Mécénat : « On a repris conscience de l'importance du simple don, plus spontané »
Le mécénat face à la crise : entretien avec Sylvaine Parriaux, déléguée-générale d’Admical, association qui réunit environ 200 entreprises mécènes en France.
Face à l’ampleur de la crise, quelle est la réponse du mécénat ?
Sylvaine Parriaux : Nous assistons à un élan de générosité sans précédent. Dans ce contexte difficile, il y a une très forte mobilisation des entreprises, quelle que soit leur taille, de la TPE au groupe du Cac 40. Pour l’essentiel, cette mobilisation se concentre autour des hôpitaux, du soutien aux soignants, de la recherche médicale… Mais au delà, il y a une très grande variété de thèmes qui sont adressés, comme l’éducation, l’alimentation, le conseil juridique… L’ampleur de cet élan va être difficile à mesurer car il s’agit souvent d’un mécénat qui ne dit pas son nom. Lorsque les avocats mettent sur pied une plate-forme “avocats solidaires”, par exemple, il s’agit de mécénat de compétences informel. Toutefois, il reste un domaine sur lequel il n’y pas encore, à notre connaissance, une mobilisation suffisante, celui du soutien à des publics plus précaires, comme dans les camps de migrants. Nous sommes en train de travailler sur ce sujet avec les entreprises mécènes de notre réseau, déjà mobilisées auprès de ces publics.
Le caractère inédit de cette crise génère-t-il des formes de solidarité nouvelles ?
S.P : La générosité prend des formes très différentes, pour certaines inédites, et qui ne relèvent pas toujours du mécénat. Dans le cas des entreprises qui reroutent leur outil de production, pour produire des masques, par exemple, s’ils sont vendus à prix coûtant, cela relève de la responsabilité sociale d’entreprise. En revanche, s’ils sont offerts, c’est du mécénat. Par ailleurs, il y a de nombreuses initiatives de mécénat en nature, comme des entreprises qui livrent gratuitement des paniers repas auprès des hôpitaux. Mais surtout, on assiste à un grand retour du don. L’urgence a changé la donne. Dans un contexte où le mécénat est devenu plus sophistiqué, avec des processus de sélection de projets et des mesures d’impact, on a repris conscience de l’importance du simple don, plus spontané. C’est d’ailleurs ainsi que tout a commencé. Dès mi-février, lorsque l’épidémie s’est propagée en Chine, des entreprises françaises ont commencé à donner à la Croix Rouge, là-bas.
Cet élan de générosité peut-il et doit-il survivre à la fin de l’urgence ?
S.P : Actuellement, de nombreuses entreprises sont mobilisées pour leur propre survie. Elles ne sont clairement pas en mesure de faire du mécénat. Mais les questions de solidarité, de générosité, sont en train de marquer les esprits de tous les entrepreneurs.
Aujourd’hui, ce sont 9% des entreprises qui sont mécènes en France. Il est probable que demain, cette prise de conscience se traduise par de nouveaux engagements. C’est d’autant plus nécessaire que si les entreprises connaissent des difficultés, c’est également le cas des associations, en particulier celles qui dépendent de la générosité. Les dons leur sont indispensables pour survivre. C’est l’une des priorités d’Admical : aujourd’hui, il existe un déséquilibre en faveur du financement des projets, et nous souhaitons encourager le soutien au fonctionnement des associations par le financement de leurs besoins structurels, ce que l’on appelle la « venture philanthropy ».