Prêts garantis par l’État : de nouvelles précisions
Les textes prévoient comme critère d’exclusion le fait pour une entreprise de faire l’objet d’une des procédures visées aux titres II, III, IV du livre VI du code de commerce. À quelle date cette situation doit-elle s’apprécier ? Cela veut-il dire que les entreprises en cours d’exécution de leur plan sont exclues du dispositif ?
La loi et l’arrêté précisent qu’une entreprise ne peut pas être éligible au dispositif si elle fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires). Il convient d’apprécier cette situation à la date de publication de la loi et de l’arrêté au Journal officiel, le 24 mars 2020. En outre, ce critère ne vaut que jusqu’à « clôture de ladite procédure », ce qui doit être compris comme ayant pour conséquence de ne pas exclure une entreprise qui est en cours d’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement au 24 mars 2020 ; ces dernières sont donc bien éligibles au dispositif. Enfin, les entreprises en procédure préventive amiable (mandat ad hoc, conciliation) ne sont pas visées par cette exclusion : elles sont donc bien éligibles au dispositif. Il en va de même pour les entreprises en médiation. Cela étant, il convient de noter le lien avec la situation financière qui souvent, pour les entreprises dans ces situations, est déjà dégradée et peut justifier, au cas par cas, des décisions négatives d’octroi par les banques de nouveaux prêts garantis par l’État.
L’arrêté ne fait aucune mention de l’exclusion des « entreprises en difficulté » au sens du droit de l’UE sur les aides d’État. Qu’en est-il ? Les entreprises dont les fonds propres sont inférieurs à la moitié du capital social, voire négatifs, sont-elles bien éligibles si elles ne sont pas en procédure collective ?
Même si la loi et l’arrêté ne le mentionnent pas expressément, il convient de rappeler que dans le cadre temporaire sur les aides d’État publié le 19 mars 2020, la Commission européenne a indiqué qu’une entreprise qui se trouvait, à la date du 31 décembre 2019, en difficulté au sens de la définition donnée au (18) de l’Article 2 du règlement UE n° 651/2014, ne peut pas recevoir d’aide au titre des dispositifs d’urgence comme celui-ci. Pour les cas d’entreprises où certains de ces critères incluent une notion de dette, la dette prise en compte est le montant des emprunts (donc dette brute). Au regard de la situation, la notion de fonds propres peut être appréciée de façon extensive, notamment en présence de comptes courants d’associés et d’instruments de quasi fonds propres. Les diligences à réaliser pour apprécier ces critères doivent demeurer proportionnées, notamment en l’absence de comptes 2019 certifiés. Il n’est ainsi pas attendu que des attestations particulières soient exigées.
Éligibilité des entreprises unipersonnelles, sans salariés ?
Oui.
Puis-je cumuler le bénéfice d’un prêt garanti par l’État (PGE) avec d’autres dispositifs d’aide ?
Oui. Il n’y aucune contrainte sur le cumul du bénéfice d’un PGE avec d’autres aides élaborées par les pouvoirs publics français dans la décision ou dans le cadre temporaire de la Commission européenne.
Est-ce que les succursales françaises des banques étrangères ou les banques étrangères peuvent bien bénéficier de la garantie de l’État dans le cadre du PGE ?
Oui.
Quel est le périmètre précis des associations et fondations éligibles ? Les SEM, les SCCV et les EPL sont-ils éligibles ? Les établissements de paiement ou de monnaie électronique ?
Toute association ou fondation qui est enregistrée au RNEE, qui emploie un salarié ou paie des impôts ou perçoit une subvention publique, est éligible. Les SEM, les SCCV et les EPL sont éligibles. Dans le secteur financier, seuls les établissements de crédit et les sociétés de financement sont exclues du dispositif. Les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique, ou encore les sociétés de gestion de portefeuille sont donc, parmi d’autres, éligibles à ce dispositif.
Est-il possible de remettre en cause l’éligibilité à ce dispositif des sociétés sous LBO quand bien même leur levier avant un recours à un prêt garanti par l’État était élevé et même si un bris de covenant avait été constaté antérieurement, du moment qu’aucune des procédures prévues aux titres II, III et IV du livre VI du code de commerce n’avait été ouverte à la date de la mise en place de ce prêt ?
