Première injection nationale de méthane de synthèse à Sempigny
C'est une première en France. Du 4 au 6 juillet, GRDF a expérimenté l'injection du méthane de synthèse dans le réseau de gaz, menée sur le site de l'unité de méthanisation de Sempigny, près de Noyon. Ce gaz vert a été produit selon le procédé dit de méthanation, grâce au démonstrateur de la start-up Energo, basée à Lille. Si ce procédé est connu dans les pays nordiques, la technologie dite de « plasma-catalyse » utilisée sur le site isarien est une première mondiale... Testé et approuvé, il ne reste plus qu'un cadre légal d'utilisation de ce méthane de synthèse par le Gouvernement.
Maximiser, pour
une même quantité d'intrants, la production finale de gaz verts et
réduire davantage les émissions de CO2, tels sont les grands
objectifs de l'utilisation du méthane de synthèse dans le réseau
de gaz. Ce dernier répond également aux enjeux
environnementaux urgents et participe à la transition écologique
mais aussi à l'indépendance énergétique.
Et cette expérimentation a été réalisée avec succès dans le réseau de gaz GRDF en juillet dernier, permettant de confirmer la faisabilité d'injection de méthane de synthèse dans le réseau. Installé sur le site de méthanisation de la ferme de Parvillers à Sempigny - tenu par Olivier Thomas qui s'est associé avec l'agriculteur pionnier du gaz vert en France Mauritz Quaak - le démonstrateur a produit du méthane de synthèse avec du CO2 directement capté sur le site de production.
Si
c'est grâce au principe de la méthanation (réaction de
synthèse du méthane à partir de dihydrogène et de monoxyde de
carbone ou de dioxyde de carbone en présence d'un catalyseur) que
ce méthane de synthèse est produit, c'est bien la technologie de
méthanation catalytique (dite plasma-catalyse)
qui est au cœur de l'innovation mondiale. Car ce procédé
novateur utilise un plasma froid pour combiner CO2 et hydrogène à
pression ambiante et température modérée, dans un réacteur très
compact... ce qui réduirait de 20% les coûts de méthanation. C'est
une petite révolution mais révolution tout de même : ce CO2
biogénique (CH4 : CO2 + hydrogène) permet d'augmenter à 80% la
quantité du méthane injectée dans le réseau.
« Nous sommes extrêmement
fiers de cette double première industrielle ici à Sempigny.
Première mondiale concernant l'injection de gaz de synthèse dans le
réseau et première mondiale concernant l'industrialisation du
plama-catalyse », indique Vincent Piepiora, président
d'Energo, la start-up lilloise, spécialiste du développement de la
méthanation, qui a créé et testé cette technologie.
Valoriser la biomasse
Pour bien appréhender l'enjeu, il faut comprendre que la méthanation est complémentaire aux autres filières de production de gaz verts, à savoir la méthanisation, la pyrogazéification et la gazéification hydrothermale car ce procédé vient capter l'énergie déjà présente. À Sempigny, la méthanation se complète au procédé de la méthanisation et s'imbrique dans une boucle vertueuse déjà en place.
Depuis 2018, ce site est raccordé au réseau de Noyon et, pour comparaison, il produit l'équivalent de 3 000 litres de fioul par jour, pour 2 500
logements concernés. La biomasse utilisée est locale : fumiers
de bovins, pulpes de betteraves et les CIVEs (culture
intermédiaire à vocation énergétique), ainsi que des biodéchets
issus du secteur de l'agro-alimentaire... au total, 30 tonnes de
déchets sont utilisés par jour sur un site qui utilise le
circuit-court car la ferme est à quelques pas. « La
méthanisation a toute sa place en France »,
note Mauritz Quaak, agriculteur qui a lancé la première production
de gaz vert en France il y a dix ans.
Dans cette boucle, la méthanation arrive pour maximiser la valorisation de la biomasse renouvelable. Sur un potentiel de production de gaz renouvelables en France estimé à 420 TWh à horizon 2050, 50 TWh pourraient être produits par méthanation. Pour GRDF, « cette filière de production de gaz renouvelable constitue un levier efficace pour maximiser la valorisation de la biomasse tout en offrant une flexibilité complémentaire au système énergétique, pour valoriser l'électricité renouvelable produit en été par exemple ».
Néanmoins,
la construction de cette boucle vertueuse a un coût. À Sempigny,
4,2 millions d'euros d'investissement ont été nécessaires pour construire le méthaniseur, avec
une aide financière de la Région et de l'Ademe. «
Sans ces aides, c'est impossible,
explique Mauritz Quaak.
Ici, le biogaz est consommé localement, et contractuellement il peut
être acheté par d'autres clients et être utilisé partout en
France. Mais il faut revoir les modèles économiques car aujourd'hui
tous les postes ont augmenté, le bois, le béton, le fer etc et avec
la crise énergétique ce sont d'autres coût supplémentaires et les
investissements sont aujourd'hui très lourds. Aujourd'hui, c'est
plus difficile de lancer des projets. Car l'objectif est que ce
soient les agriculteurs les principaux porteurs de ces projets. »
Le biométhane, un gaz essentiel à la transition énergétique
Dans cette filière
d'avenir, les conséquences de la méthanisation donnent de l'espoir. Ses
effets, selon GDRF, diminuent 10 fois le gaz à effet de serre,
permettent la sobriété énergétique, donnent de la souveraineté
énergétique et créent des emplois locaux. « Il y a un
potentiel significatif en France avec ce méthane de synthèse,
précise Catherine Leboul Proust, directrice stratégie chez GRDF.
Les infrastructures existent, nous venons de la prouver et nous
sommes là pour accompagner, pour faciliter, pour être dans la
prospective mais aussi dans la R&D. »
Et les perspectives sont tout aussi encourageantes. En France, en 2021, 152
nouveaux sites de méthanisation ont été raccordés aux réseaux
gaziers. La capacité installée de 7,9 TWh dépasse à présent les
objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie fixée à 6
TWh/ an en 2023. Et plus de 1 149 projets sont à l'étude pour une
capacité totale d'injection de plus de 25 TWh/an. Dès 2023, 20% du
gaz consommé en France sera renouvelable, en 2050, la France a le
potentiel de couvrir 100% de sa demande grâce aux gaz renouvelables.
Si
les perspectives sont grandes, il n'y a pour l'heure aucun cadre
réglementaire pour les gaz de synthèse produits par électrolyse
puis méthanation, ce qui n'autorise aucune injection. À Sempigny,
le test a été concluant. La société Energo a obtenu une
autorisation d'injection à titre expérimentale dans la cadre du
bac à sable réglementaire de la Commission de régulation de
l'énergie (CRE). Et une trentaine de projets d'injection de gaz
renouvelable a d'ores et déjà obtenu une autorisation. Approuvée,
la prochaine étape pour cette technologie est la mise en place de
mécanisme des soutien pour donner de la visibilité nécessaire
quant à l'industrialisation de la filière.
Il ne reste plus que l'accord du Gouvernement et un cadre légal pour utiliser l'injection de ce gaz dans le réseau de distribution. L'enjeu est grand au moment où le projet de loi visant l'accélération des énergies renouvelables est en cours d'examen au Sénat.