Les recettes de la FNAIM pour sortir de la crise
Calendrier de la rénovation énergétique, soutien à la demande… Les désaccords entre le gouvernement et les professionnels de l'immobilier en crise se sont exprimés avec force, lors du congrès de la Fédération nationale de l'immobilier, à Paris.
Les enjeux sont tels que le face-à-face entre Loïc Cantin, président de la FNAIM, Fédération nationale de l'immobilier et Patrice Vergriete, ministre du Logement, ne pouvait être que tonique. C'était le 5 décembre, à Paris, dans l'amphithéatre central du Congrès de la FNAIM, qui regroupe les professionnels de 13 métiers de ce secteur dont la situation se dégrade de plus en plus. « Nous vivons une crise sévère », a commencé par rappeler Loïc Cantin. Depuis une année, la Fédération a enregistré 740 liquidations judiciaires. Trésoreries qui s'assèchent, procédures de licenciement... «Cela va se poursuivre. Nous allons rentrer dans le dur, car de nombreux cabinets connaissent des difficultés », a ajouté Loïc Cantin.
Entre le président de la FNAIM et le ministre du Logement, peu de convergences sont apparues lors de la confrontation qui a porté sur plusieurs sujets cruciaux. Parmi eux, les mesures à prendre pour encourager demande et investissement immobiliers des ménages défaillants, ainsi que le calendrier de la rénovation énergétique prévu par la loi Climat et résilience de 2021. Il est « intenable », a déclaré Loïc Cantin. « Les logements classés G, c'est terminé ! », a répondu Patrice Vergriete. Le calendrier ne bougera donc pas. L’intégralité des logements notés G seront interdits à la location à partir de 2025, puis l’ensemble de ceux F, après 2028. « Il y a un moment où pour des raisons sociales et écologiques, il faut y aller. (…) J'ai besoin de vous et l’État est prêt », a ajouté Patrice Vergriete, rappelant les améliorations récentes apportées au dispositif Ma Prim rénov, aide aux travaux de rénovation énergétique destinée aux propriétaires.
Mais Loïc Cantin l'assure, il ne s'agit pas de mauvaise volonté ; le calendrier est irréaliste à plusieurs titres. En particulier, il est incompatible avec le tempo des copropriétés. Et aussi, irréalisable en raison d'un manque de professionnels en mesure de réaliser des travaux. D'après la FNAIM, la rénovation de 5 millions de logements classés F et G représenterait 200 milliards d'euros de travaux d'ici 2028, alors que le chiffre d'affaires annuel des professionnels concernés s'élève à 53 milliards d'euros. Dans le même sens, seules 58 000 entreprises sont classées RGE (reconnu garant de l'environnement), et donc, aptes à réaliser des travaux de rénovation globale, nécessaires à la transition écologique. « Il faudrait un plan Marshall » pour la filière du bâtiment, prône Loïc Cantin. Plus largement, sur ce thème du défi de la rénovation énergétique, le président de la FNAIM a réitéré l'une des propositions portées par la Fédération : la mise en place d'un contrat de « vente en l'état futur de rénovation ». Celui-ci subordonnerait la transaction à la réalisation de travaux de rénovation énergétique par le vendeur, dont le prix serait intégré au prix de vente.
« J'ai mon plan de bataille »
Autre enjeu crucial pour les professionnels de l'immobilier, les difficultés croissantes d'accès à l’acquisition pour les ménages privés. Pour le secteur, la hausse des taux d'intérêt a constitué un « détonateur », a rappelé Loïc Cantin. Côté État, il ne faut pas s'attendre à ce qu'il stimule le marché avec des dispositifs fiscaux. « Ce qu’il ne faut pas faire, c’est ce qu’on faisait avant », a annoncé Patrice Vergriete, pour qui ces mesures sont « inefficaces » dans le cadre de cette crise que la France partage avec le reste de l'Europe. « Nous ne retrouverons plus les conditions de 2018. (…)Je le dis clairement, les prix doivent s'adapter. Il faut qu'ils baissent. Depuis 2000, ils ne correspondent plus au pouvoir d'achat immobilier des ménages », estime le ministre. Pour lui, l’État a déjà pris les mesures adéquates, par exemple en renforçant le PTZ, Prêt à taux zéro, « là où on avait besoin de construire ».
Une autre mesure récente est supposée faciliter l'accès au crédit immobilier pour les ménages : le Haut conseil de Stabilité financière a annoncé la mise en place prochaine d'une sorte de « procédure amiable » pour ce type de crédit. Un particulier qui n'a pas obtenu son financement pourra voir son dossier réexaminé par la Fédération bancaire française (FBF). Et si le prêt est une nouvelle fois refusé, les raisons lui seront expliquées. « Ce sont des mesures d'annonces qui ne vont pas changer grand chose », jugeait Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice des Alpes-Maritimes ( LR) et présidente de la commission des Affaires économiques du Sénat, lors des interventions d'élus qui ont précédé le face-à-face entre Loïc Cantin et Patrice Vergriete.
La FNAIM, elle, propose un autre outil pour faire face au resserrement de l'accès au crédit des ménages : l'autorisation de la portabilité et la transférabilité des prêts en cours, pour accompagner les acquéreurs et vendeurs et donner un peu de respiration au marché du logement. « Des mesures simples, facilement applicables et de bon sens, qui permettraient de relancer le marché immobilier et préserver le pouvoir d’achat des ménages. Et le tout sans surcoût pour les finances publiques ! », argumente Loïc Cantin. Mais si Patrice Vergriete n'est pas hostile à l'idée, il convoque l'argument juridique : « il s'agit d'un contrat », note-t-il. Une réponse qui ne convainc pas le président de la FNAIM. « J'ai mon plan de bataille », confiait- il un peu plus tard, lors d'un point presse.
Au delà de celles de la FNAIM, plusieurs autres propositions ont émergé au cours de la matinée. Par exemple, celle de Stéphane Peu, député de Seine-Saint-Denis (GDR) . Pour lui, il est prioritaire d'aider les primo-accédants afin de débloquer le circuit résidentiel. A ce titre, « nous avons su mettre en place Bpifrance, la Banque publique d'investissement, pour garantir les prêts à l'innovation des entreprises. Pourquoi n'aurions-nous pas un outil similaire pour permettre à des ménages d'accéder à la propriété, en garantissant leurs prêts s'ils sont solvables, mais que leur emploi, par exemple, n'offre pas toutes les garanties ? », propose l'élu. Autre proposition, celle de François Jolivet, député de l'Indre (Horizons). Lui plaide pour un « booster » du marché, avec notamment « une généralisation du PTZ, Prêt à taux zéro, sur l'ensemble de la France, pour tous les types investissements, pendant un an » . Il a été longuement applaudi.