En tant que tel, une entreprise sous LBO n’est pas un critère d’exclusion du dispositif. De même, les bris de covenant et les niveaux de levier, dès lors qu’ils n’enfreignent pas les critères sur les procédures collectives ni les critères européens d’entreprise en difficulté au 31/12/2019, ne sont pas en eux-mêmes des critères d’exclusion. Il convient néanmoins de rappeler qu’il revient toujours à la banque prêteuse d’exercer ses diligences et de prendre la décision d’octroi du prêt. Une situation financière trop dégradée, même si elle ne rend pas inéligible de droit à la garantie de l’État, peut conduire la banque à refuser le nouveau prêt.
Pour les dossiers avec une cotation Banque de France plus mauvaise que 5+, la garantie ne serait acquise qu’après analyse et décision de la banque ? de BPI ? Qu’en est-il réellement ? Y a-t-il un lien entre l’éligibilité d’une entreprise au PGE et sa cotation Fiben ?
Pour tous les dossiers d’entreprises qui, en France, emploient moins de 5000 salariés et réalisent moins de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, seule la banque prêteuse analyse le dossier et décide du prêt. Si la banque accorde le prêt, et que ce prêt est conforme au cahier des charges défini par arrêté, alors il est de droit garanti par l’État. Ni l’État ni BPI ne conduisent donc d’analyse du dossier derrière la banque prêteuse. Même si aucun critère de notation n’est fixé dans le cahier des charges, les banques se doivent d’y être attentives dans la mesure où elles partagent le risque : elles ne sont pas intégralement couvertes par la garantie de l’État sur le crédit, et pour les professionnels, TPE, PME et ETI, elles ne peuvent pas prendre d’autre garantie ou sûreté en plus de la garantie de l’État à 90%. Dans ce contexte, il est légitime de s’attendre à ce qu’elles acceptent de prêter moins systématiquement à des entreprises dont la cotation (Banque de France ou équivalente) serait de 5 ou plus qu’à des entreprises mieux notées. En cas de refus, l’entreprise peut se rapprocher d’autres banques ou se rapprocher de la médiation du crédit de son ressort. En outre, d’autres dispositifs de trésorerie sont accessibles aux professionnels et entreprises qui ne seraient pas éligibles au prêt garanti par l’État ou qui se le verraient refusé par la banque. En cas de refus d’un prêt garanti par l’État, les professionnels et les TPE peuvent notamment déposer une demande auprès du fonds de solidarité.
Procédure d’octroi du prêt garanti par l’État. Quels sont précisément l’effectif salarié et le chiffre d’affaires à utiliser pour les seuils (PME, ETI, GE) du dispositif qui permettent de décider de la procédure d’octroi, de la quotité et du prix de la garantie applicables à une entreprise donnée ?
Pour connaître la procédure d’octroi de la garantie, ainsi que la quotité et le prix de cette garantie, il est nécessaire de situer l’entreprise (ou le groupe) par rapport à trois seuils. Le seuil PME (moins de 250 salariés et moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou 43 millions d’euros de bilan), pour lequel il convient de se référer à la définition européenne de la PME, et d’utiliser en conséquence les chiffres consolidés “monde” pour l’effectif, le chiffre d’affaires et le total de bilan afin de situer l’entreprise par rapport à ce seuil. Les seuils ETI (moins de 5 000 salariés et moins de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires) et GE (plus de 5 000 salariés ou plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires), pour lesquels il n’y a pas de définition européenne. Il convient alors d’utiliser les définitions françaises (décret d’application de la loi LME), et les chiffres consolidés France pour calculer l’effectif et le chiffre d’affaires utilisés pour situer l’entreprise par rapport à ces seuils. Si l’entreprise n’est pas en mesure de fournir des chiffres consolidés France, il convient de sommer les chiffres des comptes sociaux, sans retraiter les flux intragroupe. L’ensemble de ces éléments sont fournis à la banque par l’entreprise et sous sa responsabilité.
Que faire si les comptes 2019 certifiés ne sont pas disponibles ? Que se passe-t-il si en pratique, par exemple à la suite d’une erreur, le montant de prêt PGE octroyé dépasse le plafond autorisé ? La garantie continue-t-elle de valoir alors dans la limite du plafond autorisé ou tombe-t-elle en totalité ?
