Numérique

Les PME entrent dans l'ère de l'IA

Dans les petites structures, les chefs d'entreprises restent très prudents vis-à-vis de l'Intelligence artificielle, même si la pandémie a provoqué une prise de conscience du caractère incontournable du numérique pour leur activité.

(c)Adobe Stock
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« Transition numérique et IA: où en sont les PME? », une table-ronde organisée par l'AJPME, Association des journalistes spécialisés dans les PME, à Paris, qui était consacrée à ce sujet qui fait souvent figure de serpent de mer : au fil des années, les rapports se sont accumulés pour pointer le retard – dommageable pour leur activité - des PME et TPE. La pandémie a-t-elle joué le rôle de déclencheur ? « Il est difficile d'apporter une réponse exhaustive, d'autant que le numérique est par nature évolutif. Toutefois, nous avons clairement constaté une prise de conscience à cette occasion. Les entreprises se sont questionnées. L'enjeu était pour elles de maintenir leur activité, de conserver leur relationnel avec leur clientèle », explique Anissa Bestaoui, responsable du réseau des « Digiteurs » de CCI Paris IDF, conseillers en stratégie digitale pour les chefs d'entreprises.

Aujourd'hui, un nouveau chapitre s'ouvre avec l'arrivée en force de l'IA générative, capable de générer textes, images ou vidéo, sur demande. Pour l'instant, « nous constatons une distance très forte des chefs d'entreprise vis à vis de ce sujet », explique Élise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab, la cellule d'études de Bpifrance, la banque publique d'investissement. D'après ses études (2024) , le pourcentage de PME et TPE qui utilisent l'IA est faible : 15%, dont 3% seulement à titre régulier. Il s'agit souvent d'entreprises dans le domaine des services et l'utilisation la plus fréquente est la génération de contenus pour LinkedIn, la collecte de données et la synthèse. A contrario, la très grande majorité (72% )des PME et des TPE n'utilisent pas l'IA, principalement car elles n'en voient pas l'usage. Parmi elles, une minorité – 14%- a été jusqu'à l'interdire. Construction et transports arrivent en tête des secteurs les plus réfractaires.

Au delà de la fracture sectorielle, il existe différents profils de chefs d'entreprises selon la manière dont ils envisagent les transformations, note Bpifrance le Lab. Les « attentistes », les « empiriques », et les « précurseurs ». Parmi eux, Philippe Mellinger, gestionnaire et directeur général du réseau de micro-crèches Carrousel et Câlins et Marion Pintaux, fondatrice de Les aventuriers du biscuit, sont venus témoigner, le 30 avril dernier.

L'IA, une aubaine ?

En 2018, après une carrière dans les médias, Marion Pintaux, « digitale native » a ouvert une biscuiterie traditionnelle qui propose aux entreprises des biscuits dont la forme et la surface sont personnalisées avec des visuels et des messages spécifiques. Elle a immédiatement intégré le numérique dans sa stratégie, dans le cadre d'une démarche « test and learn ». Son site Internet vitrine est devenu un site de e-commerce équipé d'un configurateur de biscuits. L'IA ? « J'ai immédiatement vu cela comme une aubaine ! Cela me fait gagner du temps de rédaction pour les réseaux sociaux, le blog. Et je l'utilise aussi comme outil créatif pour les visuels que je réalise aussi moi-même », témoigne Marion Pintaux, aux journées bien remplies. Elle dispose seulement d'une alternante pour l'aider, en plus des deux pâtissières salariées, chargées de la production pour son entreprise qui réalise 200 000 euros de CA. Bémol dans l'emploi de ces outils : conserver le «sens » du message que l'on voulait faire passer, ne pas « cracher des posts» vides qui n'auront pas de lecteurs... Mais l'IA n'est pas un aboutissement pour Marion Pintaux. L'entrepreneuse estime que pour « changer d'échelle » dans son entreprise, il lui faudra se doter d'un véritable ERP, un système d'information cohérent qui intègre l'ensemble des applications qui couvrent différents processus, pour l'instant disparates.

« C'est l'automatisation qui a changé la donne, pas l'IA », confirme Philippe Mellinger, à la tête du réseau des 22 micro-crèches de l'Essonne (5 millions d’euros de CA), depuis 2020. A peine arrivé à la tête de l'entreprise, il lui a fallu affronter l'épreuve du Covid. « Nous ne disposions même pas d'une base de données avec les adresses mails » des membres de l'entreprise, se souvient-il. Philippe Mellinger a mis en place un intranet qui est devenu un « outil de pilotage » indispensable entre les crèches (120 salariés et les 350 familles). Sur le plan opérationnel, les crèches peuvent, par exemple, diffuser leurs besoins ponctuels de renforts auprès des autres. Cette nouveauté a généré des économies en terme d'intérim et un meilleur fonctionnement. L'intranet est aussi devenu un espace d'information, d'échanges, avec des espaces de discussion thématisés ( y compris sur l'IA). Mieux, le numérique a ouvert la voie à la formation pour les salariées (une sur quatre est en VAE, validation des acquis de l’expérience) et même avec un nouveau modèle économique, avec un centre de formation...