Les femmes encore minoritaires dans le monde de l'entreprise
Seulement un tiers des entrepreneurs en France sont des femmes. Dans le monde du salariat, celles-ci sont souvent moins bien payées que leurs homologues masculins et ont peu accès aux postes à responsabilités. Au niveau régional, plusieurs acteurs se mobilisent pour faire bouger les choses.
Environ 30% des entrepreneurs en France sont des femmes, un chiffre identique dans la région. Pour Claudine Jacob Ternisien, directrice du réseau Initiative Somme, « c’est encore trop peu ». Bien que les femmes estiment l’entrepreneuriat plus épanouissant que le salariat (69% des Françaises selon une étude de l’Agence pour la création d’entreprises), elles sont moins souvent porteuses d’intention entrepreneuriale que les hommes.
Un constat que fait Claudine Jacob Ternisien au quotidien : « Leur parcours n’est pas plus compliqué que celui des hommes, car une fois lancées elles sont aussi tenaces qu’eux. La réelle difficulté pour elles, c’est de franchir le pas. » Des difficultés liées à des facteurs culturels et psychologiques. Le manque de confiance en soi est l’un des plus gros freins à la création d’entreprise chez les femmes. Selon l’APCE, 35% d’entre elles estiment ne pas avoir les compétences requises, contre 23% des hommes. La peur de s’investir en termes de responsabilité est aussi fréquemment constatée.
« Un dirigeant doit être très impliqué dans sa vie professionnelle. Si il ou elle n’est pas appuyé(e) dans sa vie privée, alors c’est très compliqué de concilier les deux », avance celle qui accompagne les créateurs d’entreprises depuis plus de 25 ans.
Un marché du travail segmenté
Les projets mis en œuvre par les femmes sont moins ambitieux que ceux des hommes : capitaux de départ plus faibles (51% des femmes hors auto-entrepreneurs réunissent moins de 8 000 euros de capitaux initiaux contre 45% des hommes), taille des entreprises au démarrage de l’activité moins importante et ambition de développement moins affirmée (29% contre 38%). Ces différences se retrouvent également dans la création d’entreprises innovantes, où le capital de démarrage des hommes est 1,8 fois supérieur à celui des femmes.
Il existe par ailleurs une véritable spécificité féminine en matière de secteurs d’activité qui reflète l’image de la segmentation des métiers selon le genre sur le marché du travail. Dans le secteur de la santé, la proportion de femmes est de 63%, dans les services à la personnes, elle est de 55%, et dans l’enseignement, de 42%. « Peu importe le secteur, un chef d’entreprise reste un chef d’entreprise, qu’il soit artisan coiffeur ou artisan maçon », nuance Claudine Jacob Ternisien.
Pour la directrice d’Initiative Somme, « les métiers masculins n’ont pas plus de valeur que les métiers féminins : ils requièrent les mêmes qualités, à savoir de la téna- cité, du savoir-faire et de l’enthousiasme. »
C’est pour valoriser le talents de ces femmes créatrices d’entreprises que le réseau organise pour la troisième année consécutive la conférence Femmes d’initiative au cours de laquelle quatre dirigeantes viendront témoigner de leur expérience (voir encadrés).
Des actions fortes
Côté salariat, il reste également des progrès à faire. Dans la région, plusieurs entreprises mettent tout en œuvre pour davantage d’équité au sein de leurs équipes. C’est le cas de KPMG et du groupe La Poste. Le cabinet d’audit et d’expertise-comptable présent dans les trois départements, développe plusieurs actions en faveur de la mixité.
Sa charte vie professionnelle-vie privée empêche par exemple les réunions avant 9 heures le matin ou après 18 heures 30 le soir pour favoriser le bien-être de ses salarié(e)s. Les congés paternité sont désormais pris en charge à 100%.
