Entretien avec Alain Vasselle, président de l'Union des maires de l'Oise

« Notre objectif est d'avoir un dialogue local constructif pour améliorer la situation des collectivités locales »

La 73e Assemblée de l'Union des Maires de l'Oise (UMO) aura lieu le 12 octobre, à Bresles. Alain Vasselle, président de l'UMO, fait le point sur la situation des collectivités locales, qu'il juge préoccupante. Avec une autonomie financière amoindrie depuis des années, l'inflation et l'objectif de Zéro artificialisation nette (ZAN) d'ici 2030, les maires montent au créneau, se sentant de plus en plus démunis. Cette Assemblée sera le moment d'échanger de façon constructive avec les institutionnels présents, pour poursuivre le long combat des maires, celui d'être acteur dans leurs communes.

Alain Vasselle, président de l'Union des Maires de l'Oise. (c)Cyrille Struy
Alain Vasselle, président de l'Union des Maires de l'Oise. (c)Cyrille Struy

Quel est l'état des finances locales dans l'Oise ?

Alain Vasselle : Dans l'Oise, les finances des collectivités sont comme dans toutes les communes de France, elles ne sont pas bonnes. Les maires n'ont jamais réussi à récupérer et compenser la perte du produit de la taxe d'habitation et même compenser de peu, ce n'est pas possible dans toutes les communes, notamment pour les plus petites et celles en ruralité. Les maires ont aussi été amputés de la Dotation globale de fonctionnement (DGF) depuis des années et cela a commencé sous Nicolas Sarkozy, François Hollande a continué et la situation s'est amplifiée avec Emmanuel Macron. Il y aura alors un risque d’une progression des dettes si l’on veut maintenir le niveau d’investissement mais nous ne pouvons pas l'augmenter au-delà d'un certain pourcentage. Tout ceci place les collectivités dans une difficulté majeure.

La situation est-elle si inextricable ?

Oui, dans l'état actuel des choses, elle le devient. La situation est critique car nous ne pouvons pas augmenter les dépenses et il y une inflation qui impacte indéniablement sur les investissements et sur le bon fonctionnement au quotidien des communes. L’État a aussi décidé de revaloriser le salaire des fonctionnaire de 3,5 points et leurs retraites de 4 points, et nous sommes très heureux pour nos agents, mais cela impacte également sur nos finances... et nous n'avons aucune compensation.

Finalement, les communes sont exsangues, elles ont du mal à travailler correctement au quotidien et ont surtout du mal à se projeter. C'est une situation préoccupante. Il faut rappeler que 70% des dépenses publiques en France sont faites par les communes et les intercommunalités, donc si leurs finances vont mal, les investissements des communes sont limités. Ce n'est pas sans conséquence pour l'économie locale car ce manque d'investissement a un impact direct sur l'économie locale. Nous allons donc être vite rattrapés par les difficultés des entreprises.

Que demandez-vous à l’État ?

Il faut que l’État revalorise la DGF et que la Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) soit plus conséquente. Dans l'Oise, nous avons une particularité, et une chance, c'est d'être soutenu financièrement par le Département, ce n'est pas le cas pour la Somme et l'Aisne. Nous pouvons donc cumuler les aides et continuer à investir, ce qui limite les problèmes, mais nous restons tout de même restreints. L’État doit aussi arrêter toutes ses normes car nous en avons 36 à respecter et cela impacte aussi sur l'investissement, il faut maintenant agir.

Les maires demandent une réelle compensation de la perte du produit de la taxe d'habitation. Certaines communes compensent en augmentant la taxe foncière sur les propriétés bâties car elles n'ont pas d'autres choix. Mais ce n'est pas une bonne solution, car d'une part cela veut dire déplacer le problème et nous nous retrouvons dans des situations où certaines ont augmenté jusqu'à 20% la taxe foncière sur les propriétés bâties, ce n'est pas tenable. Et d'autre part, cette augmentation impacte sur le pouvoir d'achat des concitoyens et ce n'est pas normal.

Quel est le problème avec l'objectif de ZAN ?

D'ici 2030, nous devons diminuer de 50% la consommation de terres agricoles et forestières. Or, dans certaines communes, 50% de 0 cela fait toujours 0. Par conséquent, en matière d'urbanisme, l’État va bloquer le développement des communes. Comment allons nous faire pour offrir des logements aux habitants ou faire venir des entreprises et créer de l'emploi ? Et les décrets d’applications ne sont pas clairs. Même s'il existe une enveloppe nationale qui ne va pas impacter sur l’enveloppe régionale, qui permet de tout même d'avoir l'autorisation de développer des projets structurants pour le territoire, mais ce n'est pas assez. De même, dans le cadre du SRADDEt, la Région peut également aider financièrement des communes, mais elle va devoir faire des choix car l'enveloppe ne peut couvrir toutes les dépenses des communes de la région. Dans cet objectif de ZAN, l'État se dédouane de ses responsabilités.

Comment résoudre cette équation ?

Finalement, avec ce projet, les communes vont devenir des villes-dortoirs car il faudra que les habitants prennent leur voiture pour aller travailler et l'attractivité ne pourra être développée. Alors nous devons stopper la consommations de terres agricoles mais dans le même temps, l’État demande à tous de diminuer notre bilan carbone. Il y a donc des contradictions et nous allons avoir des difficultés à répondre à des objectifs autant opposés.

Il faut une analyse pragmatique de la situation et prendre en compte les particularités locales. La Région le fera, mais l’État, non. Sur ce sujet, l’État fait la sourde oreille, il y a des concertations de façade, en théorie tout est parfait mais, concrètement, rien n'est fait et nous ne voyons aucun changement car les maires ne sont pas écoutés. Les Préfets devraient avoir plus d'autonomie sur ce sujet et plus de marge de manœuvre pour analyser chaque cas précis car, comme ils appliquent le cadre législatif, nous assistons souvent à un dialogue de sourd. Notre objectif est d'avoir un dialogue local constructif pour améliorer la situation des collectivités locales, et il faut réagir vite.


Des thèmes toujours d'actualité

Pour cette année, le sujet majeur principal du Congrès de l'UMO revient de nouveau sur le thème du Zéro Artificialisation Nette (ZAN), pour suivre l’évolution de l’application de la loi «Climat et résilience» à la la fin d’année, ainsi que l’évolution majeure des finances locales, notamment la Dotation Globale de Financement, avec l'intervention d'experts sur leurs sujets respectifs, tels que Daniel Leca, conseiller régional, et Clément Bousquet, expert en finances locales. La préfète de l'Oise, Catherine Séguin, et la présidente du Conseil départemental de l'Oise, Nadège Lefebvre, interviendront et répondront aux questions des élus du département.