui avait diffusé une annonce sur Leboncoin pour trouver un apprenti, l’a tout simplement trouvé « via les annonces mises dans nos magasins ».
De quoi faire changer d’avis ceux qui seraient encore convaincus que « Pôle emploi s’est fait Ubériser. »
Alexandre BARLOT