L’entreprise et les salariés
Revue de récentes décisions en matière de droit du travail.
CDD : requalification
Le contrat à durée déterminée conclu pour le remplacement de salariés absents, ne précisant ni le nom, ni la qualification, doit être réputé à durée indéterminée pour ce seul motif ; cette présomption étant irréfragable. (Orléans, 19 mai 2020, n° 17/01128)
Rupture conventionnelle
Le contentieux sur la rupture conventionnelle relève de la compétence du conseil de prud’hommes et le recours doit être introduit dans les 12 mois de l’homologation ou du refus d’homologation de la convention. Cette prescription spécifique s’applique à toutes les contestations relatives à la rupture conventionnelle, y compris celles portant sur un vice de fond affectant le consentement des parties, à l’exception de l’hypothèse de fraude, non invoquée, en l’espèce. (Amiens, 19 mai 2020, n° 18/02947)
La nullité de la rupture conventionnelle, imputable à l’employeur, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que cette rupture a illégalement entraîné le départ du salarié. (Reims, 27 mai 2020, n° 19/01078)
Santé au travail : licenciement
L’article L.1132-1 du Code du travail interdit de licencier un salarié, notamment, en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail. Mais, il ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées de l’intéressé. À condition, toutefois, que ces perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif. Et il appartient à celui-ci de rapporter la preuve de ce qu’il a procédé au remplacement définitif du salarié, licencié en raison de son absence prolongée pour maladie, dans un délai raisonnable après son licenciement. (Amiens, 19 mai 2020, n° 18/02907)
Contrat de travail : obligation de loyauté du salarié
En application de l’article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et tout salarié est ainsi soumis à une obligation générale de loyauté envers son employeur, qui comprend des devoirs de fidélité et de discrétion et qui implique qu’il ne doit pas se placer en situation de conflit d’intérêts ou utiliser à son avantage personnel des biens matériels ou intellectuels de l’entreprise. Ainsi, même en l’absence de clause d’exclusivité, le salarié ne peut exercer ou tenter d’exercer une activité concurrente à celle de son employeur. (Reims, 27 mai 2020, n° 18/02179)
Licenciement : insuffisance professionnelle
L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective durable d’un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé. Elle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des faits précis, objectifs, matériellement vérifiables et imputables au salarié. (Lyon, 27 mai 2020, n° 19/00839)
Par qui doit être signée la lettre de licenciement ?
La lettre de licenciement doit être signée, faute de quoi le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts pour procédure irrégulière (Cass soc., 29 juin 1999. pourvoi n° 97-42.208). Mais par qui doit-elle être signée ? Logiquement par l’employeur. Dans tous les cas, il est clair que la lettre ne saurait être signée par une personne étrangère à l’entreprise (Cass soc., 26 avr. 2017. pourvoi n° 15-25204 : expert-comptable de l’entreprise). N’est pas une personne étrangère à l’entreprise un intérimaire recruté au sein d’un service ressources humaines, pour assister et conseiller le DRH, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (Cass soc. 2 mars 2011. pourvoi n° 09-67237). De plus, l’employeur peut déléguer ses pouvoirs et, aucune disposition légale n’exige que cette délégation soit donnée par écrit (Cass soc. 18 novembre 2003. pourvoi n° 01-43608).
En allant plus loin, la lettre de licenciement peut être formalisée, non par l’employeur direct du salarié concerné, mais par le directeur de la société associée majoritaire de celui-ci (Cass soc. 6 juillet 2004. pourvoi n° 02-43322). Quant au directeur général de la société mère, il peut licencier le directeur général d’une de ses filiales, même sans délégation de pouvoir (Cass soc. 13 juin 2018. pourvoi n° 16-23701).
Mais, dans un arrêt récent, la chambre sociale de la Cour de cassation indique également que « le secrétaire général de la société mère, qui n’est pas une personne étrangère aux sociétés filiales, peut recevoir mandat pour procéder au licenciement d’un salarié employé par ces sociétés filiales, sans qu’il soit nécessaire que la délégation de pouvoir soit donnée par écrit » (Cass soc. 27 novembre 2019. pourvoi n° 18-16857). Le moins que l’on puisse dire, c’est que le principe d’une signature par “l’employeur” connaît pas mal de tempéraments…