L'opportunité financière du recours à la faute lourde
Le licenciement d’un salarié pour faute lourde ne peut le priver de l’indemnité compensatrice de congés payés. Cette solution, résultant d’une décision du Conseil constitutionnel en mars 2016, est rappelée par la Cour de cassation le 28 mars 2018 (n°16-26013). Cette règle jurisprudentielle, désormais constante, invite de nouveau à s’interroger sur l’opportunité financière, ainsi que le risque, pour l’employeur de recourir à cette sanction.
La faute lourde est celle commise par un salarié avec l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise (Cass. soc. 16-5-1990 n° 88-41.565 P). Par un arrêt du 28 mars 2018, la Cour de cassation a considéré que des actes de violence prémédités par un salarié sur son responsable relèvent de la faute lourde. En l’espèce, un salarié avait, au cours d’un entretien disciplinaire, volontairement et de manière préméditée, agressé le gérant de la société lui occasionnant un traumatisme crânien avec une incapacité totale temporaire de travail de quinze jours. La Haute Juridiction a considéré que les agissements du salarié procédaient d’une intention de nuire caractérisant une faute lourde. Néanmoins, eu égard à la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2016 (QPC, n° 2015-523), elle rappelle que l’employeur est tenu de verser l’indemnité compensatrice de congés payés. Cette conséquence financière amène à s’interroger sur l’opportunité du recours à la faute lourde pour l’entreprise, notamment par rapport à la faute grave.
FAUTE LOURDE ET FAUTE GRAVE
Pour le salarié, le licenciement pour faute lourde a, sur le plan pécuniaire, le même impact que le licenciement pour faute grave en ce qu’il se trouve, dans les deux cas, privé d’indemnité de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis. Il bénéficie néanmoins, dans les deux hypothèses, de l’indemnité compensatrice de congés payés. En réalité, le licenciement pour faute lourde le prive exclusivement désormais du bénéfice du maintien des garanties de prévoyance complémentaire prévu par la loi en cas de rupture du contrat de travail. Pour l’entreprise, la faute lourde est par contre le seul cas dans lequel l’employeur peut saisir les juges pour obtenir la condamnation du salarié à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par l’entreprise. Pour ce faire, l’employeur doit être en mesure de démontrer la réalité et la gravité des faits reprochés au salarié, l’intention de nuire de ce dernier et que le préjudice subi par l’entreprise trouve
bien son origine dans la faute du salarié. Cette preuve peut être difficile à apporter. De plus, l’employeur ne peut pas déduire automatiquement l’intention de nuire de l’acte fautif ayant causé un préjudice à l’entreprise. Ainsi, le vol ou la fraude n’implique pas nécessairement une intention de nuire et donc une faute lourde, même si ces agissements sont particulièrement graves, qu’ils comportent un élément intentionnel et causent un préjudice à l’entreprise. Par conséquent, si la faute lourde ne présente que peu d’intérêt financier pour l’employeur au moment de la rupture, il apparaît qu’elle génère au contraire un risque conséquent pour ce dernier, qui pourrait voir sa responsabilité engagée en cas de requalification par les juges du fond, notamment en cas de préjudice consécutif à la perte des garanties de prévoyance complémentaire. La notion de faute lourde est donc à appréhender avec beaucoup de précautions.