Si les comptes 2019 certifiés ne sont pas disponibles, il est possible d’utiliser une attestation d’expert-comptable/commissaire aux comptes. Si cela n’est pas possible, il convient d’utiliser les comptes 2018 certifiés. Le chiffre d’affaires (ou la masse salariale selon les cas) qui permet de calculer le montant total par entreprise des prêts pouvant être couverts par la garantie de l’État doit s’appréhender comme un plafond et non comme une condition de l’éligibilité. Dès lors, il convient que la portion qui excéderait le seuil des 25% du CA, le cas échéant, ne soit pas couverte par la garantie de l’État mais qu’en revanche le prêteur conserve le bénéfice de cette garantie sur le reste du prêt dans la limite du plafond autorisé. De la même façon, si le chiffre d’affaires (ou le nombre de salariés) qui permet de classer l’entreprise (ou le groupe) emprunteur dans l’une des trois catégories (PME, ETI, Grande Entreprise) pour connaître la procédure d’octroi applicable, la quotité et le prix de la garantie, s’avère a posteriori erroné, le prêteur conserve bien le bénéfice de cette garantie, mais dans la limite de la quotité découlant de l’application des textes à la situation vérifiée de l’entreprise. Il doit régulariser le versement des primes de garantie s’il y a eu un versement inférieur à ce qui aurait dû l’être.
Quels sont les critères pour être considérée “entreprise innovante” dans le cadre du dispositif de prêts garantis par l’État ?
Une entreprise est considérée comme innovante si, au cours des cinq dernières années, elle a :
1. Ou reçu un soutien public à l’innovation, notamment les aides individuelles de Bpifrance, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie et consultable au lien suivant : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038185018&categor ieLien=id
2. Ou levé des fonds auprès d’investisseurs français ou étrangers spécialisés dans les entreprises innovantes (fonds d’amorçage, fonds de capital-risque, fonds de capital-croissance, etc.).
3. Ou été accompagnée par un incubateur.
Dans le cadre de la demande de prêt garanti par l’État, les entreprises qui entrent a priori dans les critères ci-dessus sont considérées comme “entreprises innovantes”, sans qu’il soit nécessaire de fournir une attestation officielle.
Y a-t-il un nombre maximum de demandes au-delà du 30 avril ?
Non. Seul est plafonné le montant total des prêts garantis par l’État que peut détenir une entreprise.
Si une entreprise revient plusieurs fois pour demander un nouveau tirage (par exemple en mai en complément d’une première mise en place faite fin mars), le nouveau tirage sera-t-il réalisé de nouveau sur 12 mois créant de ce fait plusieurs échéances courant 2021 ?
Oui. Il s’agit d’un nouveau crédit.
Pour une SARL créée après le 01/01/2019, dont le gérant est majoritaire donc non salarié, qui n’emploie personne, quel est le montant de PGE auquel il est éligible ?
Le plafond à 25% du chiffre d’affaires doit être considéré comme le cas général. Le recours à la masse salariale pour les entreprises nouvelles ou innovantes est une possibilité laissée par exception au cas général. Dans le cas d’espèce, il convient donc, si cela est plus facile, d’utiliser la référence au chiffre d’affaires, si nécessaire proratisé sur douze mois.
Le chiffre d’affaires est-il HT ou TTC ? Peut-on considérer qu’une attestation d’un expert-comptable peut servir de base de calcul ? Faut-il inclure les autres produits d’exploitation ? Peut-on bien prendre en compte le chiffre d’affaires total de l’entité française concernée, et non seulement le chiffre d’affaires que cette entité réalise en France ?
Le chiffre d’affaires est HT. Il est possible d’avoir recours à une attestation d’expert-comptable en cas d’indisponibilité de comptes certifiés, notamment pour l’année 2019. Le chiffre d’affaires est celui de la liasse fiscale. Il n’inclut pas d’autres lignes de la liasse fiscale, comme les « autres produits d’exploitation ». La totalité du chiffre d’affaires de la société immatriculée en France est pris en compte. Il inclut donc le chiffre d’affaires réalisé à l’export, y compris lorsqu’il est réalisé vers une filiale.
Quel chiffre d’affaires utiliser pour une association ?
Chiffre d’affaires = Total des ressources de l’association moins [dons des personnes morales de droit privé + subventions d’exploitation + subventions d’équipement + subventions d’équilibre]. Ce choix permet à l’État de ne pas se garantir contre lui-même – il continuera à soutenir les associations – ni contre les choix de collectivités locales qui subventionnent des activités associatives ou de grandes entreprises mécènes qui peuvent et doivent continuer à soutenir le lien social animé par les associations. Pour cette raison, ces concours et subventions sont neutralisés dans la formule de calcul du chiffre d’affaires. Le PGE couvre toutefois les autres baisses de ressources, de manière à couvrir l’ensemble des modèles socio-économiques des associations.
