Les entreprises artisanales méconnaissent les outils financiers
Les artisans, fragilisés par la crise, perdent des opportunités en méconnaissant certains outils financiers, d’après Bercy. Une étude montre notamment qu’ils pratiquent plus le découvert bancaire que le prêt, pour assurer leur trésorerie.
Des entreprises fragilisées qui méconnaissent des outils f inanciers qui pourraient leur être utiles. Telle est la synthèse de l’étude sur les « pratiques et besoins de financement des entreprises artisanales », remise à Sylvia Pinel, alors ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme, le 27 mars, à Bercy. L’étude, réalisée par l’Institut supérieur des Métiers (ISM) et la DGCIS, la Direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services, est destinée à nourrir la mission sur les besoins et les modes de financement des TPE, confiée à Jeanne-Marie Prost, médiatrice du Crédit et présidente de l’Observatoire du financement des entreprises.
Aujourd’hui, les entreprises artisanales de plus de trois ans sont fragilisées à double titre, note le rapport, qui dresse un tableau général de la situation de ces entreprises. Tout d’abord, environ une sur trois voit son activité baisser. Et une proportion comparable constate une érosion de sa rentabilité, liée à un resserrement de ses marges. Globalement, l’ensemble des secteurs est concerné. Et ce, qu’il s’agisse d’entreprises dont les clients sont des particuliers, ou sur le marché du B to B. Dans ce contexte peu encourageant, 41% des entreprises ont tout de même réalisé un investissement, au cours de ces douze derniers mois. En revanche, 30% des sociétés interrogées ont déclaré avoir reporté des projets d’investissement : l’évolution des marchés est difficile à prévoir. Et certaines entreprises sont plutôt en situation de suréquipement, par rapport à l’évolution de la demande. Pour autant, financièrement, près des trois quarts des dirigeants considèrent la situation financière de leur entreprise plutôt « saine », rapporte l’étude. Les autres la jugent préoccupante ou très préoccupante. En parallèle, alors que 79% des chefs d’entreprises estiment ne pas avoir de problème de trésorerie, 21% reconnaissent la situation inverse. Dans 7% des cas, il s’agit d’un problème « permanent ».
Artisanat et gestion financière
Lorsqu’elles cherchent une solution de financement lors d’un projet, les entreprises artisanales privilégient très largement l’autofinancement, note l’étude. Dans 69% des cas, les artisans cochent la case « j’y ai recours quand je ne peux pas faire autrement », au sujet des prêts bancaires ! Un quart seulement expliquent avoir recours à ce moyen pour chaque projet. Concernant la trésorerie, 34% des entreprises de l’artisanat ont eu recours au découvert bancaire pour la gérer. Seulement 3% des interrogés sont passés par un prêt bancaire à court terme, alors que plus du double déclarent être favorables à cet outil. Les autres formes de financement, comme les crédits fournisseurs ou l’affacturage, sont pareillement boudées. Autre pratique de financement courante : les fonds propres sont le plus souvent réajustés par le dirigeant : 22% des chefs d’entreprises ont ainsi réinjecté des fonds personnels, ces douze derniers mois dans l’entreprise, note l’étude. Pour les analystes de la DGCIS, le faible recours au prêt bancaire et la préférence donnée à l’autofinancement résultent notamment d’une culture en gestion financière d’entreprise limitée de la part des dirigeants d’entreprises artisanales. Le relationnel avec les banquiers joue aussi : on craint la lourdeur administrative de la démarche, ses délais potentiels, les éventuelles demandes de garanties et les réponses négatives. Pourtant, parmi les demandes de prêts qui ont été réalisées au cours des douze derniers mois, 87% ont été acceptées, mais un durcissement des frais et demandes de garanties a été signalé par un tiers des entreprises. Quant à la demande de garanties, elle advient dans 22% des dossiers, et, pour la moitié de ces cas, c’est sur les fonds personnels.
Au total, les relations entre l’entreprise artisanale et les banquiers semblent relever de la stricte nécessité pour la première, qui ne met pas les seconds en concurrence, même, souvent, lorsqu’elle veut solliciter un prêt. Quant à un conseil en matière de financement… seules 28% des entreprises artisanales ont l’idée d’aller le chercher auprès de leur banquier, note l’étude, qui constate que « les banques sont peu considérées comme des partenaires ».