Fédération des promoteurs immobiliers Hauts-de-France
« Notre enjeu ? Savoir produire tout en contenant les prix »
Président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) en Hauts-de-France depuis 2021, Jean-Michel Sède est aussi à la tête de Loger Habitat. Si la pénurie de foncier reste une problématique qui n'en finit pas d'inquiéter la profession, l'inflation et la hausse des matières premières devraient aussi fortement peser sur les chiffres 2022 et 2023.
Pouvez-vous nous présenter l'antenne Hauts-de-France de la FPI ?
Jean-Michel Sède : Elle regroupe une quarantaine d'adhérents, à la fois des filiales de grands groupes internationaux ainsi que des opérateurs locaux indépendants. Cela représente environ 800 emplois directs ainsi que de nombreux emplois indirects.
Notre objectif, c'est de défendre les intérêts de la profession, d'être des interlocuteurs auprès des pouvoirs publics et des ministères. Du côté des collectivités, avec lesquelles nous travaillons étroitement, nous représentons également la profession et leur apportons notre savoir-faire en prenant en compte par exemple les contraintes du site. Nous travaillons de plus en plus en densité et en renouvellement urbain.
Justement, comment concilier la zéro artificialisation des sols et le manque de foncier dans la métropole lilloise ?
Les Hauts-de-France sont une région dans laquelle la requalification des friches existe déjà depuis longtemps. D'ailleurs, la plupart des opérations de Loger Habitat sont des opérations de requalification, je pense par exemple à la transformation de l'ancien siège de la Banque Accor en logements à La Madeleine, mais aussi celle de Dewavrin à Tourcoing ou encore l'ancienne piscine d'Armentières... Nous essayons toujours de garder ce qui peut l'être et de valoriser l'environnement.
De leur côté, les maires sont de plus en plus confrontés à la vacance
des centres-villes, alors aller créer une offre concurrente en dehors
de ces flux, c'est compliqué en termes d'aménagement du territoire. Il
faut trouver des équilibres.
Avec le Covid, la demande des particuliers a-t-elle changé
vers davantage de maisons, des logements plus grands et avec du terrain ?
Le logement individuel ne représente que 10% de notre production. Il y a de plus en plus de logements collectifs. Certes, il y a eu un attrait vers les maisons avec un extérieur mais aujourd'hui les habitants se rendent compte que cela prend du temps à entretenir.
Sur le logement collectif, alors qu'auparavant l'acquéreur occupant était plutôt un senior qui revendait sa maison pour revenir en appartement, on voit apparaître aujourd'hui des primo-accédants, plus urbains, et qui souhaitent habiter près des centres-villes. Il faut aussi prendre en compte le facteur prix : sur un an, on constate une augmentation de 7% – 4 000 euros du mètre carré habitable sur le SCOT de Lille – qui s'explique par la rareté des fonciers mais aussi le prix de revient des opérations.
Qui ne va pas aller en s'arrangeant avec la crise énergétique...
On constate déjà un impact sur le coût de l'énergie et des matériaux depuis ces derniers mois. En même temps, les taux d'intérêt augmentent et la capacité d'achat diminue ; c'est une vraie inquiétude pour la profession. Depuis le 1er janvier 2022, le Haut Conseil de stabilité financière exige des banques qu'elles plafonnent à 35% le taux d'endettement pour les investissements immobiliers, quelque soit le revenu et que la durée des crédits ne doit pas être supérieure à 25 ans.
Cela commence à faire de nombreuses contraintes. Entre septembre 2021
et septembre 2022, on a constaté une baisse de 10% des réservations en
logements collectifs sur les Hauts-de-France et -18% rien que sur la
MEL. Cela est dû d'un côté à une pénurie de nouvelles offres, combinée à
des annulations de dossiers pour cause de non-financement [ndlr, 35% des dossiers aujourd'hui, ndlr].
Pour investir dans l'immobilier, il faut avoir une vision à moyen terme
rassurante et ce n'est clairement pas le cas aujourd'hui.
Post-Covid, on parlait d'une mutation dans l'immobilier de bureaux. Qu'en est-il réellement aujourd'hui ?
Pour l'instant, on a du mal à mesurer "l'effet télétravail". On a rapidement parlé de réduction des surfaces mais on constate surtout un retour des salariés. Là où il y a un impact, c'est dans la conception des bureaux en eux-mêmes qui s'apparentent de plus en plus à celle des logements avec une salle commune, une cuisine, une salle à manger, des espaces conviviaux et variés... et de moins en moins de bureaux affectés.
En tant que constructeurs, quels sont vos principaux défis ?
Les bâtiments moins énergivores étaient déjà une tendance qui s'est clairement accélérée et qui met la profession en mouvement. La loi Réglementation environnementale RE2020 incite à la décarbonation de l'ensemble de la chaîne de production. Pour l'instant, cela commence par le béton bas carbone puis par la proportion de bois sur un projet. Sans compter les matériaux bio-sourcés, comme le béton de chanvre, la paille...
On compare souvent le neuf et l'ancien : le neuf serait davantage consommateur de carbone que l'ancien. Mais si on doit réhabiliter avec des performances équivalentes au neuf, le coût des travaux est quasiment similaire. Il faut encore industrialiser les filières mais dans un budget contraint. L'enjeu, c'est de savoir produire tout en contenant les prix. Les entreprises ne sont malheureusement pas toujours capables de garantir les prix à cause de l'augmentation du coût des matières premières.
Un autre défi, c'est aussi celui de l'application des réglementations...
En effet, elles sont très contraignantes, sauf dans le neuf où les normes sont en vigueur. La question se pose également sur les passoires thermiques : les logements classés F et G représentent 18% du parc immobilier régional. C'est colossal. Il faut savoir que sur les 35 millions de logements du parc français – dont 3 millions sur les Hauts-de-France –, seuls 1% sont neufs. Il y a donc encore du travail !
Les acheteurs sont-ils sensibles aux constructions plus écologiques ?
Je dirais plutôt qu'il y a une demande importante sur le chauffage. Pendant des années, on a installé du gaz suite aux nouvelles réglementations thermiques. Aujourd'hui, on revient à l'électrique mais plutôt sur les pompes à chaleur, qui ont de meilleurs rendements et c'est là que les acheteurs vont poser leurs critères.
Dans le neuf, la performance est là mais il faut être encore plus vertueux. L'enjeu n'est plus tellement sur la performance thermique du bâtiment mais sur le bilan carbone de l'opération et son cycle de vie. Dès la conception, il faut calculer le poids carbone d'un projet, y compris jusqu'à son recyclage. Cela suppose beaucoup d'ingénierie en amont dans la conception. D'autant plus si l'on veut tenir le prix et être rationnels.
Le secteur du BTP a-t-il repris son niveau d'avant crise ?
Du côté de la promotion, le secteur est revenu au niveau d'avant-crise. Néanmoins, 2022 sera une moins bonne année à cause de l'inflation, de la rareté de l'offre, de l'augmentation des prix et du manque de renouvellement d'offres. Dans les entreprises, c'est très aléatoire : la commande publique risque de souffrir un peu et les bailleurs sociaux ont des difficultés à lancer de nouvelles opérations faute de budgets.