Les start-up créatrices d'industries délaissées au profit de l'IA
Les start-up industrielles ont contribué à l'ouverture d'usines sur le territoire, selon les résultats de l'Observatoire des start-up et PME industrielles 2024 de Bpifrance. Mais elles ont perdu des financements importants, les capitaux risqueurs préférant investir dans l'IA.

Pari tenu ? Oui, selon Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l’Innovation chez Bpifrance, la banque publique d'investissement. Le
3 mars dernier, il présentait les résultats de l'Observatoire des start-up et PME industrielles 2024 de l'institution. Cette étude a été mise sur pied à la suite de plusieurs mesures de politique publique, dont le plan d'investissement France 2030 (54 milliards d'euros sur cinq ans pour l'industrie et les technologies innovantes), afin de mesurer les impacts du plan et confirmer – ou pas – le présupposé selon lequel «l'innovation serait source de réindustrialisation», explique Paul-François Fournier.
Les résultats de l'étude semblent aller en ce sens. En 2024, Bpifrance recense 3 200 start-up à vocation industrielle en France. Côté sites industriels, l'étude a pris pour référence ceux qui ont été inaugurés : elle en recense 115, soit trois de moins qu'en 2023. «On ne constate pas d'inflexion significative dans le contexte économique pourtant tendu», relativise Paul-François Fournier. Par ailleurs, «ces inaugurations ont lieu sur l'ensemble du territoire». Toutefois, la région Rhône-Alpes est largement en tête (65 inaugurations), suivie de la Nouvelle-Aquitaine (31) et de l'Occitanie (30). L’Île-de-France arrive loin derrière (20 inaugurations). Reste que toutes ces opérations ne sont pas toutes le fait de start-up, ces entreprises dont le modèle économique n'a pas atteint la rentabilité . En 2024, la majorité de ces inaugurations (77) sont le fait de PME ou d'ETI, et 38 seulement de start-up. L'année précédente, le rapport était inverse.
Néanmoins, d'autres données de l'étude confirment le lien entre industrialisation et innovation : celui de la répartition des fonds levés par les start-up industrielles : 42% d'entre eux se dirigent vers des entreprises qui sont encore dans une phase de recherche et développement. Le reste, vers des sociétés qui ont commencé à produire, en propre ou suivant le modèle «fabless», en recourant à des entreprises extérieures. «Quand les start -up industrialisent en propre, elles sont 97% à le faire en France, au moins au début. Lorsqu'elles suivent un modèle fabless, dans les deux tiers des cas, elles travaillent essentiellement avec des partenaires partenaires français. Cela crée une dynamique industrielle forte avec des implantations concrètes sur le territoire», synthétise Paul-François Fournier.
La licorne industrielle, un animal rare
Mais pour que cette logique perdure, encore faut-il que ce petit vivier des start-up industrielles dont l'étude dresse un panorama, soit fructueux. Le bilan net de créations de ces sociétés est positif et le flux annuel de créations s'élève de 250 à 300.
Autres constats de l'étude : les trois quarts de ces sociétés ont implanté leur siège social hors de l’Île-de-France. La moitié d'entre elles sont actives dans des domaines liés aux enjeux du changement climatique, le tiers, dans la deep tech, les autres, dans le secteur de la santé. Au total, les start-up industrielles représentent 65 770 emplois pour un chiffre d'affaires total de 4,89 milliards d'euros. Rares sont celles qui affichent un chiffre d'affaires supérieur à 10 millions d'euros, et plus rares encore, celles qui ont le statut de licornes, valorisées à plus d'un milliard d'euros. Pour l'essentiel, ces entreprises sont jeunes (moins de cinq ans). 500 d'entre elles réalisent un chiffre d'affaires situé entre entre un et dix millions d'euros : leur activité rencontre un marché, mais elles continuent d'avoir besoin de lever des fonds.
Or, le marché du capital risque ne leur est pas favorable. En 2024, les start-up industrielles ont réalisé 212 levées de fonds, à hauteur de 2,8 milliards d'euros. C'est 32% de moins qu'en 2023 où elles avaient levé 4,2 milliards d'euros. «Nous avons assisté à un double phénomène. Une dynamique des levées de fonds autour de l'IA et, à l'inverse, moins d'investissements sur les sujets industriels», constate Paul-François Fournier. Le tendance est mondiale : l'intelligence artificielle accapare les intérêts des investisseurs, tout particulièrement pour les tours de tables supérieurs à 100 millions d'euros. Résultat, en 2024, cinq levées de fonds de ce type ont été réalisées par les start-up industrielles contre 10 l'année précédente. La plus importante : 304 millions d'euros levés par Electra, réseau européen de recharge rapide pour véhicules électriques, notamment auprès du fonds Bpifrance Large Venture. L'enjeu de l'accès à des capitaux est majeur pour l'avenir de l'ensemble de ces start-up industrielles.