« Nous raisonnons en termes d’équité, c’est pourquoi nos actions s’adressent aussi aux hommes »,explique Sandra Chevalier Fabbro, directrice de mission chez KPMG. Des “dialogues maternité” ont également vu le jour pour organiser au mieux le temps de travail des femmes après l’arrivée de leur premier enfant. Depuis 2008, la part d’associés dans l’entreprise, le poste le plus élevé sur le plan hiérarchique, est passé d’à peine 10% à 16%. Au groupe La Poste, 12% des cadres dirigeants en 2006 étaient des femmes. Elles représentent aujourd’hui 31%. « Il reste des progrès à faire mais nous sommes sur la bonne voie », sourit Snezana Tournier, déléguée au développement régional en charge des affaires sociales. Grâce à ses efforts débutés en 2005, le groupe est parvenu à une équité au sein de ses effectifs (51,7% sont des femmes) et a décroché plusieurs labels, dont celui de l’égalité en 2010.
L’aventurière de Coye-la-Forêt
La créatrice de la société La belle semeuse fait profiter depuis 2013 à ses clients de son parcours atypique en leur fournissant des conseils en communication et en concevant leurs fairepart.
Lorelei Eidelwein, qui a décidé de poser ses valises à Coye-la-Forêt pour créer son entreprise en 2013, n’a rien d’une sédentaire. Le mot nomade lui serait beaucoup plus approprié.Tout juste diplômée de l’école Camondo en architecture d’intérieur et design, l’Isarienne décide de partir pour l’Asie afin d’intégrer le monde du travail. Une expérience de deux années riche en enseignement : « J’aime bien l’aventure. Je suis arrivée là-bas sans contrat. Au final, je me suis retrouvée responsable du bureau d’architecte d’intérieur ». Déjà en rentrant de son périple à Singapour, Lorelei Eidelwein pense à lancer son entreprise, mais cela lui semble trop complexe à l’époque. Elle décide d’intégrer l’entreprise Kohler. Durant neuf ans, elle jongle entre les postes à responsabilités chez le propriétaire de la marque Jacob Delafon. « J’avais cependant besoin de retourner à la source et de concevoir », confesse-t-elle. Pour créer La belle semeuse, elle a été accompagnée par Initiative Oise Sud. « L’as- sociation m’a apporté 50% sur les 20 000 euros dont j’avais besoin pour créer ma société ».
Les Filles du boulanger, réussite familiale
La reprise des Filles du boulanger à Avrechy, c’est avant tout une aventure familiale. Katty Martin a repris la boulangerie-pâtisserie avec son époux, meunier de profession, en août 2014. Elle y travaille six jours sur sept, avec son gendre et ses filles qui viennent l’épauler régulièrement.
Si Katty Martin était avant de reprendre la boulangerie assistante dentaire, elle n’en est pas pour autant en terre inconnue : elle a tenu avec son mari un terminal de cuisson durant 15 ans. Un retour aux sources qu’elle a souhaité familial, pour transmettre à son gendre boulanger-pâtissier les recettes d’une affaire qui fonctionne. Sept mois après l’ouverture, l’activité dépasse les attentes des gérants, et le chiffre d’affaires atteint le double du montant initialement escompté. « C’est une boulangerie traditionnelle mais nous avons voulu y apporter notre touche personnelle, avec nos propres recettes, comme celle du flan que nous vendons », explique Katty Martin qui a embauché un salarié à temps partiel et forme un apprenti, un second devant rejoindre l’équipe en juin prochain. « Nous avons également développé le snacking, en proposant des pizzas, de la tartiflette…et des sandwiches avec des pains spéciaux, au pavot, multi-graines, etc. » Une diversité appréciée des habitants du village et des clients de passage. La reprise d’entreprise ? « L’installation n’a pas été difficile, avec mon mari nous formons un binôme complémentaire, nous sommes sur la même longueur d’ondes et avons les mêmes ambitions. Si derrière tout homme on trouve une femme, l’inverse vaut également… », sourit Katty Martin qui va concentrer ses efforts et ceux de sa petite équipe sur le développement de l’activité, avec à terme une embauche à plein temps.