Le recours à la masse salariale pour l’assiette de calcul du montant autorisé pour le prêt pose deux questions : comment s’interprète le « estimée sur les deux premières années d’activité » pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019 ? Est-ce que la masse salariale est hors charges patronales ?
Pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019, il convient de calculer la moyenne mensuelle de la masse salariale depuis la création de l’entreprise et de la multiplier par 24 pour obtenir le montant autorisé pour le prêt garanti par l’État. La masse salariale à utiliser est la masse salariale brute, donc hors cotisations à la charge de l’employeur.
Caractéristiques du prêt. Qu’en est-il de l’assurance emprunteur ?
Il est admis que le professionnel ou le dirigeant puisse demander à souscrire une assurance décès. Dans ce cas, afin d’être couvert, le professionnel ou l’entreprise bénéficiaire d’un PGE devra s’acquitter des primes d’assurance, y compris durant la 1ère année de différé.
Le différé d’amortissement minimal de douze mois empêche-t-il un remboursement anticipé par exemple dans le cas d’une clause de remboursement anticipé obligatoire pour l’emprunteur en cas de changement de contrôle ?
Non. Un remboursement anticipé dans le cas d’une clause usuelle comme le changement de contrôle est possible. Mais l’État sera vigilant à ce qu’il n’y ait pas de recours à des clauses abusives qui – à l’encontre de l’intérêt des banques elles-mêmes – viendraient contourner l’option laissée à l’emprunteur à l’issue de la première année de choisir librement d’amortir ou non sur quelques années de plus le prêt.
La loi et l’arrêté n’encadrent pas le prix des prêts garantis par l’État. Quels seront les taux d’intérêt pratiqués par les établissements de crédit qui distribueront le PGE ? Ceux-ci dépendront-ils du nombre d’années sur lesquelles s’exercera l’amortissement du crédit ?
Les banques, par la voix du président de la fédération bancaire française, se sont engagées à octroyer à « prix coûtant » les prêts garantis par l’État. Concrètement, cela veut dire que le taux pour l’emprunteur est le taux dit de la ressource de la banque prêteuse, actuellement proche de 0% pour la première année, augmenté de la prime de garantie, appliquée au principal du prêt et dont le barème est public et dépend de la taille de l’entreprise ainsi que de la maturité du prêt garanti. Le coût de la ressource variant d’une banque à l’autre, il se peut qu’il y ait de petites différences de taux sur les prêts garantis par l’État d’une banque à l’autre.
Le prêt garanti par l’État peut-il être souscrit en vue d’un tirage futur/éventuel par des sociétés anticipant des besoins de liquidité et souhaitant pour cela sécuriser une ligne de “back-up”?
Oui. Cela est possible. Néanmoins le délai de carence de deux mois pour la garantie (i.e. le délai à partir duquel la banque est effectivement couverte par la garantie de l’État – le sujet est totalement neutre pour l’emprunteur) s’applique à compter du décaissement des fonds : la banque peut donc conseiller en toute légitimité un décaissement immédiat ou plus tardif, au plus près des besoins de liquidité anticipés. Par ailleurs, même en l’absence de décaissement, l’entreprise consomme son plafond de garantie autorisé comme si les fonds avaient été décaissés.
Le plan de remboursement du prêt se discute-t-il avec les banques après le différé de remboursement de douze mois ?
Non. Le prêt doit nécessairement comprendre un différé d’amortissement d’un an et une clause qui donne la faculté à l’emprunteur de décider unilatéralement la durée d’amortissement du prêt à l’issue de la première année, dans la limite de cinq années supplémentaires. Il n’est donc pas possible de demander à l’emprunteur, au moment de l’octroi du prêt, de décider à l’avance d’étendre l’amortissement à l’issue de la première année sur quelques années de plus. Il est possible d’opérer un remboursement partiel à l’issue de la première année et d’amortir le reste.
Comment interpréter la date limite d’octroi fixée au 31 décembre 2020 ? S’agit-il de la date d’accord de crédit ou de la date de décaissement du prêt ?
La date d’octroi est la date d’accord de crédit. Cela implique que des prêts effectivement accordés avant le 31 décembre 2020 pourront être décaissés postérieurement à cette date tout en pouvant bénéficier de la garantie de l’État.