L’entreprise et les salariés
Revue de récentes décisions en matière de droit du travail.
Contrat de travail : plate-forme, requalification
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail, sous l’autorité d’un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements, rappelle la Cour de cassation. Pour la Haute juridiction, une cour d’appel ne saurait dire qu’un coursier n’était pas lié par un contrat de travail à une plateforme de mise en relation, dès lors qu’elle a constaté l’existence d’un pouvoir de direction, de contrôle de l’exécution de la prestation, au moyen d’un système de géolocalisation permettant à la société de connaître en temps réel la position et le comportement du livreur à vélo, ainsi que d’un pouvoir de sanction à l’égard de celui-ci : autant d’éléments caractérisant un lien de subordination. (Cass. Soc., 24 juin 2020, pourvoi n° 19-13476 et n° 18-26088).
Période d’essai : rupture
Si chacune des parties peut discrétionnairement et, sauf dispositions particulières, sans forme, mettre fin aux relations contractuelles pendant la période d’essai, la rupture doit être explicite. Elle se situe à la date à laquelle son auteur manifeste la volonté d’y mettre fin. (Cass. Soc., 24 juin 2020, pourvoi n° 17-28067)
Rémunération : versement de primes
Le paiement d’une prime est obligatoire pour l’employeur lorsque son versement résulte d’un usage répondant à des caractères de généralité, constance et fixité. Tel est le cas, en l’espèce, de primes dites «d’équipe» et «de casse-croûte» : le versement se caractérise par sa constance, pendant plus de sept années, sa fixité et sa généralité, puisqu’il a été appliqué à plusieurs des employés de la catégorie du salarié, en vertu d’un accord d’entreprise. Ce versement de primes a donc acquis le caractère d’usage à l’égard du salarié. (Cass soc., 24 juin 2020, pourvoi n° 18-25451)
CDD : requalification
Une cour d’appel avait constaté que le salarié avait été engagé par divers CDD pour assurer, entre le 1er mars 2008 et le 28 février 2014, l’enseignement de l’architecture et fait ressortir que, par son objet et sa nature, l’emploi de ce dernier était objectivement indispensable à l’activité normale et permanente de l’association concernée. Elle a pu en déduire que, faute pour l’employeur d’établir que le salarié exerçait un emploi par nature temporaire, la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée devait être prononcée. (Cass. Soc., 24 juin 2020, pourvoi n° 19-12537)
Licenciement : insuffisance professionnelle
Une cour d’appel avait relevé que les performances du salarié étaient largement inférieures à la moyenne de celles des autres attachés commerciaux, que malgré l’accompagnement dont il avait fait l’objet, il n’avait pas fait progresser son chiffre d’affaires et s’était maintenu à un niveau nettement inférieur à celui de ses collègues, confrontés au même contexte économique, pour estimer que la faiblesse des résultats procédait de l’insuffisance professionnelle du salarié. Pour la Cour de cassation, elle a légalement justifié sa décision de prononcer le licenciement pour cause réelle et sérieuse. (Cass soc., 24 juin 2020, pourvoi n° 19-11736)
Santé au travail : visite médicale
Une cour d’appel ne saurait débouter un salarié de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de visite médicale obligatoire, au motif que la preuve d’un tel préjudice n’est pas apportée, alors qu’il résultait de ses constatations que l’employeur en reconnaissait l’existence : il appartenait seulement aux juges d’évaluer le montant de sa réparation. (Cass soc., 24 juin 2020, pourvoi n° 17-28067)